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lundi, 19 février 2018

Valse triste…

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Ça faisait longtemps que je n’étais pas allé là-bas.
Dans ce recoin du Xème.
Quand j’allais là-bas, je passais toujours par cet étroit passage qui reliait la rue du Faubourg Saint Martin à la rue du Faubourg Saint Denis et traversait le boulevard de Strasbourg.
J’aimais passer par le passage du Désir.
« Passage du Désir » me semblait le plus beau nom qui soit pour entrer dans un autre monde.
Je retournais là-bas de temps en temps, sans oser franchir la porte.
J’y suis allé une fois encore, contre toute raison.
Dans la lumière blafarde des réverbères, la rue ne montrait plus la trace des années enfuies.
La buée de mon souffle qui modifiait la lumière du soir rendait plausible l’arrêt du temps dans ce quartier.
Le café où j’allais avant, bien avant, éclairait encore le trottoir.
Quelques portes plus loin je suis arrivé devant l’immeuble.
La porte qui donnait sur la rue n’était pas close.
Il n’y avait plus de concierge mais pas encore de ces claviers prévus pour repousser l’étranger.
J’ai poussé la porte pour entrer dans le sombre couloir qui menait à l’escalier.
Boyau aussi sombre qu’il l’était avant.
Avant… Quand c’était avant…
J’ai monté quelques marches.
Je n’ai pas eu besoin de la minuterie.
Rien qu’à poser le pied dessus, je reconnaissais chaque marche, chaque fente du bois.
Rien n’avait changé, j’en étais sûr malgré l’obscurité.
La fenêtre palière qui s’ouvrait sur la cour éclairait chichement mais suffisamment l’escalier.
Mon souffle est devenu contraint au fur et à mesure que je gravissais les degrés de bois.
Arrivé au premier étage, je me suis arrêté.
Ce n’était pas tant pour reprendre mon souffle que pour calmer les battements de mon cœur.
Puis j’ai repris lentement mon chemin.
Je me suis arrêté au deuxième étage et j’ai attendu.
Je me suis assis sur une des marches qui menaient au troisième étage.
Pas un bruit derrière la porte.
Un long moment s’est écoulé puis la minuterie s’est allumée.
Alors je me suis levé.
Un homme est arrivé qui s’est arrêté devant la porte et a sorti ses clefs.
Il m’a vu et a lâché peu aimablement « Oui ? Vous cherchez quelqu’un ? »
J’ai demandé « Madame A. habite toujours là ? »
Il m’a regardé et dit « Mais vous venez d’où ? D’après les voisins elle est morte depuis  plus de dix ans ! »
Il a sorti la clef de la serrure et est rentré chez…
Chez qui ?
Chez lui ?
Alors que c’était chez Elle !
Alors je redescendu et, arrivé en bas je me suis adossé au mur du sombre couloir et me suis mis à pleurer…
J’ai séché mes yeux avec ma manche.
Je passerai encore par le passage du Désir.
Je sais que je reviendrai et qu’elle ne sera pas morte...