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mardi, 30 avril 2019

La vérité sort du puits...

Hier soir, alors qu’Heure-Bleue agonisait, plus exactement se demandait quand il m’allait falloir suivre son cercueil, je l’écoutais.
Elle me disait des choses sur Merveille, sur P’Tite Sœur et tout un tas de choses qui traduisaient son inquiétude de voir la camarde passer insidieusement alors qu’elle dormait.
Heure-Bleue aime bien, quand elle s’endort,  l’idée de se réveiller le lendemain matin avec votre serviteur s’agitant à préparer le petit déjeuner.
Hier soir, il n’en alla pas de même, une vague douleur l’inquiétait qui s’apprêtait à gâcher sa nuit.
Ergo la mienne…
Rassurée après réflexion de part et d’autre, nous dormîmes plutôt bien.
Si bien même, que surpris par la qualité de notre sommeil après une semaine de sport intensif et d’inconfort de couchage, nous nous sommes réveillés assez tôt.
J’ai fait part à la lumière de mes jours d’une information qui me semblait propre à la réconforter.
- Ma mine, tu sais quoi ?
- Non…
- Mon grand-père n’a été malade qu’une fois dans sa vie !
- Et alors ? Il est mort quand même !
- Ouais, mais à quatre-vingt-cinq ans !
- Je sais, d’une pneumonie…
Il est vrai que mon grand-père, né la même année que Mistinguett  et un an avant que Wagner ne créât « Le crépuscule des dieux » à Bayreuth était de ces constitutions dites « d’avant guerre ».
Une vie frugale mais copieusement arrosée lui avait enseigné que vivre proche de la nature vous tuait ou vous endurcissait.
Il en avait gardé l’habitude d’une toilette succincte mais sans aucun doute revigorante.
Et pour cause, du plus loin que je me le rappelle, je le vois encore le matin, penché sur la margelle du puits qui nous assurait l’eau de la toilette, de la cuisine et de la boisson.
Pendant les vacances de Noël je le voyais, dehors, retirant son maillot de corps, plongeant dans le seau une main en coquille et se projetant sur le torse des litres d’eau.
Pour boire l’eau du puits, je sais qu’elle était glacée, il est donc inutile de vous dire qu’à le regarder j’étais effrayé.
J’étais sûr qu’un jour ça allait mal tourner pour lui.
Ça s’est vérifié.
Après un séjour à la maison qui prit heureusement fin avant que les matelas étalés par terre pour la nuit ne suscitassent une révolution de chaumière, mon grand-père partit faire un séjour chez une de mes tantes.
C’est là que son habitude l’envoya ad patres le jour de la naissance du printemps 1960.
Il sortit ce matin là pour faire ses besoins dans le fossé qui faisait face à la maison avunculaire.
Il faisait très frais en ce vingt-et-un mars.
Trop frais pour sortir pieds nus, en caleçon et maillot de corps.
Il attrapa la première maladie de sa vie et elle l’emporta.
Quelle idée de faire ce genre de chose à quatre-vingt-cinq ans ?
C’est le genre d’aventure qui ne risque pas d’arriver à Heure-Bleue…
Je l’imagine en culotte et soutif dans un fossé.