lundi, 03 avril 2017
Mon enfer me ment…
Ça ne va pas ce matin.
Le printemps est enfin arrivé, j’ai choisi des vêtements légers puis je me suis habillée.
Mais quelque chose ne va pas, je sens que quelque chose va de travers.
Ce n’est pas la première fois que je me lève en méforme.
L’âge se fait sentir, hélas…
Mais alors qu’habituellement je peste intérieurement à cause de douleurs diverses, ce matin c’est autre chose.
Ce n’est pas quelque chose de précis, non.
C’est une question d’ambiance.
Enfin, je vais y aller.
Le premier étage à peine descendu, la faim m’a tordu le ventre.
Ça m’est revenu, j’ai oublié de déjeuner.
J’ai même oublié mon café au lever.
Cette fois-ci, c’est la peur qui m’a tordu le ventre, en remontant mon étage, je me suis rendu compte que j’étais seule, que s’il m’arrivait quelque chose je devrais y faire face seule.
Déjà, cette sensation, heureusement éphémère et rare, de désorientation quand j’arrive dans ma rue et que je ne reconnais plus les immeubles ni ne sais où est mon entrée.
Enfin… Aujourd’hui il fait beau et je vais me promener.
Je commence par acheter un pain au raisin chez le boulanger, il faut tout de même que je mange un peu.
- Bonjour Madame Dugenou !
- Ah ? Vous vous rappelez mon nom aujourd’hui ?
- Bien sûr !
- Jeudi dernier vous aviez beau chercher, vous l’aviez oublié.
- Ah bon ?
- Mais c’est pas grave, allez, ça nous arrive à tous d’avoir des « trous de mémoire »…
La peur m’a saisie plus fermement.
- Vous vous êtes habillée en jeune fille, aujourd’hui.
- Oui, il fait enfin beau.
- On voit bien que le printemps est revenu depuis un moment, ça vous va bien.
Je suis sortie avec l’impression d’avoir raté quelque chose…
- Madame ! C’est deux €uros ! Vous avez oublié de me payer, c’est pas grave…
Je lui donne ses deux €uros et je marche en regardant les boutiques.
Il fait même chaud.
Quand je passe devant le jardin, je suis effarée, la peur grandit en moi.
J’ai été surprise à regarder les pelouses.
Je pensais que le printemps était arrivé ce matin et j’en étais heureuse.
Maintenant je suis paniquée.
Les pelouses ressemblent à de la paille.
Je le sais, j’ai la maladie dont j’avais le plus peur.
Elle m’a volé les dernières semaines !
Mais je ne me laisserai pas faire, ce n’est pas elle qui m’emportera.
Je ne me laisserai pas faire par cette saloperie.
- Que voulez vous, je ne pouvais rien faire, vous avez vu ?
- Mais oui monsieur, la RATP va envoyer quelqu’un vous relever.
- Vous avez vu, hein ? Vous avez vu ! Elle s’est jetée sous mon bus !
08:11 | Commentaires (25)
Commentaires
C'est poignant, se rendre compte de l'arrivée de cette sale maladie...
Écrit par : la Mère Castor | lundi, 03 avril 2017
Bouh que c'est triste... et pourtant...
Le pire dans cette maladie, du moins au début, c'est d'en être conscient. Ma belle mère a vécu cette douloureuse étape... vraiment terrible.
Écrit par : Praline | lundi, 03 avril 2017
Bou, bou, je rentre de week-end et je lis ceci. De quoi aller se jeter dans l'Allier. Au moins, ma mère, pour l'instant, n'en est pas atteinte...quoique, y'a des trucs dont elle ne se souvient plus quand je lui pose des questions. J'espère que la maladie ne fait pas son apparition. C'est ma terreur.
Oui, au début, c'est terrible. J'ai 2 tantes qui en sont atteintes. Et, je me pose des questions. Pourquoi elles ? Elles ne ressemblaient pas du tout. L'une était la femme type insouciante, qui prenait la vie du bon côté, était frivole, elle, l'ancienne parisienne, qui a trompé son mari toute sa vie et détestait la tristesse...L'autre, pas marrante, un peu bonnet de nuit, qui avait perdu sa fille de 16 ans et ne s'en était jamais remise. Depuis, elle était sous calmants, prenait des somnifères pour dormir. Me demande si les médocs n'y seraient pas pour quelque chose.
Oh, quand je les ai vues, il y a 3 ans, pour l'annif de mon oncle..La 1ere n'arrêtait pas de pleurer. Elle répétait "pourquoi je ne me souviens de rien, c'est terrible, pourquoi je ne te reconnais pas"...Et elle pleurait, pleurait.
Elle a enterré son fils, mon cousin, il y a 2 ou 3 semaines (le temps passe si vite qu'on oublie qu'il passe inexorablement)..Elle se demandait ce qu'elle faisait là, regardait le cercueil sans le voir. Dans l'église, elle a écouté ses filles rendre hommage à leur frère, leur a ensuite dit "merci, merci, c'est beau ce que vous avez dit". Ensuite, elle a récité le Notre Père et je vous salue Marie sans faire de faute. J'étais juste derrière elle et j'ai vu"...Bizarre, ça !
Écrit par : julie | mardi, 04 avril 2017
Je préfère quand tu es drôle.
Écrit par : mab | lundi, 03 avril 2017
Il fait beau et tu écris ça..
Écrit par : heure-bleue | lundi, 03 avril 2017
Aujourd'hui, je ne peux rien écrire sur ce sujet.
Écrit par : Sophie | lundi, 03 avril 2017
C'est terrifiant ce que tu écris aujourd'hui. Mais ... ce mal dont je ne sais s'il a été inventé pour punir les crimes de la terre, répand tout à fait la terreur...
Malgré l'horreur, j'aime beaucoup.
Écrit par : lakevio | lundi, 03 avril 2017
Un constat précis et lucide, la détresse .......... c'est bien écrit et c'est terrible !
Elle a choisi sa fin, pour moi c'est tout aussi bien ...........
Écrit par : Colette | lundi, 03 avril 2017
J'ai commencé par le blog d'HB et j'ai trouvé son histoire triste mais cette version est encore pire .... allez c'est le printemps il faut avoir des idées plus gaies !!!!
Écrit par : AGNES | lundi, 03 avril 2017
Il n'y a que quelques jours que j'ai lu ceci : les victimes de la maladie d'Alzheimer ne s'aperçoivent de rien, alors que leur entourage en souffre...
Vous n'avez pas fait dans la dentelle HB et toi !
De quoi se flinguer !
Écrit par : Gwen | lundi, 03 avril 2017
Tout à fait, et c'est ça le plus terrible.
Écrit par : Sophie | lundi, 03 avril 2017
Oui, c'est terrible pour l'entourage. C'est son ami qui s'occupe de ma tante, ami, amant qu'elle avait connu quand son mari était en vie, ami-amant qui n'avait eu jusqu'ici que le bon côté de la vie, un homme sans enfant qui ne voulait pas s'encombrer des contingences de la vie. Ma tante avait une maison. Elle l'a quittée pour aller vivre avec son ami...qui doit s'en mordre les doigts maintenant. Oh, la tête qu'il faisait pour l'enterrement de mon cousin. Il faut lui reconnaître cette qualité, c'est qu'il s'occupe bien d'elle...Elle était toute élégante...Mais, la tête qu'il faisait..Il n'a adressé la parole à personne. Jamais, nous ne sommes allés chez lui. Je me rappelle ma tante, quand elle avait sa tête, nous dire "venez me voir, venez me voir". Mais, jamais lui ne nous a invités, alors, nous n'y sommes jamais allés, bien que passant à côté de sa maison souvent. On dirait que dieu l'a puni de je ne sais quel crime..
Écrit par : julie | mardi, 04 avril 2017
C'est courageux de sa part... mais que c'est triste et comme ça fait peur...dès qu'on a un trou de mémoire (et Dieu sait qu'ils sont nombreux) on ne peut s'empêcher de redouter...
Écrit par : tanette2 | lundi, 03 avril 2017
moi, j'aime ton texte... il est réaliste, il est vrai!
Écrit par : Coumarine | lundi, 03 avril 2017
très beau texte, dur.
Écrit par : colombine | lundi, 03 avril 2017
Le titre dit tout.
Écrit par : la baladine | mardi, 04 avril 2017
Superbe texte HB...C'est tout à fait ça...
Hier, nous étions encore avec Gaby. Hou, qu'il a changé, c'est devenu un petit merdeux qui nous en a fait voir hier matin, ses parents étant partis au boulot. Bon, j'en reparlerai quand j'aurai défait mes valises. Vous me donnez le cafard, toi et mr le Goût. Quand je vois à quoi ressemblent mes 2 tantes, l'Alzeimer me panique...Je guette presque les prémices chez ma mère. En tout cas, elle se souvient des n° de téléphone, 3 fois qu'elle a appelé ce matin, la 2e fois, elle a laissé un message "vous devez être encore au lit, je rappellerai plus tard. Tu parles, 1/4 heure après, nous y avions à nouveau droit. C'est le gendre qui s'y est collé...et tout ça, pour nous parler de son jardin.
Écrit par : julie | mardi, 04 avril 2017
Zut, je crois que je suis aussi atteinte. Le titre, ce n'est pas du HB ça...
Écrit par : julie | mardi, 04 avril 2017
Et, en plus, je radote. Et voilà que je me parjure. Je m'étais jurée de ne plus commenter ici. Bon, faut bien dire qu'il écrit bien le monsieur. Bravo à vous monsieur pour vos textes..et pour vos titres...
Écrit par : julie | mardi, 04 avril 2017
Alors hier soir Joséphine, et aujourd'hui ton billet...
Tu me tiendras la main pendant ma mammo ?
¸¸.•*¨*• ☆
Écrit par : celestine | mardi, 04 avril 2017
Tellement réaliste ...cette maladie est ma Ma hantise !
Écrit par : Francelyne | mardi, 04 avril 2017
Parmi tous les types d'enfermement, Alzheimer est sans doute celui dont on parle le plus.
Écrit par : livfourmi | mardi, 04 avril 2017
Vous avez fait un concours d'histoires tristes avec HB ou quoi ?
Vous êtes forts ... très forts !
Écrit par : emiliacelina | mardi, 04 avril 2017
J'ai fait mon boulot, à toi.
Écrit par : mab | mercredi, 05 avril 2017
C'est atroce ce truc : juste ce point de conscience du quand tu bascules... Il parait que ça ne dure pas longtemps, heureusement. Sinon, c'est une torture ignoble. (Et en plus, la pauvre s'est ratée dans sa fin !)
Écrit par : Véro | dimanche, 16 avril 2017
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