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mardi, 08 janvier 2019

Les ans chers remontent…

Ne m’en  veux pas, Mab, je pense à toi parce que les jours allongent…

jolis mômes.jpg

Aujourd’hui, je ne sais pourquoi, peut-être parce que le temps est gris et triste, un temps de cours de français d’hiver, j’ai envie de traîner.
Pas dans les rues, non.
Dans certaines rues.
J’ai envie de prendre, de reprendre,  certains chemins mille fois empruntés, mille autres fois rêvés.
Je descendrais volontiers la rue Turgot par exemple.
Je crois vous avoir déjà dit que j’en connais toutes les entrées, que je me rappelle le centre EDF aujourd’hui fermé, la Poste toujours là mais pour combien de temps.
Je me rappelle aussi l’école, en face du centre EDF.
Et ces grands porches qui étaient toujours grands ouverts.
Mais il y a toujours ce petit quelque chose qui m’échappe, tapis au fond de ma mémoire et qui refuse de revenir à la surface.
Quand ça reviendra, je vous le dirai, c’est sûr.
Mais je continuerais à descendre la rue jusqu’à la petite place où il n’y avait pas d’arbres.
Il y avait un café qui ne s’appelait pas encore « Jolis mômes » et occupait tout l’angle de la rue Condorcet et de la rue Turgot avant qu’elle ne donnât sur la rue de Rochechouart.
L’agence immobilière qui en occupe une partie aujourd’hui n’existait pas.
C’était une époque où il était plus intéressant d’ouvrir un bistrot qu’une agence immobilière, la rapacité foncière ne s’étant pas encore abattue sur la ville.
Je boirais un café dans ce bistrot puis je descendrais la rue Condorcet à pas lents, rêvassant devant les boutiques.
Toutes les boutiques ont changé, je le sais, je les ai vues il y a peu.
Tous ces petits métiers de modiste, de réparateurs de machines à coudre, de marchands de postes de radio qui les vendaient et les réparaient, ces magasins dont j’aimais les vitrines pleines de choses mystérieuses que je rêvais de démonter, tous ont disparu.
Tous ont été remplacés par des coursiers, des cabinets infirmiers ou des marchands de fringues chinoises.
La rue n’est pas triste pour autant mais elle est différente et me semble moins vive.
Après avoir changé de nom pour un que je ne me rappelle pas, elle me mène à la rue du Faubourg Poissonnière.
J’aime bien la rue du Faubourg Poissonnière.
D’aussi loin que je me rappelle elle a toujours été extrêmement animée.
Je l’ai souvent empruntée en allant au cinéma.
Après un bref passage par le boulevard Magenta, elle me menait directement de Barbès-Rochechouart au Rex.
Et puis, cette rue croisait la rue des Petites Écuries.
Et dans la rue des Petites Écuries, lectrices chéries, il y a ce restaurant anatolien qui fait le meilleur döner de Paris, n’oublions pas ça !
Alors je descendrais donc cette rue, passant devant des milliards de souvenirs sans m’arrêter mais chacun m’agrippant la mémoire et tentant de me tirer vers des temps enfuis depuis longtemps.
Puis comme chaque fois, quand le Boulevard de Bonne Nouvelle sera proche, je me sentirai soudain libéré, tous ces fantômes repartiront vers le passé.
Arrivé sur le boulevard, je me ferai comme chaque fois la réflexion qu’il retournait à son état de coin vaguement dans la débine, celui qu’il avait dans les années cinquante et soixante.
Ces boulevards, dits « grands boulevards » perdent peu à peu le lustre qu’ils avaient acquis dans les années soixante-dix.
Ce serait une chouette promenade j’en suis sûr.
En deux ou trois heures de flânerie, je me serais une fois de plus dit qu’on retire plus facilement cinquante-cinq ans d’une cervelle que dix ans d’un genou…