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lundi, 30 novembre 2020

Devoir de Lakevio du Goût N°59

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Devoir de Lakevio du Goût N°59
Qu’arrive-t-il à cet homme ?
Que subit-il pour être aussi triste ?
Que vous raconte cette toile d’Arielle Lange.
J’espère que nous en saurons plus lundi.

J’ai entendu frapper à la porte.
J’ai ouvert.
Il est entré.
Il traînait encore cet imperméable qui me sortait par les yeux.
L’imperméable « mastic » à coupe dite « raglan », qui datait de la « mode James Bond » de mes années de lycée.
À peine assis, il s’est raclé la gorge et a demandé :
- Tu n’aurais pas une cigarette, fiston ?
Je lui ai tendu mon paquet de « Kent », il en a pris une et l’a allumée.
Un long silence suivit.
Il s’agitait sur le tabouret, ne sachant pas comment s’y prendre.
Il n’est pas aisé d’aborder certains sujet avec ses enfants…
Puis, il s’est remis à se racler la gorge et s’est lancé :
- Qu’est-ce qu’elle a ta mère ?
- Quoi ?
- Qu’est-ce qu’elle a ? Elle me laisse tout seul là-bas, dans la maison de campagne, au diable et elle ne me parle pratiquement plus…
- Tu as quand même exagéré, papa, tu ne trouves pas ?
- Qu’est-ce que j’ai fait ?
- Qu’est-ce que tu n’as pas fait, plutôt… Pas de boulot, tu viens, tu fumes, tu manges, tu gueules, tu es invivable
.
- Ouais mais quand même ! On est marié depuis longtemps.
- Si peu…
- Alors, quoi ?
- Ben maman en a marre et nous aussi !
Il a pris cette expression de chien battu qui donne envie de le battre.
Il a même tenté, en comédien accompli, la larme au coin de l’œil…
- Ben qu’est-ce que je dois faire ? Hein ? Dis-le !
- Mais tout le monde en a marre de ces cinémas !
- Et alors ? Hein ? Alors !
- Va-t’en, papa ! Va-t’en !!! C’est tout !
Il s’est redressé, comme s’il avait reçu un coup en traître puis s’est levé avec l’air d’avoir cent ans.
Il a attrapé son imperméable sur le crochet de la porte et est parti.
Je savais qu’il irait au café, prendrait un ou deux whiskies et repartirait à la campagne.
Sans même vérifier qu’il avait assez d’'essence pour y arriver.
Comme toujours... L’imprévoyance personnifiée...
J’ai refermé la porte, me suis assis sur le tabouret qu’il venait de quitter et ai éteint sa cigarette qui se fumait seule dans le cendrier.
Je me suis accoudé à la table et une vague de honte irrésistible et soudaine m’a submergé.
Je me suis d'un coup rendu compte j’avais foutu mon père à la porte de la maison !
Mon père ! L’homme qui m’avait élevé et avait été si gentil avec nous tous…
Qu’allait-il devenir ?
Alors, toujours accoudé, la tête sur les bras, j’ai senti les premières larmes.
Puis de gros sanglots ont suivi.
Le chagrin des choses irréparables a suivi la vague de honte de les avoir faites…