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lundi, 21 mai 2018

Un seul tome et j’ai ri…

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Il est six heures du soir, l'été.
Je sors juste de l’étude alors je passe et je repasse devant l’immeuble où elle habite.
Avant d’arriver au passage où j’habite, la voie la plus courte de Paris, je passe souvent par la colline de Montmartre.
Chaque fois que j’ai le temps, arrivé au bout de la rue du Chevalier de la Barre, je descends les escaliers du passage Cottin.
J’espère toujours la croiser.
Je sais qu’elle habite dans le passage. Je sais même où, à quel numéro.
Ce n’est pas le chemin le plus court pour revenir à la maison mais ces temps ci, c’est celui que je prends, celui qui me permettra peut-être de la croiser une fois encore.
On s’est croisé le mois dernier, dans la rue Ronsard, le fermoir de son cartable avait cédé, le rabat s’était ouvert.
En un ressac étrange une vague de livres et de cahiers s’était écoulée sur le trottoir.
Elle regardait ce désastre d’un air si malheureux que je n’ai même pas songé à rire.
Alors que d’habitude…
Mais comment rire du malheur d’une fille qui avait de tels cheveux et un tel regard ?
Alors j’ai posé mon cartable, me suis accroupi et ai commencé à ramasser les cahiers…
Elle a fini par s’accroupir à côté de moi et a commencé à ramasser les livres.
Quand j’ai pris le dernier crayon dans le caniveau, elle m’a dit « non, laisse-le il est tout trempé… »
J’ai dit « mais il suffit de l’essuyer ! » Je n’avais pas l’habitude de jeter un crayon neuf sous prétexte qu’il est mouillé.
Elle a eu encore ce regard désolé qui me chavirait « Mais c’est sale ! Si ça se trouve il est plein de pipi de chien ! »
J’ai haussé les épaules et remis à regret le crayon dans le caniveau.
Je le garderais bien mais j’ai peur d’avoir honte de ramasser quelque chose qu’elle jetait.
En vrai, c’est bête parce qu’il suffit de le rincer et de l’essuyer mais bon…
J’ai essayé de réparer le fermoir de son cartable mais ça n’a pas marché alors elle a pris le mien, j’ai tenu le sien dans mes bras et je l’ai suivie.
C’est comme ça que j’ai vu qu’elle habitait passage Cottin et que ce n’était pas si facile de descendre un escalier avec un cartable plein et ouvert dans les bras sans que les livres et les cahiers ne tombent.
Ce passage est moins sale que le mien et plus long mais les immeubles y sont aussi décrépits et noirs.
Dans le passage Cottin comme dans le mien mais comme dans le mien, dès que le soleil revient, le linge apparaît aux fenêtres.
Elle m’a rendu mon cartable, a pris le sien et m’a remercié du plus beau sourire que j’aie jamais vu.
Étourdi par ce sourire, je n’ai pas pensé un instant à lui demander « Comment tu t’appelles ? » Je suis un idiot.
Depuis, je passe aussi souvent que possible devant chez elle.
J’espère toujours la voir, chaque fois que j’ai vu en traversant le square, une fille avec des cheveux clairs et bouclés arrivant aux épaules, mon cœur fait un grand bond.
À force, mon cœur est ce qu’il y a de plus musclé chez moi.
Je ne l’ai jamais recroisée…

Commentaires

c'est bien, d'avoir un muscle cardiaque en pleine forme :-)
j'ai un ami qui vers ses 14 ans passait son temps libre à faire à vélo le tour du bloc de maisons, dans l'espoir de voir la gamine aux longs cheveux blonds croisée un jour :-)

Écrit par : Adrienne | lundi, 21 mai 2018

J'aime bien te lire, j'en apprends toujours plus sur toi.

Écrit par : heure-bleue | lundi, 21 mai 2018

Souvenir vrai ou inventé pour les besoins du "devoir", c'est bien joli.

Qui confirme que tu es un incurable romantique.

Écrit par : Sophie | lundi, 21 mai 2018

J'adore la remarque d'Heure Bleue !
ET j'adore ton texte qui évoque l'enfance, le décor qu'on ne voit pas mais qu'on n'oubliera plus comme les personnes croisées à cette époque qui faisaient briller les yeux et battre le cœur.

Écrit par : lakevio | lundi, 21 mai 2018

"aussi décrépits et noirs" : oui, on a oublié à quel point, avant la première vague du ravalement décidé par Malraux, les rues étaient bordées d'immeubles noircis...

Écrit par : Dame Marthe | lundi, 21 mai 2018

Du pipi de chien au mieux ! Certains coins de rue sont plus investis par les humains que les chiens. N'était-elle pas une inspectrice de la salubrité des immeubles ?

Écrit par : Vero | lundi, 21 mai 2018

Ah, elle habite le passage, il est vrai ! Autant pour moi.

Écrit par : Vero | lundi, 21 mai 2018

"Souvenirs, souvenirs
Je vous retrouve dans mon cœur
Et vous faites refleurir
Tous mes rêves de bonheur "

Ah que Yé !

Écrit par : alainx | lundi, 21 mai 2018

....pourtant.... ce que tu as pû avoir le cœur brisé! Il a bien fallu qu'il soit "costaud" !
Fais gaffe.... si celle-ci te lit ...elle va se manifester !
J'aime bien ton titre .... et ta note !

Écrit par : emiliacelina | lundi, 21 mai 2018

Allez, console-toi parce que (je vais casser le romantisme) si ce linge lui appartient, il n'a rien de sexy et glamour :-)

Écrit par : Praline | lundi, 21 mai 2018

Paris... toujours Paris...
on finira par le connaitre!!

Écrit par : Coumarine | lundi, 21 mai 2018

J'ai, comme toujours, savouré les jeux de mots de tes intitulés... et je me régale ! Je n'imaginais pas que les Parisiennes accrochaient leur linge aux fenêtres, même si c'est dans un temps révolu...
Tu as échappé à la fille aux cheveux clairs, et c'est bien puisqu'une flamboyante rousse attendait ta venue !

Écrit par : Gwen | lundi, 21 mai 2018

A propos de crayon, mon oncle a dit qu'il les avait oublié à Paris, ces crayons devant servir de lot pour la petite kermesse organisée pour son anniversaire. Tu en veux un ? J'adore le titre. Pour une fois que je le comprends.

Écrit par : julie | mercredi, 23 mai 2018

Les commentaires sont fermés.