samedi, 25 avril 2015
Quand mille et un naîtront…
Vous savez quoi, lectrices chéries ?
Je cherchais quelque chose à propos des Arméniens et je suis tombé sur un petit truc qui parle de « L’immeuble Yacoubian ».
C’est un immeuble égyptien, vous le savez sans doute, dans lequel se déroulent les petits bonheurs et les drames de la vraie vie. Comme toujours et comme partout.
Et ça m’a rappelé quelque chose de l’immeuble où j’habitais gamin.
Mais si, vous savez bien, lectrices chéries, près d'une Porte de Clignancourt pleine de bandits prêts à me servir de mauvais exemple et de « filles de la Porte de Clignancourt » prêtes à entraîner mes sœurs sur la pente du caniveau ou au moins du trottoir.
Cela dit, bien que sis dans « ce quartier plein d’Arabes », l’atmosphère de l’immeuble était bon enfant et l’été, il arrivait souvent que les portes des logements restassent ouvertes ainsi que les fenêtres pour assurer un courant d’air.
Le courant d’air, hélas , n’allait pas toujours dans la direction voulue et charriait parfois tous les parfums de l’Orient sauf celui du jasmin…
Un de ces après-midi, à l’heure où les uns rentrent du travail et les autres de l’école, une odeur de déjections remplissait l’escalier.
Le confort était à mi-étage. Un crochet assurait l’intimité du lieu et un clou étêté permettait d’accrocher les feuilles de quotidien qui servaient de papier toilette.
A y repenser aujourd’hui, je me dis que les encres et surtout nos fesses devaient être de bonne composition pour n’être pas noires tout l’année…
Cet après-midi donc, arrivé au troisième étage, je vis ma mère, madame M. et madame S. en grande conversation à la hauteur des cabinets.
Arrivèrent au même moment Jacky M. et sa sœur, Martine M. qui avait l’âge de ma sœur cadette.
Les mères, nous dirent, que dis-je, nous hurlèrent « Attention, les cabinets sont bouchés ! » et continuèrent leurs supputations quant à la meilleure façon de résoudre le problème. Nous étions passionnés par l’évènement et profitions de la situation pour aller traîner chez les uns et les autres. J’ai pu constater à l’époque que les logements trop petits et trop peuplés amènent inéluctablement au bordel dans toutes les pièces…
Puis des voix mâles se sont fait entendre. Celle de Mr M. le père de Jacky et de Martine, celle de Mr S., le tapeur de cigarettes de mon père et enfin celle de mon père.
Nous sommes tous allés voir. Ils discutèrent encore un moment puis mon père, le plus grand des pères, a dit avec l’air de Battler Britton avant une mission dans mes illustrés « Bon, les gars, il le faut, tant pis, je vais y mettre la main… »
Ma mère « Non Lemmy ! Tu vas puer et en plus tu vas en mettre sur ton pantalon ! »
Elle a eu l’idée, enfin, de faire bouillir de l’eau. Mon père a pris la boîte de soude caustique sous l’évier, nous a fait reculer et a officié. Un soupir de soulagement à parcouru l’assistance quand un « Ssshhhlluuurrppp » énorme s'est fait entendre.
C’est quelques secondes plus tard que le drame est arrivé. Jacky a chuchoté quelque chose à l’oreille de sa mère qui a eu d’un coup un air mauvais.
Elle a dit à ma mère d’un ton pincé :
- Madame S. Votre fils P. est un vicieux !
- Qu’est-ce qu’il a fait ?
- Il a regardé sous la jupe de Martine dans les escaliers !
- Tu as fait ça ?
M’a dit ma mère, toujours inquiète à l’idée que je regarde quelqu’un d’autre avec intérêt.
- Ben, elle avait pas de culotte…
- T’avais dit que tu le dirais pas !
A crié Martine.
- Alors ? Qui c’est la vicieuse ?
A dit ma mère. Mon père, indulgent mais toujours prêt à sortir une ânerie a cru bon d'énerver ma mère :
- Le plus dangereux, par là ce ne sont pas les coups d’œil, ce serait plutôt les coups de…
Expérimenté dans l’art de faire hurler ma mère, il s’était arrêté spontanément, soucieux de nous préserver des réalités de la vie mais juste à temps pour que ma mère crie « Lemmy ! Voyons ! Tu me fais honte ! ». Oui, ma mère avait la honte aussi facile que le mépris.
Madame M. a surenchéri « Il y a des enfants tout de même ! »
La dispute fut oubliée sur le champ, les pères ricanèrent, les mères reprochèrent.
J’ai commencé à me battre avec Jacky le traître et fus ramené à la raison avec une taloche maternelle.
On a fini par se réconcilier, il avait deux sœurs et moi trois, alors on savait bien que les filles c’était pas pareil que nous…
08:37 | Commentaires (7)
Commentaires
Je le re re re dis j'adore ton père et la vie de cet escalier.
Écrit par : mab | samedi, 25 avril 2015
Votre scène du cabinet me fait penser à une scène de "Il était une fois en Amérique " c'est surtout l'ambiance. Voyez vous laquelle?
Écrit par : Zazie | samedi, 25 avril 2015
Ah, ces histoires de "chiottes" bouchées. Quand on habite à la campagne, ce n'est pas grave, on file dans le pré, mais dans un immeuble, mamiä, c'est la cata..Je n'ai jamais oublié les WC de l'entre-palier de mon frère, à côté de la gare de Lyon, frère qui habitait au 7e étage, à moins que ce ne soit au 13e, je ne sais plus. J'aimais pas ça du tout.
Écrit par : juliette | samedi, 25 avril 2015
Ton père est un sacré gaillard , très drôle , avec de la répartie , tu tiens de lui !
Écrit par : Brigitte | samedi, 25 avril 2015
Un bel épisode qui sent... les années 50 ! J'adore.
Écrit par : lakevio | samedi, 25 avril 2015
Tu n'envisages pas de refiler tes souvenirs à un filmeur, tu sais un mec ou un femme du reste, qui fait des films ? Je vois très bien la scène, mais je ne fais pas de films.
Écrit par : Berthoise | samedi, 25 avril 2015
c'était vivant chez toi !! Comme chez moi mais uniquement le 5ème et 6ème étage. En dessous c'était silencieux et bourgeois
Écrit par : liliplume | samedi, 25 avril 2015
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