jeudi, 16 novembre 2017
Egaux en droit, ego envers…
Voyons Célestine !
Je suis allé te lire !
J’ai même laissé chez toi un commentaire.
Plus ! Tu as daigné y répondre.
J’ai lu.
J’ai constaté que comme partout, les mères veulent que l’on change.
Elles nous parlent d’avenir et voudraient qu’on devienne comme elles.
C’est-à-dire qu’on se confise dans le passé…
Cela dit, je n’ai jamais écrit de journal.
Ayant une longue expérience de la censure et de l’indiscrétion des Frères comme de ma mère, il ne me serait jamais venu à l’idée de confier à autre chose que ma mémoire, ce qui m’était arrivé, ce que je pensais ou ce à quoi je rêvais...
La chose la plus imprudente que j’ai écrite fut une lettre à la sœur d’un ami.
Mal m’en prit…
Ce Loïc, Breton de son état et pensionnaire avec moi chez les fous du bon dieu, avait une sœur.
Elle s’appelait et s’appelle toujours probablement Éliane.
C’était une petite fille aux cheveux châtains, à la peau blanche et aux yeux bleus.
C’est sans doute pour ça qu’elle me mit le cœur en cafouillon.
Elle m’aimait de confiance car son frère m’aimait comme on aime un ami.
Je l’aimais de confiance car non seulement j’aimais son frère comme on aime un ami mais elle était très différente de mes sœurs, filles aux yeux bruns et à la peau mate.
Et puis… Et puis, elle devait partir à la campagne pour un long séjour car elle souffrait de « primo-infection ».
Sa mère disait d’un ton triste à la mienne « Oui, Éliane est malade ».
Et elle ajouta après un silence « Éliane a un voile au poumon… »
J’avais trouvé merveilleux qu’une fille ait pu s’habiller les poumons d’un voile.
Ça lui donnait un charme supplémentaire.
Déjà que son teint pâle lui donnait une aura d’un romantisme fou alors que je n’avais aucune idée de ce que pouvait être le romantisme mais j’avais entendu le mot et le trouvais beau.
Peut-être même un peu cochon car il était quasiment interdit dans ma prison.
Nous n’étions pas amoureux, non et n’avions aucune idée précise que ce que la chose pouvait bien recouvrir mais les mots eux-mêmes avaient quelque chose d’excitant.
L’idée même de dire « ma chérie », « je t’aime » ou « mon amour » nous transportait et nous faisait ricaner sottement.
Mais tout de même.
Un dimanche, j’écrivis à Éliane.
Des petites bêtises sans portée ni importance que j’envoyai directement de la boîte de La Poste au coin du café « Le Fontenoy », là où j’achetais parfois les « Balto » de mon père.
Elle m’envoya la réponse directement à la pension depuis la campagne où elle était emprisonnée le temps de lui « dévoiler les poumons ».
Le jeudi était le jour où on nous donnait le courrier, très rare.
J’étais déçu ne n’avoir pas reçu de lettre.
Le Frère Préfet de Police m’appela et je le suivis dans son bureau, celui qui donnait sur la cour.
Il me tendit une lettre.
Je lui dis « merci » et j’allais la saisir quand il la retira rapidement vers lui et demanda :
« Monsieur, que signifie ce sigle « MBSTBA » après la signature de votre… Votre… Ce n’est pas une de vos sœurs, j’en connais les prénoms ! »
J’ai menti effrontément en jurant que je n’en savais rien.
Je ne lui ai jamais dit que ça voulait dire « Mille Baisers Sur Ta Bouche Adorée ».
On avait trouvé ça plus « amoureux » et moins niais que « Vite facteur car l’amitié n’attend pas » que certains mettaient au dos de leurs enveloppes…
Aujourd’hui je suis sûr qu’il savait ce que signifiait « MBSTBA » mais espérait que moi, je ne le savais pas.
09:54 | Commentaires (14)
Commentaires
Quelle jolie formule! Y a pas à dire, tu as la super classe!
Écrit par : livfourmi | jeudi, 16 novembre 2017
Je ne sais pas quel âge tu avais, mais je me souviens avec précision que je trouve "effrayante" de mon premier chéri....
C'était bon et douloureux à la fois.
Est-ce que j'avais vraiment besoin que tu me mettes le coeur à l'envers ???
Écrit par : Sophie | jeudi, 16 novembre 2017
Ce Frère avait un esprit retors !
Écrit par : Colette | jeudi, 16 novembre 2017
trop mignon !
Écrit par : col/ang | jeudi, 16 novembre 2017
C'est adorable ton histoire, sauf que je suis désolée pour la jeune fille, bien sûr...
Le père de mon ex-copain a passé la guerre (heureusement pour lui et malheureusement aussi) en Suisse, dans un sanatorium, où il a rencontré, paraît-il, Roland Barthes (pour la même raison).
Parmi les choses bizarroïdes que ma mère disait, elle disait que les "tuberculeux" étaient gais et les "cancéreux" tristes. Elle est morte avant de savoir que j'avais un cancer (qui a guéri, ou est en rémission, espérons-le, ça fait quinze ans en tout cas).
C'est très bien décrit. Moi, j'avais un journal, des agendas, des cahiers pleins de poèmes, des dessins, de quoi faire le bonheur d'une mère curieuse (sur le tard) et beaucoup plus tard, d'un mari jaloux... Enfin, mes journaux d'adolescente ne se sont pas retrouvés au tribunal des divorces car, heureusement, avant de me marier, je les avais détruits.
Écrit par : Pivoine | jeudi, 16 novembre 2017
Quant au premier garçon dont j'ai été amoureuse, avec ma chance habituelle, il venait du Burundi (il était belge, pas burundais), avait mon âge, était très aimable avec les adolescentes, même en plein âge ingrat... Il est resté un trimestre dans mon école (mixte). Pour lui, j'allais en étude faire mes devoirs alors que j'aurais pu parfaitement rentrer à la maison. Je faisais semblant d'avoir besoin d'aide en conjugaison o;)))
Mais il est reparti au Burundi. Plus vu, pas pris...
Et le deuxième était un étudiant en école hôtelière en stage à la mer. C'est lui qui m'a appris à jouer au ping-pong. Je le trouvais super mignon .................. On n'est pas sérieux non plus quand on a quatorze ans !
Écrit par : Pivoine | jeudi, 16 novembre 2017
Mais je sais bien que tu es venu me lire. Je parlais d'un autre billet.. ;-)
Bref, je trouve que pour un gars qui n'écrivait rien et qui confiait tout à sa mémoire, tu avais la chance qu'elle fût très bonne ! Car tu te souviens avec une précision ahurissante de tous les détails de ton idylle avec la petite Eliane. ;-)
¸¸.•*¨*• ☆
Écrit par : celestine | vendredi, 17 novembre 2017
Ce doit être le genre de choses qu'on n'oublie pas ...
Écrit par : Pivie | samedi, 18 novembre 2017
Mais Célestine répond toujours aux commentaires laissés chez elle...
Écrit par : La Baladine | vendredi, 17 novembre 2017
Histoire de courrier tombé dans les mains des bons frères ou des bonnes sœurs, j'en connais un bout. Pas moi, je n'était pas pensionnaire mais quelques bonnes copines et, souvent, c'était beaucoup plus compromettant que ta formule ! Pourtant, les externes allaient poster le courrier des internes mais celles-ci gardaient les réponses...
J'ai eu deux ou trois fois la tentation de tenir un Journal et chacun n'est pas allé plus loin que la première semaine. Je relisais et je rigolais de l'insignifiance des sujets parce qu'une semaine après, j'étais déjà fort loin des événements précédents comme tout adolescent ! Par contre j'ai écrit plusieurs romans d'aventure, seule ou avec des copines !
Écrit par : lakevio | vendredi, 17 novembre 2017
tu crois qu'il savait ce que ça voulait dire ?
Trop mignon ce genre de souvenir....
Écrit par : emiliacelina | samedi, 18 novembre 2017
Je n'ai jamais tenu de journal, et comme je le regrette ! J'aurais un plaisir fou à relire mes souvenirs de jeunesse... et de réaliser comment a évolué ma façon de voir les choses de la vie....
Écrit par : Gwen | lundi, 20 novembre 2017
Tu l'as bien eu ce préfet !
Écrit par : Gwen | lundi, 20 novembre 2017
C'est trop chou...et, les journaux intimes c'est pour les filles pas pour les gars! bisous.
Écrit par : Tarrah | lundi, 20 novembre 2017
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