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mercredi, 06 janvier 2021

Jour des Rois

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Aujourd’hui j’ai vieilli, c’est officiel, c’est mon anniversaire.
Mais c’est bien aussi, c’est mieux que ne pas avoir d’anniversaire.
Je sais aussi qu’il sera fêté autour de la fin juillet car la famille pratique l’optimisation des évènements, un peu comme le gouvernement qui souhaiterait avoir tous les malades dans un immense hôpital et tous les élèves dans un immense groupe scolaire.
Évidemment, comme chaque anniversaire, je me penche sur ceux qui furent mes géniteurs.
Et, comme chaque fois, lectrices chéries, je me dis que si on n’avait pas des parents, les psys feraient faillite.
D’ailleurs je ne suis même pas sûr que la profession existerait…
Vous ai-je déjà parlé de mes parents ?
Elle, une femme petite, brune aux cheveux quasi bleus marine tant ils étaient noirs et à la peau brune, plus « gitane » que « gauloise ».
Lui un homme plutôt grand pour un homme de sa génération, à la peau claire et aux cheveux châtain foncé, le « brun à reflets rouges » quand le soleil frappait ses cheveux, plus « gaulois » que « hidalgo de sa mère ».
C’était un couple étrange, un de ces couples dont on ne peut pas dire un instant qu’il s’agissait d’une paire.
Il ne s’agissait évidemment pas d’une paire assortie, comme les chaussettes, ou alors des chaussettes après plusieurs lavages, quand l’assortiment est un rêve  de chaussettes neuves.
Il s’agissait encore moins d’une paire complémentaire, comme la vis et l’écrou, ou alors pas du même pas, comme un écrou « Imperial » sur une vis « ISO », le truc qui coince.
Non, rien de tout ça.
C’était un équipage étrange dont ma mère était le cocher et l’attelage un cheval fou.
Elle s’évertuait à maintenir dans le droit chemin cet équipage qu’elle eût voulu reposant.
Hélas, avec mon père, autant essayer de mener un attelage de papillons.
Oh ! Elle pouvait compter sur lui pour des tas de choses.
Pour le travail, pour faire de bons mots.
Bons mots qui se révélaient dévastateurs si on avait besoin des gens après.
Pour peindre des tableaux car il fut longtemps un très bon copiste.
Sinon, elle pouvait compter sur lui comme sur une promesse électorale, le rêve risqué.
Remplacer un fusible de la boîte EDF au dessus de la porte ?
C’était le meilleur moyen de le retrouver inanimé sur les tomettes du palier.
Clouer un piton pour y accrocher un tableau prouvait que taper sur le piton au travers d’un doigt était inefficace et douloureux.
Ma mère ne le laissa jamais poser du papier peint.
Jamais !
Elle avait bien trop peur d’être obligée de lui couper les cheveux pleins de colle et de racheter deux ou trois fois les rouleaux de papier.
Ma mère, selon son humeur le voyait dans deux rôles très différents.
Les « jours Lemmy », elle le voyait chanteur.
Il avait de fait une assez belle voix de baryton qui charmait ma mère quand il lui chantait les chansons du moment.
À la condition évidemment qu’il n’en modifiât pas les paroles avec des trouvailles de son cru, totalement impubliables.
Les « jours Gaby », elle l’eût préféré gendarme.
Oui, gendarme.
Pour ma mère c’était le sommet de la tranquillité, une solde régulière, un emploi garanti, un uniforme qui lui aurait assuré le prestige dont elle rêvait.
Lectrices chéries, vous voudriez savoir à quoi aurait ressemblé mon père dans les rêves de ma mère ?
Pensez à un mélange d’Aristide Bruant, de Louis Campion et de Toulouse-Lautrec habillé en gendarme…
L’homme improbable, en somme.
Bref, c’était un de ses couples étranges, deux personnes disparates pas plus capables de vivre ensemble que de vivre l’une sans l’autre…
Et vous voudriez que les quatre enfants qu’ils avaient plus ou moins élevés ne soient pas un peu cinglés.
Depuis des années je me demande ce qui m’aurait été le plus profitable.
Ou néfaste…
Être élevé par les fondus du bon dieu ou par mes parents ?