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jeudi, 13 décembre 2018

J'ai toujours eu du goût pour les cornues, si si…

 Ouais, je sais, c’est un truc de gamin…

aspirine.jpg

Je me suis toujours dit que j’avais de la chance.
Toutes les femmes chez qui j’ai vécu, de ma grand’mère maternelle quand j’étais enfant jusqu’à mon âge moins jeune –j’allais écrire « adulte », inconscient que je suis-  chez Heure-Bleue, ont toujours fait preuve d’une patience d’ange à l’égard de mes trouvailles.
Quand je repense à la façon dont il m’est arrivé de transformer la maison en véritable laboratoire d’épouvante, je me dis que toutes ces femmes ont été des saintes.
Même mon père, qui n’était pas terrible comme femme, a fait preuve de cette patience angélique.
Je me souviens ainsi d’un soir qui se révéla fumeux.
J’étais sorti depuis peu de l’hôpital ou j’avais passé tout le deuxième trimestre de ma première cinquième et le printemps sonnait les premières soirées d’avant dîner entre voisins.
Les voisins, les parents de S. que je n’aimais pas, étaient à la maison.
La maison était calme, mes sœurs étaient dans la chambre.
Ce soir là, Madame S. était dans le « boyau-cuisine-entrée » avec ma mère.
Monsieur S. discutait avec mon père et ils disaient du mal de De Gaulle.
Monsieur S. c’était celui qui passait souvent le soir à la maison.
- Gaby, t’aurais pas une cigarette, j’ai…
- Je sais, t’as oublié ton paquet dans ton placard…
Je sais que S. n’était pas là, cette petite chose fragile et faux-cul était « chez sa mémé » car il souffrait, disait Madame S. d’une « crise de croissance ».
Je jouais, accroupi aux pieds de mon père.
Tous étaient indifférents à ce que je faisais.
Ils n’auraient pas dû…
J’avais une boîte en bois, une sorte de coffret qui avait autrefois contenu des cubes, de ces cubes de bois qui permettaient de reconstituer six images différentes.
J’en ai encore au moins trois en tête bien que les cubes eussent été perdus depuis des milliers d’années.
Dans cette boîte, ce soir là il y avait des trucs que normalement mes parents auraient dû jeter depuis mon arrivée à l’hôpital.
Hélas, on ne peut penser à tout et beaucoup de ces choses étaient inoffensives.
Plus exactement auraient dû être inoffensives.
Il y avait évidemment de petits bouts de « fil électrique », une pile de 4.5V de la marque « Durandal » aujourd’hui disparue, un tube d’aspirine dont le contenu avait échappé à la méfiance de mes parents, quelques épingles et une mine de crayon bien pointue.
Je jouais donc tranquillement quand l’idée m’est venue.
Les tubes « d’Aspirine Usines du Rhône » étaient à l’époque en aluminium.
Celui là contenait un mélange de chlorate de soude, rescapé de la dernière fusée, de soufre et de limaille d’aluminium.
La limaille d’aluminium m’avait déjà valu une taloche car elle avait flingué une lime à ongle de ma mère.
Ma pile, deux morceaux de fil dont l’un entourait le tube, l’autre lié à la mine de crayon furent l’élément qui déclencha l’aventure.
Je vérifiai qu’en plongeant la mine dans le mélange, il ne se passait rien.
Il ne se passa rien.
Hélas, la pointe de la mine se colla à l’extérieur du tube, rougit, fit rougir l’aluminium du tube au point de contact et le mélange s’enflamma.
Re hélas, ce genre de mélange est inextinguible.
Mon père et Monsieur S. bondirent, se ruèrent vers la cuisine pour chercher de l’eau en criant « ah le petit con ! ».
Ma mère arriva, me colla une taloche en me promettant l’enfer.
La maison puait affreusement et on voyait à peine les murs.
Ma mère a ouvert les fenêtres.
Ce soir là on a dîné chez les S.
C’était bon…