vendredi, 05 avril 2024
« Adamacane et mon chapeau »
Pourquoi cette bizarre locution revient maintenant à ma mémoire ?
Parce que c’est au début avril 1988 que mon père est entré à l’hôpital.
Pas n’importe où, non, à l’hôpital Saint Joseph, dans un des quartiers de Paris encore plus ch… que celui où nous vivons aujourd’hui.
Pour en revenir à « Adamacane et mon chapeau » c’est une expression typiquement « pied noir ».
En substance ça veut dire « bon, il faut que je m’en aille, donne-moi ma canne et mon chapeau. »
Mon père n’avait ni canne ni chapeau…
Il était couché là, tuyauté de partout.
Il ahana :
- Tu te rends compte, ma poule ?
- Quoi donc, Lemmy ?
- J’ai rêvé…
- Ah ? De quoi ?
- J’ai rêvé que je faisais ma valise et mettais mon chapeau !
Elle a eu d’un coup l’air inquiet.
- Ouais ma poule…
Il souffla –il soufflait difficilement- et reprit :
- Mon chapeau, j’ai jamais mis de chapeau…
Ma mère est allée dans le couloir m’a fait signe de venir et m’a dit :
- C’est pas bon ça, mon fils…
- Quoi donc ?
- Ton père.
- ???
- Il fait ses bagages, c’est pas bon, il part…
- Mais non allons, allez maman, il faut que j’aille travailler.
Le lendemain matin, ma mère a demandé à Heure-Bleue :
- Tu veux bien aller voir ton beau-père ? Tu es sa préférée.
- Ah non ! Cette nuit j’ai rêvé qu’il mourait en buvant du chocolat !
- Bon, ben j’y vais…
J’ai dit « tu vois bien qu’il est vivant ! »
Puis on m’a appelé au bureau où j’étais de retour depuis peu des États Unis.
Je suis allé à l’hôpital où j’avais passé les deux ou trois nuits précédentes.
Il me réveillait régulièrement.
Je lui ai dit, un matin :
- Tu as réussi à dormir cette fois, papa.
- Non, fils ! C’était un petit coma !
Là, quand je suis arrivé l’infirmière m’a attrapé dans le couloir.
- Vous savez…
- Je pense…
- C’était prévisible, hier soir il tirait son drap avec les doigts recroquevillés…
- ???
- C’est toujours le signe…
- De ???
- Quand ils veulent se recouvrir du drap, c’est qu’ils vont mourir…
Je suis allé retrouver ma mère dans la chambre.
- Ton père est mort en buvant le chocolat qu’il m’avait demandé…
Bref, ma mère savait qu’il allait mourir.
J’étais marié avec une sorcière, rousse aux yeux verts comme il se doit pour toute sorcière, qui savait comment mon père allait mourir.
Le seul qui, comme d’habitude pensait que ça durerait encore, c’était moi.
La lumière de mes jours remarquait platement ces jours-ci :
- Tu rêves souvent de ton père, presque jamais de ta mère…
- Il me comprenait mieux, sans doute…
11:41 | Commentaires (4)
Commentaires
Faut s'taper la kémia avant d'aller à tataouine !
Écrit par : Nina | vendredi, 05 avril 2024
C'est flippant ces rêves prémonitoires. je suis du genre à en faire pas mal. Par exemple, celui ci sans importance et sans aucune source d'angoisse pour moi. La nuit j'avais rêvé que Pompidou était mort. Nous l'apprenions le matin même. D'autres me hantent fréquemment, je sais alors ce qui m'attend.
Écrit par : delia | vendredi, 05 avril 2024
ça peut arriver et ça fait peur, on a peur de rêver la mort d'autres personnes...
rêver de nos morts, c'est moins grave et ça veut dire qu'ils sont encore un peu présents, ne serait-ce qu'en nous ;-)
Écrit par : Adrienne | vendredi, 05 avril 2024
Je n'ai jamais douté qu'heure-bleue fût un peu sorcière...
Mais ta sorcière bien-aimée, évidemment ;-)
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Écrit par : Célestine | lundi, 08 avril 2024
Les commentaires sont fermés.