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lundi, 14 juin 2021

Devoir de Lakevio du Goût N° 85

85 ème Devoir de Lakevio du Goût.jpg

Je l’ai repérée, voire reconnue, tout de suite.
Elle m’a évidemment ramené à l’époque où je ne pensais pas à des tas de choses sans intérêt.
Peut-être dans votre mémoire erre un souvenir que, j’en suis sûr, nous aimerions tous entendre.
Raconté par vous il n’en sera que plus chouette.
Alors à lundi…

J’ai ouvert le catalogue de Boubat.
Je le feuilletai d’une souris désinvolte, parti à la vague recherche d’une vue ou d’un visage.
De ceux qui vous intéressent on ne sait pourquoi et vous plongent dans la réflexion, le rêve ou le souvenir.
Sans but donc…
Puis j’ai vu cette fillette, gaie comme un matin de printemps ensoleillé, ébouriffée par je ne sais quel vent ou quelle course folle.
Elle m’a soudain fait franchir les années « à rebrousse-poil ».
Beaucoup d’années.
Énormément d’années.
Probablement plus de soixante.
Cette fillette m’a rappelé Malika, mais seulement par accident.
Un de ces rebonds étranges de l’esprit.
Comme dans un labyrinthe dans lequel on aurait lancé une balle dans une direction mais où le hasard l’aurait menée à des clairières inattendues.
Malika, donc m’est revenue, inoubliable et inoubliée.
Mon premier béguin.
Fillette croisée à l’école maternelle.
Ce n’est pas la fillette qu’on voit sur la photo car Malika avait les yeux bleus et était certes bouclée mais sa mère la coiffait soigneusement chaque matin.
De plus elle avait une peau très blanche.
Je l’ai tenue par la main pendant une année entière.
Tous les jours.
Chaque récréation nous séparait puis la fin d’icelle nous réunissait.
La maîtresse appelait à nous mettre « en rang par deux » devant la porte qui menait aux classes.
La maîtresse disait alors « tenez par la main votre camarade et tenez vous tranquilles ! »
Malika me donnait la main et nous montions l’escalier jusqu’au premier étage.
Une fois dans la classe nous nous asseyions.
Les tables étaient constituées d’une table à deux places, solidaire d’un banc.
Je partageais cette petite table avec Malika depuis le premier octobre.
Je suis resté à côté d’elle jusqu’à la fin de l’année.
Ce dont je me souviens avec le plus d’acuité, c’est cette réticence qu’elle avait à me lâcher la main quand il fallait écrire sur la petite ardoise entourée de bois.
Je n’avais pas plus envie de lâcher sa main.
Je n’aurais jamais osé l’embrasser sur les joues comme je le faisais le matin à mes sœurs.
Je me rappelle qu’elle me regardait avec curiosité, comme surprise de cette réticence à me lâcher la main.
Je le regardait avec admiration, tant ses yeux me frappaient par leur clarté, leur lumière et ce bleu si étrange que je voyais pour la première fois.
Et je ne voulais pas lui lâcher la main.
Mon père m’a dit « elle est mignonne, c’est une petite Kabyle…
Ma mère m’a dit « Mais c’est une petite Arabe ! »
Je n’ai oublié ni Malika, ni mon père, ni ma mère…