mardi, 07 mars 2017
La Bohème…
Un commentaire de Juliette, une lectrice chérie avec qui je me pouille régulièrement, m’amène à apporter quelques précisions sur la situation.
Surtout ça me permet de tartiner alors que je n’avais pas plus d’idée que Mab.
« Julie » donc, me disait en réponse à une phrase pleine de bizarrerie qu’elle citait :
« D’après ma mère, il y avait deux camps, « les Arabes » d’un côté, « les cocos » de l’autre. »
Elle ajoutait donc à ce petit bijou :
« T’oublies les manouches. »
Et là je dis « Stoooop !!! »
Non non non, Juliette, je n’oubliais pas !
Le problème ne se posait tout simplement plus en 1967.
Cette année là, le tronçon du « Périph’ » qui passait par la Porte de Clignancourt fut inauguré par Pompidou.
A l’endroit où passait « le Périph’ », pile poil sur la frontière des « interdits de séjour » qui sépare Saint Ouen de Paris, il y avait un camp de gitans qui fut évacué assez vivement dès 1965.
Le quartier devint alors d’un coup plus calme.
Les bandes qui venaient s’y étriper à coups de chaînes de vélo et tournevis dit « le3x300 » avaient décidé de se battre ailleurs.
Il y avait toujours des voyous, mais c’était « nos voyous ».
Ma mère les a toujours englobés dans le même espace ethnico-zarbi.
Cette population pour elle homogène, mélange de « blousons noirs » de « voyous de la Porte de Clignancourt », de « filles de la Porte de Clignancourt » ou « filles à soldats » selon l’humeur du moment et évidemment « d’Arabes ».
C’était pour elle un peuple unique, mauvais, homogène et détesté.
Les derniers pourtant traitaient les premiers de « Frangaos » et d’autres épithètes en « rebeu mal élevé ».
Les premiers à leur tour traitaient les derniers de « bougnoules », de « melons », de « bicots » et autres « Nord-Af’ ».
Elle avait rêvé un moment, quand « le Périph’ » a été entamé, que ce coin de Paris allait ressembler au village de ma grand’ mère.
Que « les Bohémiens » allaient partir ailleurs voler les poignées de porte et vider les poulaillers.
Que « les Arabes » allaient retourner dans « leur pays de communistes ».
Et que les voyous, privés de leurs éternels « sparring partners » allaient rentrer dans le rang, remplir les lycées et peupler une France redevenue française.
Hélas pour elle, toutes ces merveilles ne se sont pas produites…
Et voilà pourquoi, Juliette, je n’ai pas oublié les manouches.
D’après ce que j’ai lu, ils sont venus s’établir dans ton coin, au bout de ta rue…
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