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lundi, 10 septembre 2018

Les trois sœurs.

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Mariée depuis pfff… Et pour l’instant ça me va…
Adossée à ma petite sœur dans le pré derrière la maison je suis bien.
Et lui, que fait-il ?
Je n’en sais rien…
Probablement en train de lire devant la cheminée éteinte.
C’est là qu’il y a la « bergère » où nous nous asseyons pour lire ou papoter.
Quand je pense qu’il y a quelques années à peine, nous serions certainement nous aussi dans ce pré.
Sans mes sœurs évidemment.
À coup sûr, pas en train de somnoler…
C’est d’ailleurs comme ça qu’on s’est retrouvé avec des enfants.
Ah ça ! Ils ont été faits avec amour et on y a mis du cœur.
Je souris en pensant « pas que le cœur… »
« Ce n’est pas tous les jours fête et lendemain dimanche » mais avec lui, je suis « bien ». Ce n’est déjà pas si courant d’après ce que je tire des conversations avec d’autres.
Ma petite sœur ne dort pas, je le sais, elle fait semblant même si son dos se soulève à un rythme régulier.
De toute façon la cadette n’aurait pas supporté de me sentir sur elle.
Elle aurait gigoté comme elle le fait toujours depuis qu’elle est née.
Elle a un air béat et je me demande pourquoi même si j’ai bien une idée…
Pfff… Il y a quelques jours elle pleurait sur mon épaule en disant des bêtises comme « Je suis vieille maintenant ! Il m’a plaquée ce salaud ! Je serai seule pour le restant de mes jours ! Bouhouhou… »
Seule pour le restant de ses jours… À vingt-et-un ans ! Non mais quelle idiote !

***

Je suis bien, là, avec ma grande sœur qui se repose sur moi…
Je rêve. Non, je « rêvasse », les yeux clos pour que mes sœurs ne sachent pas ce que je vis.
D’abord comment sauraient-elles ?
Personne n’a jamais connu ça, j’en suis sûre.  C’est… Comment dire ? En fait je ne sais pas. C’est juste que je ne donnerais ma place pour rien au monde.
Dire que je ne pensais même pas que des âneries comme « Romeo et Juliette » pussent avoir un destin autre que sujet de disserte.
L’année dernière le sujet de philo était « Doit-on louer quelqu’un de sa prudence ? »
Je m’en étais super bien tirée, normal avec mon habitude de « bachoter » depuis la 6ème..
Et aussi un caractère entièrement forgé à coups de « Il faut que tu sois indépendante ma fille ! Et pour ça, faut travailler ! »
Et elle clôt invariablement par « Tss…tss… Ma fille ! Méfie toi, je sais bien ce qu’ils cherchent ! »
J’avais gardé pour moi « Quelqu’un a bien trouvé puisque je suis là… »
Mais aujourd’hui c’est autre chose, rien à voir avec les autres, je suis sûre que personne n’a jamais connu ça.
Alors je garde les yeux fermés pour qu’aucune de ces « pies borgnes » ne se doute et se moque de moi.
Je suis bien, là. Même si je serais mieux ailleurs et avec… En plus j’ai faim…

 ***

Pfiouuu !!! Mon dieu ! Et dire que je croyais que plus personne ne me regarderait jamais !
Ça a été si soudain que j’en reste étourdie.
En plus si je souris rien qu’en y pensant, ma grande sœur va me démasquer.
Si, si, si  ! « On » m’a regardée et on dirait que j’ai quinze ans…
Enfin, quand je dis « regardée »…
Je ne devrais pas penser comme ça, on dirait un mec, un de ceux qui ne pense qu’à ça.
Bon, maintenant je dois dire que j’y pense aussi mais c’est sa faute aussi.
De toute façon, il fallait bien tenter le coup, il l’a tenté, ça a marché.
Ça a même drôlement marché.
Je ne savais même pas que ça pouvait marcher aussi bien.
Finalement j’ai eu de la chance parce que pour ce que j’en sais, les hommes marchent plus vite et à moindre frais…
Quand je pense que j’aurais pu rester avec l’autre, à passer mes soirées à regarder la télé…
Là, on n’a même pas besoin de télé.
Si je n’oublie pas ma pilule ça va faire de sacrées économies : Plus de sorties, plus de restaurants, plus de ciné.
Juste le lit…
Enfin, si cette histoire de « vivre d’amour et d’eau fraîche » voulait bien marcher un peu…
J’aurais bien aimé être une Thyade en fait…