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samedi, 27 février 2021

Mourez, nous ferons le reste…

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Ce matin, j’ai failli échapper mon café sur mon caleçon.
« Pourquoi donc ? » vous écriez vous, lectrices chéries.
Eh bien, détrompez-vous, ce n’est pas l’apparition matinale de la lumière de mes jours qui m’aurait, sous le coup d’une émotion bien légitime, fait perdre mon sang-froid.
Non, d’ailleurs la fraîcheur du temps ne me poussait pas à jeter le peu d’habits qui masque difficilement ce qui reste du corps d’éphèbe qui la fit chavirer il y a…
Bref, n’épiloguons pas sur un passé qui me paraît de plus en plus lointain.
Ce long préambule, plus exercice d’écriture que préambule, pour amener enfin ce qui faillit m’envoyer mon café sur les genoux.
J’écoutais, comme chaque matin, dans le calme de la maison, ce petit amas de composants qui me truque les nouvelles du monde.
J’eus l’oreille soudain attirée par les échos d’une foule de voix chevrotantes scandant « On veut nos vaccins ! On veut nos vaccins ! » sur l’air célèbre dit « air des lampions » que personne ne connaît vraiment.
« Tiens, une manif de vieux… » me dis-je.
J’écoutai alors plus attentivement et j’appris qu’à Bordeaux les pensionnaires d’un mouroir d’une « résidence seniors » attendaient vainement que les vaccins promis depuis deux mois arrivassent enfin.
Ces gens, au nombre de cent-cinquante environ se virent répondre par le préfet qu’il allait s’occuper sérieusement de l’affaire et qu’il se faisait fort de recevoir les cent-cinquante doses d’ici une dizaine de jours.
J’allais attendre paisiblement la suite des informations quand une pensée s’insinua dans ma cervelle étonnamment éveillée ce matin.
Cent-cinquante doses.
Soit trente flacons de cinq doses.
Dix jours pour amener à Bordeaux trente flacons de vaccin !
Sans compter le probable retard dû aux réunions indispensables et aux négociations avec les transporteurs priés de ne pas gaspiller les sous du contribuable, privilège réservé aux cadres de la haute administration.
Peu enclin à l’indulgence après des mois de réclusion je me suis dit « mais ils nous prennent pour des cons ! » car en privé tout seul avec moi je peux être très mal élevé...
Mais combien donc de doses étaient censées être disponibles aujourd’hui ?
J’ai cherché et j’ai trouvé.
En février nous étions censés disposer de dix millions de doses…
Hélas, à l’aube du 1er mars, seuls sont vaccinées deux-millions-huit-cent-mille personnes et nous courons après trente flacons de cinq doses…
Une impression désagréable de foutage de gueule me gratouilla l’amour-propre.
J’ai soudain ressenti une impression connue dans un autre domaine.
Cette impression désagréable que les administrations et les préfets veillaient sur les vaccins comme sur les logements du parc immobilier municipal ou départemental censément proposés à la location du citoyen qui en ferait la demande.
Nous avions une réputation mondiale de cadors de l’organisation.
Elle sort salement écornée après notre traitement de la pandémie.
Nous en sortons néanmoins cadors en matière de pusillanimité.
C’est déjà ça…