lundi, 06 février 2023
Devoir de Lakevio du Goût N°152
Mais à quoi diable pensait Mark Keller en peignant cette jeune femme ?
Il me vient plein d’idées à regarder cette toile.
Mais à vous ?
Je me dis que ça devrait commencer par :
« Ma tante a dit : t’as perdu ta langue, Anne ? »
Et finir sur :
« Et elle se trouve renvoyée à la solitude. »
« Ma tante na dit : t’as perdu ta langue, Anne ? »
J’ai fermé le bouquin et je me suis demandé ce qu’aurait fait Annie Ernaux dans ma situation.
Elle me la baillait belle, la môme !
Facile pour elle !
Elle était d’un pays où normalement les filles « perdaient leur capsule » comme elle dit, dans les fêtes foraines, après plein de questions, d’hésitations, tout ça.
Ça se passait plus ou moins bien mais dans l’ensemble, elles étaient d’accord pour le truc.
Pas comme moi parce que mon père a cru avoir tous les droits après avoir abusé du bourbon…
Bon, tout ça c’est bien beau mais qu’est-ce que je vais faire maintenant ?
Debout ma vieille ! Arrête de gémir ! Au boulot !
Dans mon malheur, j’ai de la chance qu’il ait pris la mauvaise habitude de disparaître pendant des jours voire des semaines après une engueulade avec ma mère.
Quand il avait un coup dans le nez, enfin un coup plus gros que d’habitude car il avait un coup dans l’aile tous les jours, il décidait qu’il allait la sauter là, dans la cuisine.
Chaque fois c’était pareil, il lui collait une baffe et partait « faire un tour ».
Souvent, « faire un tour » c’était aller au café de la station-service et après un bourbon de plus il disparaissait.
Ce soir, hélas, il s’est tourné vers moi et m’a vue, il s’est avancé vers moi avec un regard que je ne lui avais jamais vu et a passé sa grosse main sur mes seins et a voulu en prendre un.
J’ai crié « Mais !!! Papa ! Je suis ta fille !!! »
Ça ne l’a pas arrêté. Ma mère s’est relevée difficilement, c’est qu’il avait la main lourde, la vache !
Il ne s’est pas arrêté et a tiré sur ma robe, l’a relevée.
Adossée au buffet du salon, j’ai tâté derrière moi et ai attrapé la lampe.
Celle « en fer forgé pour faire antique ».
Je l’ai attrapée et, alors qu’il essayait de relever ma robe, je l’ai abattue sur son crâne luisant.
Il a juste soupiré et est tombé à mes pieds.
Là, ma mère m’a accusée d’avoir blessé « l’amour de sa vie » et à voulu me gifler.
C’en était trop ! Alors à elle aussi j’ai donné un coup de lampe.
Bon sang qu’ils étaient lourds !
Mais j’ai réussi à les mettre dans le coffre de la vieille Buick.
Le plus gros restait à faire.
Le trou où pourriraient ces deux porcs.
Je me suis rappelée alors avoir lu dans le bouquin de cette Française qui avait si bien vu l'histoire en écrivant « Et elle se trouve renvoyée à la solitude. »
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