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vendredi, 04 septembre 2020

J'espère faire plaisir à Alainx...

C’était la dèche.
La vraie dèche, celle des années cinquante…
Il est sorti de « la 3M » boulevard Sérurier et est allé jusqu’à la station de métro « Porte de Pantin ».
Il a tendu d’un air absent sa « carte de semaine » au poinçonneur.
Le disque rayé qu’il avait dans la tête lui répétait sans cesse « mais comment on va faire, bon dieu ? Comment on va faire… »
Il ne faisait pas chaud en ce soir d’avril et il gardait la main dans la poche de son pantalon, palpant les quelques pièces qui traînaient dans le fond de sa poche.
Quand la rame est arrivée à Gare du Nord il a sorti la main de sa poche et ramassé le « sac seau » bleu foncé posé à ses pieds, celui qui contenait son « bleu » et sa gamelle.
Dans le long couloir qui menait à la ligne « Porte de Clignancourt-Porte d’Orléans » il marchait lentement.
Il n’était pas seulement fatigué, il marchait lentement parce qu’il faisait bon dans les couloirs du métro.
Il se sentit mieux, au détour de l’embranchement « Direction Porte de Clignancourt » et eut même soudain ce petit sursaut de joie qui lui étreignait le cœur quand survenait quelque chose quand ce qu’il voyait lui redonnait foi en l’avenir, même si ces temps-ci l’avenir semblait plus fait d'une poignée de pâtes que de gigot d’agneau.
Les fleurs !
Ce sont les fleurs qui l’ont rasséréné.
Celles que la dame essayait de vendre, fleurs jetées en vrac sur une clayette qui tenait sur deux tabourets.
Il s’est arrêté, heureux de son idée.
Il était tellement sûr que ça lui ferait plaisir.
Il a regardé les branches de lilas déjà fripé.
Les jonquilles étaient tristes à pleurer, aux pétales déjà bruns.
Il a posé son « sac seau » sur l’asphalte du couloir et plongé la main dans sa poche.
Puis il les a vues.
Fraîches, il les a montrées à la dame et a demandé « elles sentent bon ? ».
La dame a saisi le petit bouquet et lui a mis sous le nez.
Il a humé longuement l’odeur de printemps, a serré les pièces dans la main qu’il a sortie de sa poche et dit « c’est combien ? » inquiet de n’avoir pas assez d’argent dans la poche.
La dame a regardé et a dit « ça ira, va… ».
Il a donné ce qu’il avait et est reparti d’un pas plus vif.
Il est descendu à « Simplon », a traversé le boulevard Ornano, a pris la rue Neuve de la Chardonnière, est passé devant le passage Kracher et a tourné à gauche un peu plus loin.
Il a monté les quatre étages et a frappé.
- Tiens ma poule. 
- Mais t’es fou Lemmy ! T’es fou ! Des violettes !
- Oui ma poule, des violettes.
- Mais enfin Lemmy ! On n’a presque plus de sous !
- Ça va aller ma poule, t’en fais pas… On s’en est toujours sortis…
Elle a soupiré et a eu ce sourire bizarre qu’elle avait parfois, celui avec juste les lèvres qui remuent.
Puis elle l’a embrassé et dit « allez, déshabille toi et viens à table… »

Commentaires

Imagine : un livre rien qu'avec ce genre de petites scènettes.
J'adorerais !

Écrit par : Ambre | vendredi, 04 septembre 2020

j'ai fait un lapsus (écripsus) mais je voulais dire "petite scène"

Écrit par : Ambre | vendredi, 04 septembre 2020

Nos parents ont compté les pièces, et d'autres continuent aujourd'hui.

Écrit par : Nina | vendredi, 04 septembre 2020

Tendre histoire et souvenir.....

Écrit par : manoudanslaforet | vendredi, 04 septembre 2020

Ton papa avait non seulement de l'humour mais aussi du cœur.

Écrit par : Yvanne | vendredi, 04 septembre 2020

C'est très bien écrit Le Goût. Ce texte déborde d'amour.

Écrit par : Yvanne | vendredi, 04 septembre 2020

Il se faisait souvent rabrouer ton père, mais il aimait sa femme, c'est touchant !

Écrit par : Fabie | vendredi, 04 septembre 2020

Au fait, pas de devoir ?

Écrit par : Fabie | vendredi, 04 septembre 2020

Si, il paraîtra demain matin.

Écrit par : le-gout-des-autres | vendredi, 04 septembre 2020

Encore une histoire touchante. Et si c''était ça le vrai bonheur ? Celui de Lemmy avec son bouquet de violettes. Celui de ta mère avec juste ce qu'il faut de sourire ? Celui de la vendeuse de 4 semaines devant les quatre sous sortis d'un fond de poche dont on sait bien qu'ils manqueront au bout ? Et dire que nous on courre aprés sans jamais le rattraper. Si seulement on savait le chercher, sûr, on le trouverait. Merci pour cette confidence au sujet de ton papa.

Écrit par : delia | vendredi, 04 septembre 2020

une histoire si belle qu'elle en donne des frissons

Écrit par : Adrienne | vendredi, 04 septembre 2020

C'est peut-être parce que c'est une histoire vraie et qu'elle s'est gravée dans ma cervelle de môme de l'époque.

Écrit par : le-gout-des-autres | vendredi, 04 septembre 2020

Adorable, ont savais apprécier, les petit gestes a l'epoque.

Écrit par : Rosy | vendredi, 04 septembre 2020

allez, déshabille toi ........
Ha, ha, je croyais que ça allait être autre chose la suite.
Des petits gestes touchants qui ont touché ta mère n'en doutons pas...Si mon père avait fait ça, je me demande comment ma mère l'aurait accueilli ? Hum...
ps : j'aimerais bien que mon mari ait de temps en temps ce genre de geste. Quand je lui fais remarquer "pourquoi c'est moi qui te demande toujours de m'acheter des fleurs, pourquoi ça ne vient pas de toi ?" "parce que tu peux te les acheter toi-même". A sa décharge, il adore me cueillir les roses du jardin..

Écrit par : julie | vendredi, 04 septembre 2020

Tu vois quand tu t'y mets !
Merci.
J'ai beaucoup aimé ce texte qui dit énormément d'une époque. Bien sûr il s'agit de tes parents. Mais au-delà tu as vraiment un talent évocateur en peu de mots justes, en quelques touches d'une réalité si finement observée.
Tu aimes les gens. Tu ne peux plus le cacher.
Merci bis.

Écrit par : alainx | vendredi, 04 septembre 2020

Mon histoire se situe en 1954... en mai précisément. Nous étions de jeunes mariés impécunieux parce que nos salaires étaient "confisqués" par une mère abusive (la mienne), qui nous logeait et gérait nos comptes, même si elle n'avait pas su gérer les siens avec sagesse...
Mon mari faisait les 3x8 dans l'usine chimique qui l'employait alors, mais il faisait en douce de la mécanique au noir chez un garagiste du quartier, et notre "chef comptable" l'ignorait.
Le 1er mai, il m'a offert un énorme bouquet de muguet si gros que je ne pouvais le tenir qu'à deux mains... et rien pour sa belle-mère bien évidemment.
Croyez-le ou pas : j'ai été si mal à l'aise devant la réaction maternelle que mon plaisir en a été totalement gâché. J'ai mis des années à m'affirmer devant cette statue du commandeur qui a fini par venir habiter chez nous quand nous avons acheté la maison dans laquelle je suis depuis 61 ans dans quelques jours. Puis j'ai fini par être la plus forte.
Nous sommes loin de l'histoire des violettes que Lemmy a offertes à ta maman, mais ça a été plus fort que moi : il fallait que ça sorte !

Écrit par : Gwen | vendredi, 04 septembre 2020

Tu as bien fait.
Il fallait que ça sorte.
Tu vois, tu grandis, finalement...

Écrit par : le-gout-des-autres | samedi, 05 septembre 2020

Que de tendresse dans cette histoire et tu la racontes si bien. Si bien que je me uis un peu évadée du stress des choses à finir avant jeudi prochain...
Je vous embrasse tous les deux.
Courage pour la goutte. J'ai eu une fois et je me rappelle combien c'est douloureux.

Écrit par : lakevio | samedi, 05 septembre 2020

Les commentaires sont fermés.