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lundi, 17 décembre 2018

Sed quis custodiet ipsos custodes ?

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Il resterait tout seul.
Là, sur cette île « battue par les vents » comme disent les romans d’aventure.
Enfin, « d’aventure » ou plutôt « de gare »…
Il resterait là, peinard peut-être, enfin il l’espérait.
Noël… Tu parles d’une affaire ! 
Noël, quand tu viens d’arriver là où ta boîte t’a envoyé justement parce que tu es tout seul, eh ben c’est pas Noël.
Noël pour lui, c’est quand il met la table et que le reste de la famille met la dernière main aux paquets cadeaux et qu’il attend qu’on l’appelle pour « une petite coupe ? »
Il a grandi, enfin un peu, il vient de trouver ce boulot alors il n’a pas pu refuser.
Le « CDI » est une denrée rare, surtout quand la paie est correcte…
Et puis il est temps de quitter le cocon familial.
Il n’a jamais vécu seul.
Évidemment, la contrepartie c’est qu’on n’est jamais tranquille.
Du moins jamais assez longtemps pour faire des bêtises.
Des « bêtises »… Qu’ils disent…
Il y pense souvent, à ces « bêtises »…
Alors quand on l’a envoyé là-bas pour remettre en état le système de commande de la loupiote géante il a accepté.
Quelle idée !
Le bled n’était accessible que par la mer.
Et la mer était remuante ces temps-ci.
Quelques lumières par-ci, par-là lui disaient que le coin n’était pas totalement désert.
Malgré son désir de solitude il était quand même content de voir que le coin n’était pas vide.
Il fut déjà bien heureux d’arriver sans avoir vomi sur ses chaussures.
Ses petits mocassins de type habitué à marcher sur de la moquette et des trottoirs.
Quand il fut sûr de n’être presque plus vert et que les nausées eurent disparu, il avança sur le quai, encore chaloupant, la terre ferme ne lui paraissant pas si stable que ça.
Le vent lui arrachant presque les cheveux, il attendit.
Quelqu’un devait venir le chercher pour le guider jusqu’au phare.
Ce soir quelqu’un était en retard…
Une silhouette informe approchait, penchée sous les assauts du vent.
Une chose indéterminée, toute jaune, avançait difficilement vers lui.
La silhouette se révéla un être humain enfermé dans un ciré, un foulard abritant son visage.
On le héla, une voix étouffée l’enjoignit « venez, vous allez attraper la crève ! »
Il obéit sans discuter et, une fois dans la maison il découvrit avec stupeur quand le ciré fut accroché à la patère de l’entrée que la silhouette informe à peine entrevue était une jeune femme absolument ravissante.
Il se sentit parfaitement idiot quand, se retournant, elle éclata de rire. 
Dans son petit costume de citadin, froissé par le vent et dévasté par la pluie il avait piètre allure.
Elle le regarda gentiment :
- Mais qu’est-ce que vous êtes venu faire ici à Noël ?
- Je suis venu réparer le phare…
Elle sourit 
- Je suis la gardienne du phare.
Elle prit une bouteille dans le réfrigérateur.
- Une petite coupe ?
- Volontiers, merci… Je peux vous demander quelque chose ?
- Hmmm…
- Il est souvent en panne, ce phare ? 
- Assez…
- Ça vous dirait un arrangement ? 
- Mais encore ?
- Mais juste pour la fiabilité du phare, hein.
- Dites toujours…
- Vous gardez le phare, je le répare.
- Et vous vivrez où ?
Plein d’espoir irraisonné il osa :

- Eh bien…
Elle le regarda, sourit très gentiment et dit :
- Mais vous serez sage, hein ?
- Bien sûr !
C’est quand il a ajouté « absolument » qu’elle lui a jeté un regard genre « N’exagère pas, tu veux… »
Mais bon, les promesses hein…