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jeudi, 03 septembre 2020

Monsieur Boulant.

Un jour Monsieur Boulant est mort.
Ça m’a fait de la peine car j’aimais bien Monsieur Boulant.
Il avait été « chef » dans une entreprise, « chef comptable » je crois.
Il en avait été poussé dehors car son métier s’accommodait mal d’une consommation excessive de vin.
Monsieur Boulant était notre voisin de palier et m’avait fait entrer chez lui un après-midi.
Oh, n’y voyez rien de risqué, c’est simplement que sa porte était ouverte car il était « occupé à « mi-étage ».
Que je vous dise, lectrices chéries, dans notre immeuble, il y avait souvent des clefs sur les portes et des portes ouvertes pour raison simple : Le « confort » était à mi-étage.
Trois appartements par étage, chacun mesurant environ vingt-cinq mètres carrés, soit un « lieu d’aisance » pour six appartements.
Ça me paraissait largement suffisant puisque l’école maternelle n’en offrait pas autant…
Monsieur Boulant, cet après-midi était donc « à mi-étage », j’ai regardé depuis la porte ouverte comment était sa maison.
On voyait, face à la porte, sa cuisine qui, comme chez nous était une sorte de boyau sombre à peine éclairé par une petite fenêtre au-dessus de l’évier et meublé d’un placard accroché au mur et d’une cuisinière à gaz « presque blanche ».
En tournant la tête, j’ai vu un salon qui me parut luxueux avec ses deux fauteuils de cuir et un buffet plein de sculptures, un peu comme  celui de ma grand-mère.
J’ai entendu la chasse d’eau alors je me suis reculé sur le palier.
Monsieur Boulant est arrivé d’un pas pesant, soufflant difficilement.
Il m’a souri de ses dents jaunies et m’a dit « Alors mon garçon ? Tu veux voir comment c’est chez moi ? »
Il m’a fait entrer et j’ai trouvé que chez lui il y avait de la place.
Puis je suis sorti tandis qu’il allait à la cuisine se servir du vin dans un verre comme celui de la cantine.
Comme disait ma mère « Lemmy ! Monsieur Boulant boit ! »
Mon père, lui disait « Ma poule, je ne suis pas une boule en bois ! » et elle haussait les épaules en levant les yeux au ciel.
Mais c’était vrai que Monsieur Boulant buvait.
Il y avait des matins où, quand ma grande sœur partait à l’école, elle ouvrait la porte et criait « Maman ! Le père Boulant a encore « dég…vomi sur le paillasson ! »
Il n’empêche que « le père Boulant » m’a donné un jour les quelques francs qui manquaient pour acheter un vieux machin aux Puces du Marché Malik.
Il était gentil Monsieur Boulant.
C’est peut-être pour ça qu’il buvait beaucoup de vin.
C’est du moins ce que disait mon père.
Ma mère était moins indulgente.
Un jour, la porte de Monsieur Boulant est restée ouverte trop longtemps.
Ma mère a dit à mon père « Quand même, Lemmy, c’est ouvert depuis hier soir, tu devrais aller voir. »
Mon père est allé voir, il est revenu à la maison et a dit « Empêche les enfants d’aller voir, je descend téléphoner aux flics, le père Boulant est mort… »
Des gens sont venus, bruyants, j’ai entendu des craquements et ils l’ont emmené dans un grand cercueil de bois peint en ce « marronnasse » des couloirs de commissariat de l’époque.
J’y pense encore parfois, « au père Boulant ».
Il avait un gros manteau comme on en voit aujourd’hui dans les films sur « l’Occupation », de ces gros manteaux de laine, lourds, épais et rêches.
Il était gentil Monsieur Boulant.

Commentaires

tu nous fais une ambiance à la Simenon, dis donc :-)

Écrit par : Adrienne | jeudi, 03 septembre 2020

tu n'as jamais songé à écrire un livre ?

Écrit par : Ambre | jeudi, 03 septembre 2020

Tu veux rire ?
Non seulement il faut avoir quelque chose à dire mais en plus il faut savoir le dire !

Écrit par : le-gout-des-autres | jeudi, 03 septembre 2020

Les personnages de l'enfance t'ont marqué toi aussi ! ;-)
Si ton père avait des réparties comme celle que tu cites, vous ne deviez pas vous ennuyer. J'adore !

Écrit par : Yvanne | jeudi, 03 septembre 2020

Mon père avait des réparties bien plus frappantes encore.

Écrit par : le-gout-des-autres | jeudi, 03 septembre 2020

Je trouve que tu te débrouilles plutôt pas mal pour quelqu'un : je cite "qui n'a rien à dire et ne sait pas le dire".
Moi elle m'arrache les tripes ton histoire de père Bouland. Je la trouve triste car c'est avant tout l'histoire humaine d'une solitude. La boisson venant souvent en compensation, pour oublier justement. Ton père avait beaucoup de compassion en plus de belles réparties qui sonnaient juste tout de même.
J'ai beaucoup aimé comment tu nous as raconté cette histoire.

Écrit par : delia | jeudi, 03 septembre 2020

Juste une petite chose : elle me fait penser au film "le Hérisson" avec Josiane Balasko cette concierge qui a une histoire incroyablement mystérieuse.

Écrit par : delia | jeudi, 03 septembre 2020

C'est bien d'avoir ces souvenirs et de partager avec nous cette ambiance particulière du temps des toilettes partagées, ce que j'ai connu lorsque j'allais en vacances chez mes grands-parents paternels.

Écrit par : Fabie | jeudi, 03 septembre 2020

Tu as dû avoir les boules, non ? ;-)
Oui je sais, elle est facile...
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆

Écrit par : celestine | jeudi, 03 septembre 2020

Voila, le Gout , un bien joli portrait de ce Monsieur Boulant qui aura vécu d'une manière atypique et assez répugnante , il me fait songer au docteur Petiot ...

Écrit par : Jerry OX | jeudi, 03 septembre 2020

Tu sais nous faire aimer un inconnu, qui de ce fait ne l'est plus.
Cela s'appelle un talent de mettre en scène.
Ce n'est pas la première fois que tu pousses à l'émotionnel pudique.
Des textes de cette qualité on en redemande.

Écrit par : alainx | jeudi, 03 septembre 2020

qu il repose en paix

Écrit par : ang/col | jeudi, 03 septembre 2020

Oui, très beau texte

Écrit par : Anonyme | jeudi, 03 septembre 2020

Ah! Tu vois !
Je ne dis pas n'importe quoi, quand même !

Écrit par : Ambre | vendredi, 04 septembre 2020

Nous avons tous dans nos souvenirs des gens qui, faute de mieux, se consolaient à la bibine d'une vie sans intérêt, et qui, comme M. Boulard, étaient souvent trop gentils...

Écrit par : Gwen | vendredi, 04 septembre 2020

Des appartements de 25m2....
Unecuisine qui était un boyau noir
J ai connu ça quand j étais toute petite

Quand j’avais 20 ans je logeais d’qu un studio meublé (« repris » car mon collègue de travaiql ls
quittait pour vivre avec sa propre,et j avais une salle d eau, avec w c
Apres deux déménagements (les aléas de la vie) mon compagnon et moi emménagions dans un immeuble à Montrouge, au 4ème sans ascenseur dans un une pièce cuisine ace ce week-end sur le palier, loyer minime, plus que minime.
Nous avons demandé et obtenu de la propriétaire l autorisation d installer à nos frais un chauffe eau et une douche.
Elle donna son accord, puisque nous payions tout.
A peine descendus, dehors dans la rue j ai dit à mon compagnon «  t es certain tu sais installer un chauffe eau et une douche ? »
« Mais bien sur « 
Je lui ai fait confiance
J avais raison. Il savait. Il l a fait.
Nous sommes restés deux ans
J ai vécu très heureuse en ce lieu
Grâce au faible loyer nous pûmes économiser de quoi louer un trois pièces très agreable, ou je fus heureuse pendant plus de dix ans....avec tout le confort,
Ce petit deux pièces de Montrouge, cependant, j y fus heureuse ,et j en avais conscience

Pourtant quand nous y sommes arrivés il avait quelques points communs avec ce que vous décrivez.
Autres temps

Pourtant quand on y pense, ça fait un peu glauque
Il faut dire que c était en 1975.... et j étais une jeune fille
Ça change bien des choses

Merci mon Dieu
. Pour tous les moments où nous avons été heureux
. Pour tous les logements, qui, aujourd’hui, sont nettement plus accueillants et bien équipés

Et que ma joie demeure


Bicounette87.canalblog

Écrit par : Bicounette87 | vendredi, 04 septembre 2020

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