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mardi, 07 janvier 2020

La petite porte du square…

Paris_XVIII_square_Paul-Robin.jpg

Le sujet du dernier « devoir de Lakevio du Goût » n’est pas arrivé par hasard.
Comme souvent, c’est l’image de cette allée du jardin du Sacré Cœur qui a ramené à la surface de ma mémoire cette petite porte.
Bon , je sais bien que ce jardin s’appelle « square Louise Michel » depuis qu’on s’est aperçu que le square  Willette glorifia trop longtemps un pisse-ligne antisémite.
Il était temps…
Cette « petite porte du square » fait mon admiration depuis la première fois que j’en vis une.
La première que je vis fus celle du square Clignancourt, ce havre grand bourgeois du quartier, entouré qu’il est d’immeubles haussmanniens magnifiques et fréquenté par des enfants « normaux ».
Entendre par là « Pas ces gosses mal élevés, cette graine de voyous de la Porte de Clignancourt ! »
Dès l’instant où j’y suis entré, tenant la main de ma mère car même ma grande sœur était trop petite pour qu’on la laissât aller seule traîner son petit frère dans les rues, je fus frappé par cette porte.
Je ressentis pour la première fois de ma vie cette tentation : Celle de comprendre « comment ça marche », ce signe terrible qui désigne ces âmes perdues, celles qui veulent comprendre et penser, pas celles qui doivent croire et accepter.
Je venais d’entrer dans le monde de ceux qui ne suivraient pas Saint Augustin dans la voie pernicieuse de ce « croyez et vous comprendrez ».
Qui aurait pensé qu’une petite porte de square suffirait à transformer un petit garçon sage en un petit garçon curieux et expérimentateur ?
La main tenu par celle qui me regardait et disait soudain, sans raison que je comprisse,    « Viens ma chair ! Viens mon sang ! » et me serrait sur son cœur qui était grand  et confortable, je suis entré dans le square.
Je fus saisi aussitôt par cette magie.
Ma mère poussa « la petite porte du square » et entra.
J’étais derrière elle et lui tenait la main.
Je me suis arrêté soudain et j’ai regardé le miracle : À peine lâchée par ma mère et sans aucune intervention que je pusse discerner, la porte revint à sa position initiale.
À l’époque, l’entretien en était fait régulièrement aussi quand la « petite porte du square » regagna sa position fermée, ce fut sans un bruit, à peine un rebond élastique et souple.
Ma mère me tira un peu plus fort et je la suivis, la tête tournée vers l’arrière, là où j’avais vu le miracle se produire.
Je l’ai revu souventes fois depuis et ai été enchanté de la simplicité des moyens mis en œuvre pour qu’il se reproduisît.
Et je me demande chaque fois que je vois ces « petites portes de square », arrivées à leur fin et remplacées par de nouvelles portes, pourquoi on les a « améliorées ».
Saisis par la frénésie de la « normalité », on a remis les « « petites portes du square » droites, leur axe perpendiculaire au sol.
L’axe n’étant plus non légèrement penché comme il sied, la pesanteur ne referme plus « la petite porte du square » mais reste dans la position où on l’a lâchée permettant aux enfants de s’échapper dès qu’un parent le perd de vue un instant et la photo le montre clairement…