vendredi, 12 janvier 2018
Avant...
Une odeur de viande grillée est venue me chatouiller les narines.
J’écoutais Paul Auster parler d’écriture, de ce qui faisait qu’on aurait ou non quelque chose à dire au monde.
Et c’est là que je me suis aperçu que Dostoïevski comme Paul Auster savaient bien mieux que moi dire l’importance des choses.
Il y a un poème de Paul Auster d’un recueil qui s’appelle, je crois « Disparitions » et qui m’est sorti de l’esprit.
Il parlait de l’impossibilité du repos une fois qu’on connaît le langage.
Il disait je crois « Car chaque mot est un ailleurs, une chose qui bouge plus vite que l’œil », si je me rappelle bien, ça se terminait sur « où il n’a pas de chez lui ».
Mais je n’en suis pas sûr, j’ai lu ça dans les années 90 en fouinant chez ma libraire préférée.
Ça traduisait à mon sens assez bien les pensées qui me viennent à l’esprit.
Maintenant il me revient que comme beaucoup d’enfants de l’époque, celle d’avant la « Guerre d’Algérie » que beaucoup appelaient « Les évènements », j’avais des amis.
Ils ont disparu dans les brumes du temps et des années, dispersés qu’ils furent par le cours des choses et les années qui tuent et voient naître.
Ils ont laissé chez moi des souvenirs, des sons, des odeurs, des images.
Beaucoup d’images.
Des images de rues ensoleillées et d’escaliers à gravir.
Des odeurs d’épices devant des épiceries closes depuis des lustres.
Des voix qui fredonnent des succès de gens qui sont morts les uns après les autres.
Bien que dépourvu de toute veine littéraire, je me suis senti étonnamment proche de Paul Auster.
Un moment j’ai même eu l’impression de le comprendre.
C’est dire...
Comme nous tous, il a remarqué dans ses poèmes que la vie est un ruisseau étrange dont le cours est décidé par le hasard des écueils croisés.
J’ai seulement constaté que l’éclairage des années donne à mes souvenirs la couleur des saisons.
Avec le « temps de mince » qui sévit ces temps ci, la couleur en évidemment est mélancolique…
Cette odeur de viande grillée est repassée par mon nez, apportée sans doute par la fenêtre de la cuisine, toujours entrebâillée « à l’espagnolette »
Je me suis demandé d’où elle venait.
Ce n’était pas le canard que j’avais fait cuire quand Imaginer et Chéri sont partis de la maison.
Puis je me suis souvenu.
Cette odeur de viande qui cuit dans la poêle et prend cette fragrance due au gras laissé dans la viande, histoire d’en rendre le prix et l’odeur attrayants.
C’était celle de certains soirs où on attendait mon père.
Celle où il allait arriver, où il allait déposer un léger baiser sur la bouche de ma mère.
Quand c’était comme ça, elle lui disait « Bonsoir Lemmy. »
J’aimais bien les soirs où il y avait l’odeur de la viande dans la poêle et où elle appelait mon père « Lemmy ».
C’était mieux que les « soirs à soupe à alphabets ».
Ceux où elle appelait mon père « Gaby » d’une voix bougonne.
Les soirs de fin de mois précoce…
Il est très fort, ce Paul Auster, quand même…
10:22 | Commentaires (9)
Commentaires
Avant de lire le dernier je vais relire les autres, je suis fan.
Écrit par : mab | vendredi, 12 janvier 2018
J'aime Paul Auster et tes billets nostalgiques.
Écrit par : lakevio | vendredi, 12 janvier 2018
Comme Mab...!!!
Écrit par : mume | vendredi, 12 janvier 2018
je te le répète..... j'aime beaucoup tes souvenirs!
Écrit par : emiliacelina | vendredi, 12 janvier 2018
Ça fait bien longtemps que je n'ai pas lu Paul Auster, et je n'en ai pas une mémoire aussi vive que la tienne.
(celui qui m'a le plus marquée peut-être : Moon Palace) donc tu me donnes des envies de relecture.)
Avec ta maman, tu avais au moins très facilement la notion de l'atmosphère qui régnait à la maison .... j'aurais bien aimé, moi aussi, mais c'était le silence boudeur de ma mère qui était le plus déconcertant !!!
Écrit par : Sophie | samedi, 13 janvier 2018
Bonjour Mr le Goût , j' ai vu la photo de ton marbré chez" imaginer"
, ahah , çà , c'est de la pure drague , tu livres en Belgique ?
Écrit par : epalobe | samedi, 13 janvier 2018
Que de souvenirs...
Écrit par : Livfourmi | samedi, 13 janvier 2018
J'aime ta nostalgie, elle est très littéraire et photogénique.
Tu y es souvent excellent.
¸¸.•*¨*• ☆
Écrit par : celestine | samedi, 13 janvier 2018
En effet, faute de Paul Auster dans les parages, je lis le Goût des Autres et je suis bien contente. Hier soir, j'ai pensé à vous. Je voyais des scènes filmant Paris, du haut d'un toit (je ne sais où) et on voyait quelque fois la basilique ... (Elle est quand même plus belle que la nôtre). Je me suis dit "tiens, c'est par là que le Goût et Heure bleue habitent...)
Écrit par : Pivoine | samedi, 13 janvier 2018
Les commentaires sont fermés.