Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 17 mars 2019

C’est le watt qu’il préfère…

Ouais, je sais Mab, je sais…

haut-parleur1015.jpg

Après avoir lâché un œil dans la bagarre, je décidai de m’intéresser à des choses moins risquées que la conquête de l’espace.
Oh, bien sûr je gardai quelques petits tubes pleins de produits.
Je les mis dans une de ces boîtes de bois, solides et soigneusement fabriquées, destinées à contenir des cubes de bois dont chacune des faces contenait un fragment de dessin et les oubliai là.
Ma période aérospatiale terminée, je me mis à regarder chez la marchande de journaux espérant y découvrir un nouveau Graal.
La marchande, « la mère Gueule » car elle s’appelait « Madame Gueule » m’avait à la bonne.
J’étais, hormis des passions dévastatrices comme la chimie et une curiosité parfois mal comprise, un petit garçon plutôt sage.
En plus, elle m’avait à la bonne car je ne lui volais pas de bonbons.
Je pense qu’elle n’a jamais su que c’était parce que je n’aimais pas ceux qu’elle vendait, il y avait essentiellement de la réglisse et je n’aimais pas la réglisse.
Elle me laissait fouiner dans ses rayonnages à la recherche d’un magazine qui m’intéressât et serait dans mes moyens.
J’ai trouvé ! Je réussis un jeudi à circonvenir mon père et il vint avec moi.
Il sortit les cent et quelques francs, des vieux francs d’avant Pinay, du prix de la revue.
Je me souviens d’un poste de radio en kit à monter soi-même dont je ne réussis jamais à obtenir tous les éléments.
Ni même à saisir l’essence du fonctionnement de la chose.
Néanmoins, je fus enchanté par quelques mots, pleins de mystère et de science.
J’appris en ce printemps 1959 des mots comme « potentiomètre ».
Mais un mot m’enthousiasma tant il me parut magique.
Je tombai raide dingue de « condensateur variable ».
Le mot « transformateur » me plongea lui-aussi dans un rêve sorti la lecture des romans de science-fiction.
Le mot « résistance » fut moins intéressant car dans les années cinquante, on entendait tous les jours parler de « résistance » à la radio…
Après avoir lu en détail, petites annonces et publicités comprises, je décidai que désormais je me livrerais au passe-temps peu dangereux de l’électronique.
L’expérience me montra plus tard que « peu dangereux » à l’époque des « lampes » était optimiste car les tensions nécessaires vous secouaient durement à la première maladresse.
En feuilletant la revue, je repérai une boutique qui vendait des « pièces électroniques »
qui avait un gros avantage : Elle n’était pas très loin de la maison.
Un samedi après-midi, je pris mon courage et mon franc à deux mains puis me rendis à la boutique.
Un homme assez jovial et avec un accent pas parisien du tout était derrière un comptoir.
- Alors mon lapin ? Qu’est-ce que tu veux ?
- Bonjour Monsieur… Je voudrais « le condensateur » s’il vous plaît, j’ai un franc.
Le monsieur rit, ouvrit un tiroir derrière lui, en tira une chose étrange, un petit tube de verre avec un fil à chaque bout et me le tendit.
- Tiens, mon lapin, je te le donne… Tu ne sais pas ce que c’est, n’est-ce pas ?
- Si ! Je l’ai lu dans le Haut-Parleur !
- Allez, file mon lapin…
- Merci beaucoup Monsieur !
J’étais à la fois heureux et déçu. Cette chose bizarre m’était totalement étrangère.
La porte du magasin refermée, j’ai voulu savoir comment c’était fait, ce qu’il y avait à l’intérieur.
 Alors j’ai posé « le condensateur » par terre et je l’ai écrasé d’un coup de talon.
Dans ce petit tube de verre, il y avait un peu de goudron à chaque bout et un rouleau fait de deux couches de papier et deux couches de papier d’aluminium intercalées et enroulées sur elles-mêmes.
J’ai relevé la tête.
Le monsieur me regardait et riait derrière la vitrine.
Des années plus tard j’ai appris des choses sur le sujet…