mardi, 19 février 2013
« Soulève ta paupière close ».
Notre café bu, la première gorgée chaude, la seconde tiède et la troisième froide nous reprîmes notre route, toujours lentement. Le temps fraîchissait avec la fin d’après-midi aussi je lui remis mon pull sur les épaules. Nous papotions de choses et d’autres, de nos goûts, de ce que nous ferions après nos études.
Elle ne semblait pas reprocher au petit vent frais de l’avoir fait frissonner au point d’occuper illégalement mon pull et se serrer contre mon côté.
Le chemin nous parut court, occupés que nous étions à nous écouter mutuellement. Arrivés au pied de son immeuble, nous eûmes un peu plus de mal à nous séparer que les jours précédents et nous serrâmes l’un contre l’autre plus affectueusement en nous embrassant sur les joues.
Le lendemain matin je ramassai le désordre raisonnable de la maison.
Ce n’était pas que je sois particulièrement ordonné mais je passais peu de temps à la maison où je ne faisais que lire, écouter la radio ou de la musique en dînant et dormir.
Si bien, qu’à part faire mon lit et faire la vaisselle du petit-déjeuner, je n’avais pas beaucoup d’efforts à faire pour rendre la maison présentable. J’allais donc éviter une mercuriale parentale, c’était déjà ça de pris.
De plus, je savais que mes parents allaient amener avec eux quelques victuailles –il était temps- et refinancer la semaine qui venait. Cette façon de faire me convenait parfaitement. Je mangeais « utile et économique » de façon à garder le plus de sous possible dans la poche car un « Vittel-menthe » et un diabolo-fraise en terrasse avec « elle » trouaient plus férocement mon budget qu’un repas à la maison, composé de deux œufs, de coquillettes et de pain.
Donc, les parents arrivés, les histoires de la semaine narrées, ma mère se montra un peu déçue de me voir partir si vite qu’elle me fit des adieux en cinémascope, comme si je partais aux Indes.
Mon père posa sa cigarette sur le bord de l’assiette pour m’embrasser.
Se fit engueuler par ma mère parce que « franchement ! Lemmy ! Les cendres dans les assiettes, ça ne se fait pas ! » et tous deux me libérèrent.
Mon père en me souhaitant un bon après-midi.
Ma mère en pestant « et tu vois encore « cette fille » demain !? »
Je redonnai un coup de brosse à mes chaussures sous un œil paternel goguenard.
A ce train, j’aurais usé le dessus de l’empeigne avant les semelles...
Et je partis joyeux vers ma probable gamelle.
Arrivé en bas de chez « elle », je commençai par faire, non pas « les cent pas » mais seulement « un cent pas » pour éviter de salir mes mocassins.
Ça m’apprendrait à être en avance. Elle arriva enfin.
Comme à chaque fois, j’eus le cœur qui accéléra lorsque j’embrassai sa joue.
Puis qui s’emballa lorsqu’elle me prit le bras et se serra.
Elle avait mis sa veste et elle avait bien fait car il y avait encore ce léger vent frais qui lui rosissait délicieusement les joues.
C’est en arrivant boulevard des Italiens, à la hauteur de la rue de Richelieu qu’il faillit arriver une catastrophe, « the » catastrophe. Une brusque saute de vent sortant de la rue de Richelieu lui arracha un « ssshhh ! ».
Elle se tourna vers moi, les yeux fermés une fine mèche de cheveux lui barrait le front.
Comme elle levait son visage moi et que je repoussai cette mèche de la main pour épargner ses yeux, ses paupières closes et l’éclat de ses dents à travers ses lèvres entrouvertes furent trop tentants.
La catastrophe se profilait, je la voyais venir. Et ce serait entièrement ma faute.
Il y a des moments où la meilleure éducation du monde ne peut vous retenir.
D’ailleurs elle n’y parvint pas…
Après avoir contemplé un bref, très bref, trop bref instant son visage, j’embrassai ces lèvres comme si elles m’avaient été offertes gracieusement par le sort.
Mais doucement quand même.
Ce ne fut pas un baiser de cinéma, non, un baiser léger, et je regrettai, trop tard bien sûr, mon impatience.
J’attendais une tarte.
Je n’ai pas reçu de gifle.
Il y a des jours comme ça.
« Je suis désolé, je n’ai pu résister. »
Elle rouvrit les yeux, me jeta un regard malicieux et me dit « Hon, hon… j’ai vu ça… », sourit et me reprit le bras. Comme s’il était à elle, cette fois-ci.
Sans le faire exprès, je venais de trouver une bonne raison de nous revoir dimanche.
Il n’empêche qu’une fois de plus, elle m’avait bien eu…
Non, Emilia-Celina, ce n’est pas pour te satisfaire, c’est simplement que c’est à ce moment que c’est arrivé.
Et je sais bien que ce n’est pas « le vif du sujet » mais il te faut attendre…
07:22 | Commentaires (12)
Commentaires
oui, mais c'est très joli et délicat!Cette période là est pleine d'émotion. En sortant de ces premiers rendez'vous, on adorre se retrouver seul et penser et repenser à ce premier baiser...plein de promesses. On vit la tête dans les nuages!
C'est bon!bien que devinant sans peine la suite, je peux attendre pour savoir quand? C'est une jolie histoire car pleine de retenue!
Écrit par : emiliacelina | mardi, 19 février 2013
Etais-tu vraiment désolé de n'avoir su résister?
Écrit par : livfourmi | mardi, 19 février 2013
ha! enfin !! je le savais qu'elle n'attendait que ça !!!!!
Écrit par : maevina | mardi, 19 février 2013
Fais attention tu donnes un bras et elle te prend le reste.
Écrit par : mab | mardi, 19 février 2013
réponse à Mab : " le reste" ! tu parles qu'il a dû faire attention! il n'attendait que çà !
Écrit par : emiliacelina | mardi, 19 février 2013
Que de poésie , tu sais , on dirait les romans photos où on restait dans l'attente du baiser et il fallait attendre , attendre !
Écrit par : Brigitte | mardi, 19 février 2013
Et je suis en train de penser à une réplique de Michel Blanc dans les Bronzés..... "oublie que t'as aucune chance, fonce, on sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher"..... bon cette réplique ne s'applique pas à ton cas puisque tu vois.... ça fonctionne.... tu te sous estimes trop finalement.... cette coquine n'attendait que ça... on voit bien que l'attirance est réciproque sinon elle ne répondrait pas à tes invitations.... Mouahahahaha suis morte de rire, mes références cinématographiques sont au top... ça va encore te hérisser le poil !!
Écrit par : Ysa | mardi, 19 février 2013
Années 60... so romantic ! Les promenades si lentes un garçon à son bras, son pull sur nos épaules, les joues fraîches et roses, baisers volés-attendus-donnés...L'univers si doux et douloureux de notre jeunesse.
Écrit par : lakevio | mardi, 19 février 2013
Bondiou.... que c'est long...... rires
Écrit par : patriarch | mardi, 19 février 2013
Ne lirais-tu pas par dessus de l'épaule de ton Heure Bleue ? Ce qu'on se dit entre "nanas" devrait rester entre nous ! Bon pour cette fois, tu es pardonné... Comme l'autre fois à l'évocation de tes amours anciennes, je suis haletante d'impatience d'en savoir un peu plus, même si le carré blanc n'aura pas lieu d'être visible sur l'écran de l'ordi !
Tu as un réel talent de conteur... mais ça tu le sais sans qu'on ait besoin d'en rajouter.
Bonne soirée. J'ai rattrapé mon retard de lecture
Gwen
Écrit par : Gwen | mardi, 19 février 2013
Franchement c'est trop mignonnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn
Écrit par : mialjo | mardi, 19 février 2013
bon. Ca avance...petit à petit...
Écrit par : liliplume | mardi, 19 février 2013
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