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mercredi, 12 décembre 2018

La mère toujours recommencée…

Ouais, je sais, pauvre Paul Valéry, ça me fait honte...

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En passant devant une boutique de la rue Legendre l’enseigne « Mondial Télé » m’a ramené pour un instant passage Championnet, ce passage qui croise le mien.
C’est là que j’ai fait une bêtise qui m’a permis de « dépiauter » pour la première fois un « poste de radio ».
J’allais chez le boulanger.
Le boulanger interdit.
Je n’allais pas « chez Galy ».
« Et tu vas chez Galy, hein ! Un pain parisien ! Et bien blanc ! »
Non, j’allais « chez Marion ».
« Et pas chez Marion, hein ! Et pas une baguette, c’est cher et lourd à digérer ! »
J’avais donc transgressé l’interdit.
Exprès.
Et j’étais parti avec les pièces dans la main, la main au fond de la poche, avec l’idée bien arrêtée de désobéir et de ramener une baguette.
La pire, celle que détestait ma mère, « la baguette moulée ».
J’avais fait pire encore, au lieu de passer par la rue Championnet pour aller au coin de la rue Neuve de la Chardonnière, j’avais osé passer par le passage Championnet.
Nous habitions dans un passage, il nous fallait bien arriver jusqu’à la maison mais pour ma mère, l’idée que l’un d’entre nous passât par un passage lui causait des angoisses.
Elle était obsédée par l’idée que le quartier était rempli d’Arabes dont le seul but dans la vie était de nous enlever.
Moi pour m’égorger, mes sœurs pour les envoyer dans des bordels en « Afrique du Nord » comme on disait avant qu’on appelle le coin le Maghreb.
Je m’engageai donc passage Championnet, dix pas à peine parcourus, je tombai en arrêt devant une camionnette découverte.
Un énorme fatras en encombrait le plateau, des tas de choses faites exprès pour attirer le gamin curieux comme le joueur de flûte de Hamelin attirait les enfants du village.
Un « fil électrique » pendait du plateau, me tentant comme un bijou tente un cambrioleur.
J’ai lâché les pièces au fond de ma poche et j’ai pris le fil.
J’ai tiré dessus.
Après une résistance assez faible, il est venu.
Il est arrivé avec un vieux poste qui est tombé sur les pavés du passage dans un vacarme épouvantable et le coffret de bakélite a été dispersé en milliers de morceaux.
Un poste de radio plein de lampes et de bobines étranges.
Les lampes étaient magnifiques !
Rouges, avec un téton argenté sur le dessus.
Le type est sorti du rez-de-chaussée, m’a regardé d’un air mauvais puis a regardé par terre.
Il a haussé les épaules, m’a tendu le poste en disant « fait attention à pas t’couper, hein, l’môme… »
J’étais si content que je suis remonté tout de suite à la maison avec mon trésor.
Ma mère a crié « mais ce n’est pas les Puces, ici ! Et le pain ? Où est le pain ? »
Mais elle m’a permis de garder le poste et même de le démonter dans la grande pièce « quand ton père sera là ».
Le  type, je l’ai revu plus tard, il avait ce stand qui ressemblait à une décharge au Marché aux Puces…
Le poste n’a jamais remarché...