mardi, 28 mars 2006
Après l'homme sandwich, l'homme yaourt...
Maaaâme Rose-Marie VAN LERBERGHE
Je vous écris de vive voix ce petit mot qui, je l'espère vous fera plaisir.
Suite à la visite (forcée) d'un de vos établissements qui, quelques décennies plutôt, faisaient l'admiration du monde entier, je me vois contraint de faire quelques remarques.
Je conçois bien, comme l'a dit celui qui était au gouvernement quand vous fûtes nommée, que "si la santé n'a pas de prix, les dépenses de santé, elles, ont un coût".
Vous êtes une femme intelligente, vous avez suivi une "formation supérieure", votre cursus est remarquable, vos études aussi, qui vous ont conduite à l'agrégation de philo, via Normale Sup, puis Sciences Po puis, l'ENA, études brillantes, certes, mais financées entre autres par mes impôts.
Néanmoins, un petit quelque chose me dérange dans votre approche de la santé publique, et surtout son but.
Votre CV, qui mentionne entre autres un passage chez Danone, semble vous avoir fait oublier que l'hôpital n'est pas une usine et que les gens qui vont s'y faire soigner ne sont pas des pots de yaourt dont on doit considérer avant tout les coûts de fabrication.
Vous semblez avoir oublié, de la même façon, que les gens qui y travaillent ne sont pas des tâcherons toujours trop chers et toujours trop nombreux.
Ces petits "détails", comme dit Le Pen, ne vous troublent pas, vous qui, probablement, bénéficierez de soins attentifs, entièrement financés par nos soins, si vous souffrez d'une quelconque affection.
Si tout se passe bien, vous irez vous faire soigner, aux frais de la Sécu bien sûr, à l'hôpital américain de Neuilly.
Bref, tout ceci pour vous dire qu'il serait sans doute plus judicieux que vous retourniez à vos yaourts et que, surtout, vous ne veniez plus "réformer" un système de santé qui fonctionne déjà mal grâce aux améliorations apportées par des gens qui pensent comme vous.
Si ce système fonctionne mal, rappelez-vous que c'est parce que des gens comme vous, obnubilés par la rentabilité, utilisent leur pouvoir pour le démanteler, comme si la santé publique devait être rentable...
Couper les financements pour diminuer les prélèvements de ceux qui ont déjà presque tout au détriment de ceux qui n’ont presque rien a déjà un petit quelque chose scandaleux.
Expliquer en sus que si les sous sont bouffés, c’est à cause de ces salauds de pauvres qui se paient le luxe d’être malade sans en avoir les moyens est franchement immonde.
Quand vous remarquez qu'un infarctus aigu "coûte à Beaujon ou à Henri Mondor 32% plus cher que la moyenne nationale ", manifestement ce que ça coûte au malade ne vous effleure pas.
Si je puis me le permettre, dans le but d'améliorer l'efficacité de notre système de santé, je vais vous donner une solution qui me paraît efficace:
Plutôt que soigner les gens en regardant combien ça coûte, regardez leur carte d'identité et faites comme un garagiste:
Trop vieux ? -> Laissez tomber la maintenance !
Traitement lourd ? -> Vérifier si le patient est pauvre ou chômeur, dans ces deux derniers cas pratiquez l'euthanasie.
Sinon, s'assurer que le patient fait partie d'une caste qui vaille le coup, si c'est un smicard, vu le nombre de chômeurs, il sera aisément remplacé, ça fera une économie et en plus ça améliorera les comptes des caisses de retraite.
Tout comme l’état rêve d’une cigarette sans tabac, sans fumée, sans cancer mais avec juste les taxes, vous rêvez d’une Sécu sans hôpitaux, sans personnel, sans malades, avec juste les cotisations.
Quelques années de ces pratiques feraient de la Sécu une entreprise florissante et tout à fait apte à réveiller l'appétit des investisseurs au point que les OPA seraient légion.
Votre rêve, non ?
10:05 | Commentaires (8)
dimanche, 26 mars 2006
Rétifs aux réformes...
Ca fait longtemps que je ne vous ai pas parlé de J.M.Sylvestre et de son obsession des réformes.
Eh bien, figurez-vous que ce chantre de l'"ownership society" fait des émules jusqu'aux plus hauts niveaux de l'Etat.
Comme tout un chacun j'ai entendu parler du CPE, auquel mon âge canonique me permet d'échapper au profit du CNE, qui propose la même chose mais aux plus de 26 ans...
Ce CPE, donc, avancée phénoménale du droit du travail, n'est pas sans rappeler l'époque bénie de la reine Victoria, dont la pratique sociale était si attrayante que, sans elle, les travaux de l'économiste Karl Marx ne seraient qu'une thèse de plus sur les étagères de la Bodleïan, célèbre bibliothèque de l'Université d'Oxford.
Outre le fait que si un employeur n'est pas fichu de savoir en moins de deux ans si un employé lui convient, c'est assez inquiétant pour l'avenir d'une boîte qui doit compter sur le discernement de son patron, il est tout aussi inquiétant de lui permettre de jeter quelqu'un en ayant aucun compte à rendre, sauf à sa conscience,
et il n'est pas garanti qu'il en ait une...
Pour en revenir au CPE, on nous a donc ressorti la sempiternelle chanson sur "ce peuple qui refuse toute réforme et est assis sur ses avantages acquis" selon la formule consacrée.
Aucun ne s'est demandé quelles réformes seraient acceptables pour les habitants d'un pays qui est tout de même dans le peloton de tête du PIB par habitant (on nous a même fait le coup de "la Chine qui nous a dépassé" en oubliant que le PIB/habitant est de 4500$ en chine contre 28000 $ en France, et les écarts de revenus en Chine sont autrement importants qu'en France où ces écarts augmentent depuis 25 ans ).
Bref, aucun des brillants cerveaux qui nous gouvernent ne s'est rendu compte que si "réforme" veut dire retour à marche forcée vers le XIX ème siècle, il y a peu de chances que le bon peuple qui crée ces richesses soit enthousiaste.
Qui peut sérieusement, hormis un actionnaire ou un fonds de pension américain, acquiescer à la diminution de la protection sociale ?
Qui, à part les mêmes, peut envisager joyeusement d'être jeté du jour au lendemain de son travail selon l'humeur de l'employeur ?
Qui peut croire que c'est bon pour l'entreprise et son personnel, direction comprise, d'exiger de l'investissement un rendement 15% dans un pays dont le taux de croissance est de 1.5% ?
Qui peut croire nos économistes quand ils affirment que "le salaire minimum est un frein à l'emploi." ?
Il n'y a d'ailleurs, à ma connaissance, aucun texte qui interdise de payer au delà du SMIC, ce qui rend encore plus inqiétante cette remarque et la "réforme en question".
Ils font pourtant des efforts louables pour nous les faire accepter, ces fameuses réformes...
Hormis notre Premier Ministre, qui est persuadé que le Parlement est fait pour s'asseoir dessus, des chefs d'entreprise passent régulièrement à la télévision ou nous causent dans le poste pour nous expliquer leur douloureuse condition de patron, pleurent sur les risques qu'ils prennent pour entasser des milliards d'euros alors qu'ils seraient vachement plus tranquilles à la place de ces fainéants d'employés qui font rien qu'à prendre des RTT pour manifester.
En fait, ils nous accusent tous de frilosité et de manque de courage alors qu'ils n'ont même pas le cran de nous annoncer clairement qu'ils veulent retourner à l'époque bénie (pour eux) des Maîtres de Forges et du patron de droit divin, époque où un "bon" gouvernement (surtout pas le front populaire) pouvait renvoyer les gens au travail au bout du fusil...
Nos élus nous accusent de manque de courage alors que ce sont eux qui manquent de c... !
Ils se font élire sur des programmes qu'ils n'appliquent pas et appliquent des programmes pour lesquels ils n'ont pas été élus.
Ce n'est pas nouveau, mais le sommet est atteint depuis 2002, où J.Chirac, élu avec 82.6% des suffrages, en déduisit que la France était chiraquienne alors qu'elle voulait en majorité évincer Le Pen...
Avec sa formation, en arriver à confondre un succès contre l'extrême droite avec le triomphe de la droite ultralibérale, c'est une insulte à la qualité de l'enseignement de l'ENA...
Finalement, c'est eux qui devraient être réformés...
17:45 | Commentaires (9)
samedi, 11 mars 2006
les paradis artificiels...
Je vous fais part d'une nouvelle qui devrait bouleverser les foules.
J'ai passé le précédent week-end aux urgences de l'hôpital Tenon.
Ca vous la coupe, hein ?!
C'est là que j'ai pu apprécier tout le sel des dernières modifs de la loi en matière de santé publique.
Les gens qui vous accueillent sont absolument charmants, stressés et surbookés mais charmants. Ils font vraiment tout ce qu'ils peuvent pour vous aider. Petit problème: Ils peuvent peu. De suppressions de lits en réductions de personnel, ils vous donnent ce qu'ils peuvent: Leur humanité, leur compétence, leur dévouement aux gens qu'ils reçoivent.
Les locaux ressemblent assez à la Cour des Miracles: Exigus, cinq brancards dans une salle minuscule, si serrés qu'ils empêchent les internes de circuler convenablement entre eux.
Mais bon, il y a un progrès indéniable: Le traitement de la douleur.
Il faut avouer que des avancées considérables ont été faites en la matière, si, avec les modifications de la protection sociale, on laissait les gens souffrir il y aurait une révolution.
Qu'on les renvoie chez eux sans les soigner en attendant la libération d'un lit, soit, mais qu'on les renvoie chez eux souffrant, c'est un coup à faire écharper le ministre de la santé par les familles du patient !
Bref, après que Douce Moitié eût expliqué mon cas (bien incapable de l'expliquer moi-même, plié que j'étais sur mon lit de douleur), un interne me fit injecter un anti-douleur quelconque. Il revint un quart d'heure plus tard pour savoir comment je me sentais.
- Comment noteriez vous votre douleur ?"
- Entre insupportable et... insupportable !
- Une notre entre 0 et 10 !
- Ben...12 !
- Bon, on va vous injecter 2 mg de morphine, ça devrait aller mieux d'ici 5 minutes...
Le charmant interne revient au bout de 10 minutes et me pose la même question;
Votre serviteur lui sert la même réponse.
Tout cela jusqu'à ce que l'on m'injecte 14 mg de morphine...
Et là, surprise: Je n'ai plus mal !
Mais, car il y a un mais, la morphine a des effets secondaires qui poussent à se demander pourquoi il existe un marché illégal du produit.
Des vomissements tels qu'on pourrait revendre sa bassine au forum des halles !!
La prochaine fois, je délaisserai le haricot au profit d’une boîte Tupperware, c’est plus pratique pour la revente…
J'avais entendu parler de la morphine comme d'un produit qui vous faisait voyager, "au Pérou" disaient les uns, "le pied" disaient les autres. En fait, d'expérience, on est "dans le pâté" !
On déjante complètement, on fait et dit des trucs tout à fait hors de nature avec ce qu'on fait habituellement. On est malade, on vomit, on est persuadé que le médecin qui s'occupe de vous va vous tirer votre pyjama pour le vendre.
Bref, les paradis artificiels, c'est l'enfer...
En conclusion, je veux qu’on me plaigne !
10:09 | Commentaires (27)