dimanche, 15 juin 2014
Le renard et la boulette…
Hier, Heure-Bleue a décidé de claquer la moitié de notre budget annuel en attractions diverses, glissades sur toile cirée, balades en barque et parties « d’attrape-nunuche » -ces bidules où vous guidez une pince pour agripper une peluche qui glisse au dernier moment- histoire d’occuper Merveille.
Merveille que nous avons ramenée chez elle. Merveille qui a grimpé sur mes genoux. Merveille qui m’a dit, la main devant la bouche, comme n’importe quel bavard en classe :
- Viens, je vais te montrer quelque chose…
- On ne parle pas la main devant la bouche, Merveille.
- Mais c’est parce que c’était un secret !!! A-t-elle hurlé.
Je l’ai suivie, elle s’est mise à pleurer, le super « chagrin-cinéma », elle sait qu’en victime malheureuse elle me fend le cœur, je l’ai consolée, mais à moitié seulement et nous sommes retournés voir « les autres ».
Seule Heure-Bleue, qui connaît les vrais ressorts de l’âme féminine pour vivre avec son âme depuis un moment, l’a vraiment consolée. Elle s’est contentée de lui dire « Tu verras, dans peu de temps, c’est ta sœur qui va se faire engueuler à ta place et tu seras de nouveau la reine… »
Le sourire est revenu sur le visage de Merveille, elle a repris sa place sur mes genoux et a eu un geste qui m’a rappelé son arrière-grand-père. Mon père. Merveille a mis un doigt dans son nez.
Quel rapport entre un doigt dans le nez et mon père ?
Vous savez que les relations entre mes parents étaient parfois tendues. Ma mère avait tendance à l’envolée théâtrale, elle criait même plus fort que Lara Fabian, c’est dire…
Mon père, lui, était plus, comment dire ? « Taquin-emmerdeur ». Oui, c’est ça.
Un jour que nous allions chez mes grands-parents maternels qui avaient une maison du côté de Montargis, les relations étaient un peu orageuses. Dans le compartiment du train, qui mettait bien deux heures pour parcourir le trajet « Paris-Montargis. 119 km. 2ème Classe Réd. Fam. Nomb. 75% », il y avait huit personnes, dont mes parents et moi. Ma grande sœur et mes deux petites sœurs étaient déjà chez mes grands-parents.
Nous nous sommes assis et avons attendu le départ du train. Longtemps. Enfin, longtemps pour moi. Le train a démarré et tout le monde s’est détendu quand il a atteint ce que je sais aujourd’hui être Charenton, là où il y avait un immeuble dont le flanc aveugle donnant sur les voies hurlait aux voyageurs en lettres géantes peintes sur le mur « Halte ! Qui va là ? Saponite ! La bonne lessive ! »
C’était à ce moment que s’ouvraient les sacs, que les compartiments se mettaient à sentir le fromage et le saucisson et que les genoux se couvraient de torchons à carreaux rouge et blanc ou bleu et blanc. Même ma mère en avait. Il n’y avait pas de vin à la maison mais elle avait aussi dégotté ces torchons, cadeau publicitaire « gracieusement offert par le Vin des Rochers. Le velours de l’estomac. »
Mon père, qui n’avait pas digéré la mercuriale précédente fit preuve d’un talent remarquable pour faire honte à ma mère qui était très pointilleuse sur ce qui lui semblait être « savoir se tenir ».
Après moult « Ça va ma chérie ? », « Tu es bien assise ? », « Tu as besoin de quelque chose ? », le tout assorti des « Mon amour » qui vont bien, histoire de montrer aux autres passagers combien ils étaient liés. Ma mère, chaque fois tombait dans le piège.
Soudain mon père s’est penché en s’écriant « Ma boulette ! »
Il s’est accroupi, a regardé partout, les autres passagers se sont enquis « Mais qu’est-ce que c’est ? »
Mon père, accroupi et préoccupé, « une petite boule noire… »
Au bout de cinq minutes, les autres passagers, découragés, s’excusèrent de ne rien trouver.
Ma mère qui s’était aperçue trop tard du piège, était prête à ouvrir la porte, celle avec la plaquette émaillée « Danger ! Porte donnant sur la voie ! » et à y pousser mon père, bouillante de rage.
Mon père se rasseyait alors, remerciait les voyageurs et disait « tant pis, je vais en faire une autre » en faisant semblant de mettre un doigt dans son nez.
Ma mère était morte de honte.
Mon père regardait par la fenêtre.
Les autres femmes avaient un air réprobateur.
Les autres hommes faisaient semblant de rien. (je me demande aujourd'hui si mon père ne les avait pas vengés...)
J’étais le seul à rire de bon cœur…
08:06 | Commentaires (17)
Commentaires
comment faire pour que tu entendes combien je ris!!!!!!!!!!! Le mâtin de bonne heure, ça fait un bien fou, bien que je ris en silence: Robert dort encore !
Écrit par : emiliacelina | dimanche, 15 juin 2014
Je ne dois pas avoir "l'âme féminine". On en dit le charme : savoir! En tout cas, en ce genre de circonstances, je me sens toute solidaire de l'adversaire....
Écrit par : tardlesoir | dimanche, 15 juin 2014
J'en ai encore de ces serviettes rouges et blanches du vin des rochers ! J'en ai hérité.... Faut dire que chez nous vu la consommation dudit velours de l'estomac, ma mère et ma grand mère avaient pu constituer un stock de serviettes ! Elles ont même pu avoir la nappe assortie !!! Par contre en ce qui concerne le velours.... tous les consommateurs, de ma famille, de ce breuvage sont morts d'un cancer digestif, oserais je faire le lien ??
Écrit par : moune | dimanche, 15 juin 2014
Tu es en verve ce matin comme tous les matins d'ailleurs, il me plait ton père, je l'ai déjà dit.
Écrit par : mab | dimanche, 15 juin 2014
J'ai beaucoup aimé ton père mais il était parfois relou, j'ai eu envie de le découper en lanière et j'ai admiré ta mère, et reconnais que c'était rare, de la patience dont elle faisait preuve..
Écrit par : heure-bleue | dimanche, 15 juin 2014
dis donc, chez toi, il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre.;)
Écrit par : Berthoise | dimanche, 15 juin 2014
Mon frère fait ça aussi... pffff !
Écrit par : Praline | dimanche, 15 juin 2014
et bien le fruit n'est pas tombé loin de l'arbre !!!
Écrit par : liliplume | dimanche, 15 juin 2014
Du coup, on sait à qui tu ressembles !!! Mon grand-père paternel était du même style !!
Écrit par : Ysa | dimanche, 15 juin 2014
Tu m'as encore bien fait rire ! ton père , c'était un rigolo ! j'imagine la colère rentrée de ta mère !!!
Écrit par : Brigitte | dimanche, 15 juin 2014
Il avait encore faim ou pas pris son dessert ?
Écrit par : Ckan | dimanche, 15 juin 2014
Très drôle, votre mère perdait beaucoup de ne pas rire.
Mon grand-père feignait de voler une petite cuillère à la fin des repas au restaurant ou chez les amis de mes parents.
Il est arrivé à ma mère de lui faire ses poches en douce, pour être sûre...
Écrit par : almanito | dimanche, 15 juin 2014
Excellent! Il avait de l'aplomb, tout de même et un sacré sens de l'humour! Je comprends mieux...
Écrit par : muse | dimanche, 15 juin 2014
Rattrapé mon retard de lectures.
Désolée, rien à dire. Ta prose est parfaite mais je reste un peu morose du retour !
Ça reviendra tantôt !
Bises
Écrit par : lakevio | lundi, 16 juin 2014
mon dieu que je ris...du genre taquin? t'es modeste! j'aurais adoré avoir un père comme ça, par contre pour ta mère, je comprends la honte...mais quelle rigolade...Quand à merveille...bé...il y a trop d'écart entre les deux sans doute...mais bon elle s'y fera plus tard...quand l'autre merveille aura pris de l'âge et sera devenue intéressante à ses yeux...kiss.aujourd'hui j'ai écrit...
Écrit par : Joëlle | lundi, 16 juin 2014
HAHAHA
tu m'entends rire???
Sa boulette non mais des fois...;-)))
Écrit par : Coumarine | lundi, 16 juin 2014
Sacré personnage que ton père!
Écrit par : Livfourmi | jeudi, 19 juin 2014
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