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mercredi, 07 mars 2018

Mon père n'était pas un adepte des piqûres...

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Ça, c’est en 1930 à Ménerville, Algérie.
Franchement, lectrices chéries, si on n’avait pas des parents, les psys feraient faillite.
D’ailleurs je ne suis même pas sûr que la profession existerait…
Vous ai-je déjà parlé de mes parents, lectrices chéries ?
C’était un couple étrange, un de ces couples dont on ne peut pas dire un instant qu’il s’agissait d’une paire.
Il ne s’agissait évidemment pas d’une paire assortie, comme les chaussettes.
Il s’agissait encore moins d’une paire complémentaire, comme la vis et l’écrou.
Non, rien de tout ça.
C’était un équipage étrange dont ma mère était le cocher.
Elle s’évertuait à maintenir dans le droit chemin cet équipage qu’elle eût voulu reposant.
Hélas, avec mon père, autant essayer de mener un attelage de papillons.
Elle pouvait compter sur lui pour des tas de choses.
Pour le travail, pour faire des mots dévastateurs si on avait besoin des gens après, pour peindre des tableaux car il fut longtemps un très bon copiste.
Sinon, autant compter sur une promesse de candidat à la députation.
Remplacer un fusible de la boîte EDF au dessus de la porte était le meilleur moyen de le voir inanimé sur le carrelage du palier.
Clouer un piton pour y accrocher un tableau prouvait que taper sur le piton au travers d’un doigt était inefficace et douloureux.
Ma mère ne le laissa jamais poser du papier peint.
Jamais !
Elle avait bien trop peur d’être obligée de lui couper les cheveux pleins de colle et de racheter deux ou trois fois les rouleaux de papier.
Ma mère, selon son humeur le voyait dans deux rôles très différents.
Les « jours Lemmy », elle le voyait chanteur.
Il avait de fait une assez belle voix de baryton et charmait ma mère quand il lui chantait les chansons du moment.
À la condition évidemment qu’il n’en modifiât pas les paroles avec des trouvailles de son cru, généralement impubliables.
Les « jours Gaby », elle l’eût préféré gendarme.
Oui, gendarme.
Pour ma mère c’était le sommet de la tranquillité, une solde régulière, un emploi garanti, un uniforme qui aurait assuré le prestige dont elle rêvait.
Imaginez donc un mélange d’Aristide Bruant, de Louis Campion et de Toulouse-Lautrec en gendarme…
Bref, c’était un de ses couples étranges, deux personnes disparates pas plus capables de vivre ensemble que de vivre l’un sans l’autre…
Et pourtant ils ont beaucoup vécu à part.
Et vous voudriez que les quatre enfants qu’ils ont plus ou moins élevés ne soient pas un peu cinglés.
Vous ne trouvez pas qu’il était beau, mon père, à neuf ans ?
J’ai une photo de ma mère à quinze ans, il faut que je la retrouve.
Dans leur couple, c’était elle la « mate » et mon père le « clair ».