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mercredi, 15 juillet 2020

La première bouffée de tabac et autres plaisirs minuscules...

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Il y a peu, en me promenant du côté de Saint Lazare, la lumière de mes jours à mon bras, une odeur agréable m’a frappé alors que nous attendions que le feu veuille bien tarir un instant le flot de voiture qui vient de la rue de la Pépinière.
J’ai tourné la tête vers la source de l’odeur.
Un homme fumait tranquillement une cigarette en attendant de traverser la rue.
C’est la première fois depuis de nombreuses années que l’envie fugitive « d’en griller une » m’a pris.
Cette envie a disparu en quelques secondes, le temps que la fumée entre pour de bon dans mon nez et me fasse tousser, mais tout de même…
Cette brève envie et la toux qui s’ensuivit eurent le temps de me ramener près de soixante ans en arrière à quelques années près.
Le souvenir de la première et seule bouffée de la première « sèche » m’a sauté à la figure comme un pavé sur le casque d’un CRS.
En quatrième, au cours d’un troisième trimestre bien entamé, un soleil de milieu de matinée, particulièrement printanier nous avait poussés, quelques copains et moi, à nous dire « C’est idiot de donner un temps pareil à un cours de sciences nat’ ».
Nous étions trois ou quatre à avoir décidé que finalement, le Sacré-Cœur serait autrement enrichissant en matière de sciences naturelles que la grande salle de classe et ses rideaux noirs.
Profitant de la récré de dix heures, nous sortîmes en douce par une porte de la rue Bochart de Saron sans nous demander un instant comment nous reviendrions l’après-midi…
Le soleil redora un peu un moral déjà entamé par le remords.
Les boutiques de souvenirs, déjà ouvertes, attendaient le touriste qui, à l’époque, venait de province et pas de Chine et nous regardions des étalages de minables statuettes de plâtre peint en remontant la rue de Steinkerque.
Le jardin du Sacré-Cœur était le matin assez dépeuplé et on n’y voyait que quelques vieilles gens venues réchauffer leurs os au soleil de ce matin de mai.
Nous nous mîmes à l’écart sur quelques chaises mises comme « les chariots en cercle » des westerns pour éviter la curiosité malsaine des gardiens.
Les trois néophytes de notre bande des quatre avaient décidé de suivre l’enseignement de l’initié. « Celui qui avait déjà fumé ».
L’état de notre fortune, misérable, nous avait permis l’achat d’un paquet de « P4 » et, mieux, pour « les chochottes », dixit l’expérimenté de la clope, un paquet de « Highlife ».
« L’Initié » avait déjà dans la poche une petite boîte d’allumettes, performance risquée en ces temps où chaque lycée avait son Big Brother qui, sur simple soupçon pouvait vous faire les poches et fouiller votre cartable.
Il ouvrit le petit paquet de « P4 » et tendit à chacun de nous une cigarette.
Rien que l’allumage posait problème.
Malgré un père fumeur, je ne voyais pas trop comment on amorçait la cigarette, la flamme ne l’allumait pas.
Le professeur de clope nous expliqua qu’il fallait « quand même tirer un peu » .
Au bout de trois allumettes, je me retrouvai avec une cigarette rougeoyante entre les lèvres mais sans résultat probant.
« Celui qui savait » me dit alors « Aspire ! Aspire ! »
J’en tousse encore…
Je n’ai allumé la seconde cigarette qu’à vingt ans passés, ça allait bien avec le café et ça aidait à gérer le stress des exams.
Je n’aurais pas dû, je n’ai cessé que trente-sept ans plus tard…
Et si j’avais pensé que ce serait si aisé, j’aurais cessé quand la lumière de mes jours attendait l’Ours.
Elle ne supportait pas la fumée et je n’ai que peu fumé à cette époque...