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lundi, 13 septembre 2021

Devoir de Lakevio du Goût No96.

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Cette photo de rentré me rappelle un souvenir de blouse.
Je vous ai déjà parlé de cette blouse mais je dois dire qu’elle m’a traumatisé au point que je me la rappelle comme si je rentrais en primaire en 2021.
Quand feue ma mère, sous le prétexte futile que mon langage s’était monstrueusement dégradé dès l’entrée à « la grande école » de mon quartier, décida qu’il n’y avait rien de mieux pour mon avenir que m’envoyer passer quelques années dans un univers concentrationnaire.
Autrement dit chez les Maristes.
La maternelle à peine quittée, un trimestre avant mon sixième anniversaire, j’arrivai pour une semaine en CP avant que d’être mis en CE1 pour cause de brillance intellectuelle.
Brillance qui, en moins d’un mois, se révéla un leurre car si j’avais l’apprentissage aisé, celui du langage du charretier était plus évident que celui de la langue de Molière.
Suite à une remarque assez peu élégante pour que ma mère la ponctuât d’une calotte, il fut décidé de m’envoyer en pension pour y apprendre à être civilisé.
Et c’est là qu’un souvenir de blouse intervient.
Pour aller passer quelque temps en pension, il fallait un trousseau.
Étaient exigées, dans ce trousseau, trois blouses discrètes et n’incitant pas à se distinguer de ces camarades.
Ma mère, persuadée malgré tout que justement je me distinguais de mes camarades, acheta un lot de blouses, autrement promises à Emmaüs, j’en suis sûr.
Je suis sûr que nombre de garçons se rappellent ces blouses d’écolier, grises, sans âme, mais pourvue de poches gigantesques permettant de stocker sans faiblir deux kilos de billes au bas mot.
Eh bien, mes trois blouses n’étaient pas de ce genre.
Quand elle m’amena au pensionnat, le « Frère-Économe » qui cumulait les fonctions d’économe, de linger et de préfet de police, nous accueillit ma mère et moi dans son bureau du rez-de-chaussée.
Bureau pourvu d’une large fenêtre donnant une vue imprenable sur la cour de récréation.
Ce détail a son importance…
Et c’est là que ça a commencé à déraper.
Tandis que les « anciens » se pressaient à la vitre du bureau pour voir « le nouveau qui arrive après la rentrée », ma mère, Jézabel, devant eux s’est montrée.
À la demande du Frère, elle ouvrit ma valise, en sortit une blouse…

Bleue ! La blouse était bleue !
Pas le bleu marine, foncé et discret, non.
Bleu roi ! Le bleu « pétant » !
Pour arranger les choses, il n’avait pas les larges revers habituels des blouses grises « normales », non, le col était court, montant et orné d’une espèce de liseré rouge vermillon !
Ma mère venait d’inventer « la blouse Mao »…
Le frère économe se passa la main sur le visage, l’air presqu’aussi désespéré que moi.
« Euh… N’est-ce pas un peu voyant, Madame ? »
« C’est ce que j’ai trouvé dans mes moyens, mon Père » rétorqua ma mère de la voix dont elle use quand elle n’est pas d’accord avec mon père.
Voilà ce que ma mère avait fait.
Moi qui –à l’époque du moins- ne rêvais que me noyer dans la masse enfantine et sans faire de vagues, j’étais effondré.
Pour ce qui est de ne pas se distinguer de ses camarades, c’était une réussite toute relative.
Je crois bien que c’est à ce moment que je me suis enquis de ce que pouvait être la psychanalyse.
Plus tard, j’ai lu sur le sujet.
En foi de quoi je peux vous affirmer haut et fort que Sigmund Freud s’est lamentablement planté.
Ce n’est pas son père qu’il faut tuer.
C’est sa mère !