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mercredi, 17 août 2016

Ire rationnelle…

Bon, en vrai je ne suis pas en rogne.
Juste je peste parce que j’ai oublié d’acheter du lait.
Et j’ai oublié d’acheter du lait parce que je n’ai pas pensé que ferait défaut celui que j’ai utilisé avant-hier au soir pour faire le clafoutis aux fraises de Manou venue dîner à la maison.
Il m’a fallu du coup préparer ce matin une mixture infâme pour caler un estomac qui, le matin, crie « Famine !!! » à plein pylore
J’ai dû mettre du café soluble dans un bol d’eau et lui donner la couleur qui va bien à coups de cuiller de lait concentré sucré.
C’est trop sucré, c’est pas bon mais comme c’est super vite fait et que de toute façon je n’ai pas autre chose, hein…
Cela dit il manque quelque chose d’important à cette préparation indigne.
Le petit quelque chose qui me ramène à l’enfance tous les matins.
Oui, lectrices chéries, avec le lait concentré il manque ce petit élément qui a du mal à exister avec du lait demi-écrémé et n'existe pas du tout avec le lait écrémé : « La peau du lait ».
Et ça, ça me manque terriblement.
D’où ce grommellement matutinal.
Du faux lait ou du lait sans « peau du lait » c’est le truc qui pousserait à rétablir le délit de blasphème.
C’est peut-être ce goût pour la blancheur d’une peau quasi transparente que vient ma voracité pour les peaux claires.
Allez savoir…
Oui, que je vous dise, lectrices chéries.
J’ai appris il y a longtemps, à mes dépens, que la rétine est collée sur la choroïde comme la « peau du lait » sur le lait.
Même si c’est un collage moins résistant que celui de votre Goût adoré avec sa comparse Heure-Bleue, c’est quand même vachement bien fait.
Et j’y trouve néanmoins une certaine ressemblance.
Je trouve les deux, la peau d’Heure-Bleue et la peau du lait, absolument  délicieuses.
Mais bon, je vais vous parler de la « peau du lait », plutôt.
Ça va m’éviter de me faire défigurer par la lumière de mes jours qui n’aime ni prêter ses affaires ni qu’on les détaille en public.
La « peau du lait », chez mes parents, n’était normalement pas un « casus belli ».
Ma grande soeur évitait le lait le matin, histoire d’éviter les cent vingt grammes qui la séparaient de l’extrême minceur.
Elle devait peser dans les trente-cinq kilos avec le manteau et le cartable quand elle est allée passer « son BEPC »…
Donc pas de risque de me faire soulever mon délice du matin.
Mon père était parti travailler depuis longtemps ou dormait parce qu’il était rentré du travail il y a très peu, donc, « la peau du lait » semblait sauve.
Mon père se fichait de toute façon de « la peau du lait », s’il y en avait, il l’avalait sans y prêter attention, s’il n’y en avait pas il ne s’en apercevait pas, alors…
La benjamine était toujours soit chez notre grand’ mère maternelle, soit dormait, soit s’en foutait totalement. Elle avalait tout ce qu’on lui présentait.
Et même ce qu’on pensait avoir mis à l’abri de son féroce appétit.
Là où ça se gâtait, c’est avec ma mère et ma sœur cadette.
Ma sœur cadette, dite « Souricette » détestait le lait, que dis-je, elle haïssait le lait mais adorait le fromage.
Sentir le lait lui faisait tordre le nez.
Voir la « peau du lait » se rider au fur et à mesure que le lait refroidissait lui « levait le cœur » selon ses propres termes.
Du coup, je matais avec envie, la casserole d’abord, son bol ensuite, sûr qu’elle piaillerait jusqu’à ce que ma mère cède et lui donne du fromage.
Si ma mère était bien disposée, elle repartait vaquer à son petit métier du matin, j’en profitais pour rafler le bol de « Souricette » et attraper la fameuse peau d’un habile coup de petite cuiller.
Hélas, tout ne se passait pas si bien et si ma mère se mettait à table avec nous, elle s’empressait de ramasser la peau du lait « pour ne pas te tacher mon petit chéri » et de l’avaler d’un seul coup.
Je me demande si ce n’est pas le motif de désamour le plus justifié, bien avant les pulls « vert bronze que tu aimes, mon fils », les blouses « bleu roi à liseré rouge » ou la veste « lamé bleu des mers du sud genre maquereau libanais », sans parler des quatre ans de prison chez les fondus.
Ce n’est que plus tard qu’un autre motif est venu s’ajouter à tous ces griefs.
Celui qui m’a rempli d’une ire tout à fait rationnelle.
Oui, tout ça m’a conduit à faire appel à vous, lectrices chéries…