Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 11 septembre 2019

Intoxiqué au vain ?

la-facade-de-l-ecole-du-15-de-la-rue-turgot-a-paris.jpg

Peut-être qu’Heure-Bleue en me disant que Patrick Modiano a écrit un livre qui sortira en octobre y est pour quelque chose.
Un jour je repasserai rue Turgot.
C’est obligé.
Je profiterai de l’ambiance d’automne, elle est propice à mon but.
Il y a des choses que je pense avoir oubliées mais il m’est arrivé que l’ambiance convenant, elles me sautent de nouveau à la mémoire.
C’est important car je suis sûr que j’ai raté quelque chose.
Ce n’est pas un souvenir de lycée bien qu’il soit tout proche de cette rue.
Quoique… Mais non, c’est autre chose, quelque chose qui me touche de près mais s’est enfui de ma mémoire.
Ou bien s’y est caché, peut-être bien une sorte de déni, allez savoir…
En tout cas ça me rend mélancolique.
A priori il n’y a rien d’extraordinaire dans cette rue plutôt courte qui relie l’avenue Trudaine à la rue Condorcet et la rue de Rochechouart.
Elle part du square d’Anvers et va jusqu’à la petite place triangulaire formée par la conjonction de ces trois rues.
Je l’empruntais souvent pour aller prendre le 85 qui me ramenait chez moi.
Je pense souvent à cette rue, point n’est besoin de date précise, il y a eu quelque chose là.
Cette rue donc, a quelque chose.
La chose est entrée dans mon esprit et s’y est enterrée, j’en suis sûr.
Un « je ne sais quoi » important.
J’ai dû voir ou entendre quelqu’un qui m’a profondément marqué.
Tout ce que je sais c’est que je l’ai raté.
Mais non, ce n’est pas que ça, il y a autre chose je le sais.
Plus exactement je le pressens.
J’ai peut-être croisé quelqu’un que je connais, ou connaissais, et qui m’a marqué.
Quelqu’un que je n’ai pas revu depuis très longtemps.
On croise tant de gens dans une vie.
Cette rue n’a pourtant rien de particulier, elle descend en pente douce le flanc de la colline de Montmartre et, pour ce que je me rappelle, à part un grand bureau des PTT et un centre EDF, il n’y avait rien d’autre qu’une école primaire et quelques jolis immeubles.
Ah si ! Il y avait aussi une « maison de ville » vers le bas de la rue, avec un porche magnifique.
Un peu moins somptueux que celui de l’immeuble à côté mais beau.
Une chose est sûre, pour que ça ressurgisse en un souvenir flou dès que je pense à la rue Turgot ou quand je vais boire un café au square d’Anvers, ça m’a marqué.
C’est peut-être une nouvelle triste, allez savoir.
Peut-être que quelqu’un que je connaissais vivait dans ce coin et est mort au mois de mai.
Pourquoi au mois de mai, d’ailleurs ?
Ça doit être ça parce qu’habituellement, ce sont plutôt des souvenirs agréables qui me viennent quand je pense à ce coin.
J’y retournerai.
Je remonterai la rue jusqu’au pont qui enjambe le cimetière de Montmartre, descendrai jusqu’à la place de Clichy, puis le boulevard de Clichy.
Je passerai devant le Moulin Rouge, m’assiérai sur la margelle de la fontaine à Pigalle.
J’y resterai un moment, à me creuser la mémoire pour ramener à sa surface ce qui persiste à m’échapper depuis toutes ces années.
Puis, déçu comme chaque fois de mon échec, je me relèverai, époussèterai mon jean et  continuerai jusqu’à Anvers.
Je traverserai le square d’Anvers et, à la sortie de l’autre bout, je n’aurai qu’à traverser l’avenue et m’entêterai à descendre encore la rue Turgot.
J’en suis sûr, ça me reviendra un jour.
Un jour…
J’examinerai chaque immeuble, la maison, pas l’école ni la Poste ni EDF.
J’examinerai presque tout.
Je m’arrêterai au café où j’attendais le 85 et qui a changé de nom.
Peut-être même qu’au bas de la rue je verrai passer le 85 et il y aura le déclic. 
Je finirai par me rappeler.
Il est impossible qu’il en aille autrement.
Je ne peux pas laisser cette griffure sur ma mémoire se réveiller chaque printemps et chaque automne.
Mais pourquoi le mois de mai ?