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vendredi, 05 janvier 2018

La déesse de mon père.

Citroen_DS_19_1957.jpg

Que je vous dise, en 1954, mon père est allé travailler chez « Minnesota de France » connue aujourd’hui sous le nom de « 3M France ».
Il y travaillait durement, très durement même.
Un jour de 1959, « Minnesota de France » a décidé que mon père aurait une promotion et irait exercer ses talents du côté de Beauchamp.
La « Traction », achetée d’occasion au « cousin François », était d’après mon père trop lourde et trop poussive pour l’emmener dans ce coin paumé de la Seine-et-Oise aujourd’hui disparue.
Adieu donc le boulevard Serrurier.
Il réussit à convaincre ma mère que pour aller là-bas tous les matins, avec sa nouvelle position de « presque sous-chef de pas grand monde », il ne pouvait pas prendre cette vieille « Traction », une « 11 BL » de 1949.
Il lui fallait une voiture autrement rutilante et moderne.
Le « cousin François » vint encore à la rescousse en lui cédant à un prix avantageux et à un taux zéro sur je ne sais combien de temps une DS-19 que mon père garda jusqu’à l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy.
Un dimanche, donc ma mère regarda mon père avec cet air bizarre qui faisait qu’on ne savait pas si elle allait l’embrasser ou lui taper dessus.
Comme elle l’a appelé « Lemmy » j’ai su que là elle voulait plutôt l’embrasser.
Elle se tourna vers moi, supputant que pour les bagnoles, les garçons étaient plus aptes que les filles à saisir l’importance de la nouvelle.
Je n’étais pas, hélas, intéressé par les voitures, aussi, quand ma mère sourit et, ignorant mes sœurs, m’annonça l’arrivée de la voiture, j’entendis « Ton père a une déesse ! »
Je me suis dit, à l’entendre « Quand même, elle pousse, maman… »
Puis mon père dit « Oui les enfants, on a racheté la DS19 de François, on va aller se promener du côté du Bourget. »
La nouvelle voiture fut mal inaugurée.
Sur le chemin du retour, mon père se pencha pour allumer une « Bastos ».
Ma mère hurla « Aaatttt… Merde ! »
Mon père venait de s’arrêter dans le pare-choc de la voiture de devant.
Une « Aronde » si je me rappelle bien.
Le couple est sorti de la voiture.
Mes parents aussi.
La femme a regardé mes parents d’un air mauvais.
Mon père a dit « euh… Vous n’aviez pas de stop ! »
Moi je sais que ce n’était pas vrai parce qu’il m’est arrivé la même aventure en emmenant l’Ours au lycée et que ça m’a coûté un pare-choc avant…
À la maison, ça a fini avec le même air bizarre de ma mère.
Sauf que là j’ai su qu’elle voulait lui taper dessus parce qu’elle l’a appelé « Gaby » et « Gaby », c’est mauvais signe…
Je me rappelle surtout la facture : 71.000 francs.
Personne n’a jamais pu l’oublier.
Et pour cause, ma mère l’a jetée à la figure de mon père pendant des années…