mercredi, 06 mars 2013
Quand j’avais cinq ans je m’ai pas tué.
Le bus nous a arrêtés là.
Pas très loin de la place de V. à l’automne 1954, une petite place assez triste. Place encore plus triste sous le ciel bas et un vent à décorner les bœufs. Comme toujours, j’ai froid. J’ai toujours froid.
Ma mère m’a pris par la main et m’a tiré pendant qu’elle tenait de l’autre main une petite valise en carton bouilli. Verte la valise. Et lourde…
Ma mère a toujours su faire des valises comme ça. De vrais pièges. Des valises petites mais extrêmement bien rangées et remplies. Des valises qui vous allongent le bras de dix centimètres et vous tassent les vertèbres.
Je suivais ma mère avec un enthousiasme relatif. L’idée de passer des semaines puis des mois, des années peut-être dans cette école n’avait rien de réjouissant.
Je vous ai déjà parlé de ma mère ?
Non ? Il me semblait bien que non.
Pourquoi donc me trouvais-je sur la place de V. le 11 octobre 1954 ?
Je vous parle du 11 octobre parce que j’ai vérifié, je me rappelle seulement que c’était un mardi.
Je me trouvais là parce que mes parents et « la grande école » se sont aperçus, dès le premier octobre 1954, que je savais lire et qu’il était bon de me faire entrer directement en classe de CE1.
Par manque de chance, mon école était au bout de la rue Championnet, proche de cette « porte de Clignancourt » dont j’aurais l’occasion de vous parler plus longuement.
C’était une école dont les élèves étaient assez remuants. Voire franchement voyous pour certains…
Et cette classe de CE1, dirigée d’une main de guimauve dans un gant de tissu éponge par monsieur D. était un vivier de futurs bandits. Leur langage était imagé et on n’en trouvait aucune trace dans les dictionnaires. Langage plus proche de celui des « apaches » que de la Comédie Française.
Ma mère donc, était effrayée à l’idée que son fils unique et chéri finît les bras liés à une rame sur une galère et avait décidé de me mettre à l’abri chez les Frères.
Je me dis en arrivant devant la porte de l’école des Frères, que ma mère et moi avions des vues divergentes sur la notion d’abri.
Pire, je ne savais rien encore de la vague de honte qui allais me noyer une fois la porte franchie…
10:11 | Commentaires (8)
Commentaires
Je cherche quelle honte , le fait de demander un arrangement pour payer ? on t'a pouillé ? La suite !
Écrit par : Brigitte | mercredi, 06 mars 2013
Pauvre Loulou ! ( C'est au gamin de 5 ans que je m'adresse )
T'inquiète pas, ça va bien se passer. ( Et le Goût ne va pas me contredire et traumatiser à jamais ce petit bout zan.)
Écrit par : Berthoise | mercredi, 06 mars 2013
wahouuuu je la sens bien cette histoire...je vais aimer...avec Hb vous avez dû remuer vos souvenir d'école, elle parle des visites médicale qui n'existe plus depuis des années...
Écrit par : mialjo | mercredi, 06 mars 2013
Tu ménages le suspens. Faut dire que le mélange Le goût et Les frères, ça a peut être fait des étincelles.
Écrit par : Seringat | mercredi, 06 mars 2013
ça promet des notes captivantes !
Écrit par : Rivka | jeudi, 07 mars 2013
Belle amorce ! On se croirait chez Colette ! Il y a même le côté coquin parfois.Donc, après Le Goût à Paris, Le Goût en ménage, voici Le Goût à l'école... A suivre !
Écrit par : lakevio | jeudi, 07 mars 2013
bien sûr, on va avoir plaisir à te lire encore une fois, mais, à cinq ans,tu devais être inquiet, même si c'était de ta faute : tu n'avais qu'à ne pas être surdoué!!
Écrit par : emiliacelina | jeudi, 07 mars 2013
Ben voilà... sans me méfier, je suis passée au post suivant pour savoir ce qu'il y avait derrière la porte de l'école qui te donnerait la honte. Et me (nous) voilà le bec dans l'eau puisque tu ne nous dis pas la suite.
Viiiiiiite ! j'attends et ne suis pas la seule !
Gwen
Écrit par : Gwen | dimanche, 10 mars 2013
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