samedi, 06 avril 2024
Le blet en herbe…
Adrienne me donne aujourd’hui, avec sa générosité habituelle, de quoi vous dire quelque chose.
Grâce à une question qui traite d’une vieille bluette qui court les bouquins et les discours depuis que les premiers vieux ont vu la génération suivante prendre les rênes qu’eux-mêmes avaient bien du mal à lâcher.
Je parle là de ce fameux « Âge d’Or » dont tout personne qui a du mal à monter les escaliers rebat les oreilles du gamin qui la double sans souci dès la première volée de marche.
En langage du XXème siècle cet « Âge d’Or » est devenu « C’était mieux avant ».
Il m’arrive dans des circonstances qui concernent essentiellement mes genoux, les escaliers ou le ramassage d’un paquet échappé, de penser « C’était mieux avant ».
Comme il m’arrive d’être raisonnablement malhonnête, je dois avouer que la phrase complète que j’ai pensée est « C’était mieux avant quand je n’avais mal nulle part, que je montais les escaliers en courant et que j’étais assez vif pour rattraper le verre au vol avant qu’il n’arrive sur le carrelage de la cuisine ».
Cette phrase si souvent entendue a quelque chose d’agaçant.
D’abord parce qu’elle montre un manque de mémoire et de jugeote confondant.
Ce manque de jugeote qui fait qu’on ne pense pas que nombre de petits malheurs s’appellent « vieillir » et que la mécanique se grippe plus facilement quand on est à la retraite que quand on est à l’école primaire.
Quant au manque de mémoire, il est patent !
Nous ne connaissions pas encore le deuil, nous connaissions quasiment que des vivants, nous jouions avec tout ce qui nous semblait intéressant et quasiment tout nous semblait intéressant, sauf aller vider la poubelle parce que ça ne sent pas bon.
Comme toujours, si on se plaint de ses malheurs, ceux de la génération précédente nous laissent de marbre.
Qui se rappelle sa mère lavant le linge dans une lessiveuse ?
Qui se rappelle, s’il a eu une grand’mère « à la campagne », celle-ci allant rincer le linge au lavoir de la commune, même l’hiver ?
Qui se rappelle qu’il n’y avait ni lave-linge, ni lave-vaisselle, que l’aspirateur était rare, qu’il fallait faire attention à tout ce qu’on achetait et peser soigneusement le risque de devoir jeter le surlendemain des produits frais parce qu’on avait surestimé l’appétit de la famille et qu’ils étaient alors corrompus ?
Tous ces progrès du quotidien qui ont rendu notre vie plus facile que celle de nos parents ou grands-parents, nous les avons oubliés et nous geignons.
Quelques comportements inacceptables depuis toujours semblent toutefois plus fréquents.
Quand nous nous chamaillions, dès qu’un nez saignait, qu’une lèvre était fendue ou qu’un bras semblait de travers, le combat s’arrêtait, on n’achevait pas le vaincu à coups de pieds dans la figure.
Les entreprises avançaient, parfois cahin-caha mais l’employé n’était pas réduit à une ligne comptable.
Ça m’agace d’entendre ce « C’était mieux avant » alors que quand je suis né, le conflit qui avait cessé quatre ans auparavant avait causé la mort de soixante millions de personnes, le déplacement de cinq-cents millions de personnes et de graves conséquences psychologiques à un milliard d’humains, soit près du tiers de la population mondiale !
Bref, on ferait mieux de s’assurer que « après serait mieux qu’aujourd’hui » et d’abandonner ce comportement généralisé qui par sa bêtise, sa cupidité et le goût maladif de la compétition entraîne le monde à sa perte…
10:42 | Commentaires (17)
Commentaires
Je trouve qu' aujourd'hui, c'est comme avant ! Violences, guerre à la frontière, pauvreté qui font fi de nos souhaits de calme et bonne volonté. Le monde tourne en boucle.
Écrit par : Nina | samedi, 06 avril 2024
Attend. Etant chenue et tirant bravement mon charriot plein de courses, je m'accorde de mini-pauses pour regarder autour de moi. On se précipite pour me demander si je fais un malaise ou si j'ai besoin d'aide !! Je me confond en remerciements, m'excusant de me débrouiller encore seule :). Tu vois, il y a de l' entraide ...comme avant.
Écrit par : Nina | samedi, 06 avril 2024
Ça m'est arrivé aussi quand, essoufflé par des années de clope, je m'étais appuyé contre un lampadaire et qu'une jeune femme m'a demandé "Monsieur, vous allez bien ? Vous avez besoin d'aide ? "
Écrit par : le-gout-des-autres | samedi, 06 avril 2024
Une jeune femme vient à ton aide ? Prend !!
Écrit par : Nina | dimanche, 07 avril 2024
J'ai lu aussi l'article d'Adrienne, dans mon commentaire, j'évoque aussi la vie de ma mère j'arrive à la même conclusion que toi. "on ferait mieux de s’assurer que « après serait mieux qu’aujourd’hui » et d’abandonner ce comportement généralisé qui par sa bêtise, sa cupidité et le goût maladif de la compétition entraîne le monde à sa perte…"
Écrit par : delia | samedi, 06 avril 2024
non, ce n'était pas mieux avant, pas du tout!
Écrit par : Adrienne | samedi, 06 avril 2024
Je lis l'échange entre les oiseaux. Dans mon supermarché, les caissières disent: "Bonjour! Vous avez la carte fidélité?" :))
Écrit par : Nina | samedi, 06 avril 2024
Non, je suis bien de l'avis d'Adrienne : ce n'était pas mieux avant, sauf que nous étions plus jeunes et que nous vivions sans maux ni prothèses.
Me voilà texane pour quelques jours et j'ai retrouvé ma vieille copine Joyce, qui était si alerte et avalait les miles de son pas énergique... Cinq ans et le covid plus tard, la voici une vieille chose qui se déplace avec un déambulateur : alors là oui, c'était mieux avant
Écrit par : Gwen | samedi, 06 avril 2024
C'est l'esprit de mon billet : Ce n'était mieux avant que parce que nous étions jeunes et avions des articulations et des muscles en parfait état de marche.
Sinon, ce n'étit pas mieux avant, et ça depuis de centaines de millénaires... ;-)
Écrit par : le-gout-des-autres | dimanche, 07 avril 2024
Ok !
Écrit par : Nina | dimanche, 07 avril 2024
Les progrès techniques nous ont bien facilité la vie !
Nous venons de passer 5 jours sans eau chaude, pas top, mais mieux que pas d'eau du tout !
Par contre comme tu dis, avant les rixes entre jeunes ne faisaient pas de morts...
Écrit par : Fabie | dimanche, 07 avril 2024
Si je comptabilise la vie de mes parents, beau-parents et la mienne... 2 guerres mondiales, la guerre civile d'Espagne, la guerre d'indépendance d'Algérie. Il n'y a que mon côté Suisse qui s' en tire pépère (les banques n'aiment pas le désordre).
Écrit par : Nina | dimanche, 07 avril 2024
L'avantage d'avoir perdu mes muscles à 12 ans, et des articulations défaillantes dans les années suivantes : c'est que j'ai rapidement opté pour un autre slogan : « ce sera mieux après » . Maintenant que je suis septuagénaire je dis toujours ce sera mieux demain. Et globalement ça se confirmerait plutôt…
Vive les tordus dans mon genre dès leur jeunesse ! L'espérance c'est leur moteur quotidien !
Écrit par : alainx | dimanche, 07 avril 2024
" Ce n'était mieux avant que parce que nous étions jeunes et avions des articulations et des muscles en parfait état de marche."
La réponse que j'ais écrite au départ c'était :
"Ce n'était mieux avant que parce que nous étions jeunes et avions des articulations et des muscles en parfait état de marche, sauf pour Alainx."
Mais j'ai craint être cruel.
Écrit par : le-gout-des-autres | dimanche, 07 avril 2024
Au "sauf pour Alainx"... tu aurais pu ajouter et pour toutes les jeunes victimes de la polio dans les années 1950/60. Cela eut été plus réaliste que cruel !
Écrit par : alainx | dimanche, 07 avril 2024
C'est sûr, néanmoins peu de ces victimes lisent mon blog et c'est bien à toi que je pensais.
(et je pense qui les clons de la mairie de mon coin n'avaient pas exigé la vaccination contre la polio, on aurait probablement pu être tous deux en fauteuil roulant... parce que la poli a frappé plein de monde quand j'avais une douzaine d'années)
Écrit par : le-gout-des-autres | lundi, 08 avril 2024
J'ai plusieurs fois présenté le livre que j'ai écrit sur cette période de ma vie dans divers « Rotary Club » qui mènent depuis bien des années des actions Internationales pour l'éradication de la polio. Dans le débat qui suis ce genre d'intervention les propos d'un membre m’ont amusé : «Monsieur, c'était intéressant, et puis c'est la première fois que je vois un polio en vrai, ça me donne l'envie d'en faire encore plus ». J'avais répondu à peu près ça : ça me donne envie d'être toujours donateur.
Si le sujet t'intéresse voir ici :
https://www.rotary.org/fr/our-causes/ending-polio
Écrit par : alainx | lundi, 08 avril 2024
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