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samedi, 12 juin 2010

Tout sur ma mère

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Je vous ai déjà parlé de ma mère ?

Non ? Il me semblait bien que non.
Eh bien je vais continuer encore un instant…
Et vous parler plutôt d’une sombre histoire de blouse bleue et de pull-over vert.
Et c’est là que vous allez voir que Mr Sabatier –mais non, pas celui de la télé, l’autre, celui de l’Académie- est un aimable narrateur avec ces histoires d’allumettes suédoises mais bien loin d’avoir l’envergure littéraire de votre serviteur.
Donc, cette histoire de blouse.
Quand feue ma mère (on dit pas « ma maman disparue » aujourd’hui ?) sous le prétexte futile d’une dégradation monstrueuse de mon langage dès l’entrée à « la grande école », décida qu’il n’y avait rien de mieux pour mon avenir que m’envoyer passer quelques années chez les Maristes.
Une vraie bande de fondus, ces derniers, mais bon, on n’avait pas le droit de dire « merde », ni « con » ni « chier », bref, le goulag…
Il faut avouer que déjà Le-goût-des-autres perçait sous Minou comme disait Victor.
La maternelle à peine quittée, un trimestre avant mon sixième anniversaire, j’échouai pour une semaine en CP avant que d’être envoyé en CE1 pour cause de brillance intellectuelle.
Cette dernière, en moins d’un mois, s’avéra un leurre. J’apprenais en effet plus aisément le langage du charretier que celui de Molière.
Suite à une remarque à ma mère assez peu élégante pour qu’elle la ponctuât d’une calotte, il fut décidé de m’envoyer en prison pension pour y apprendre à parler et à penser.
Pour le second terme, ce fut un échec patent.
Et c’est là que cette blouse intervient.
Pour aller passer quelque temps sur la paille humide des cachots en pension, il fallait un trousseau.
Dans ledit trousseau il était bien vu de glisser trois blouses, si possibles discrètes et n’incitant pas à se distinguer de ces camarades.
Ma mère, persuadée malgré tout que justement je me distinguais de mes camarades, acheta un lot de blouses, autrement promises à Emmaüs, j’en suis sûr.
Les moins gamins d’entre vous se rappellent sûrement ces blouses d’écolier, grises, sans âme, mais pourvue de poches gigantesques permettant de stocker sans faiblir deux kilos de billes au bas mot.
Eh bien, mes trois blouses n’étaient pas de ce genre.
Quand elle m’amena à la prison au pensionnat, le frère économe qui cumulait les fonctions d’économe, de linger et de préfet de police, nous accueillit dans son bureau du rez-de-chaussée, avec une vue imprenable sur la cour de récréation. Ce détail a son importance.
Et c’est là que ça a commencé à déraper.
Tandis que les vétérans de l’incarcération les « anciens » se pressaient à la vitre du bureau pour voir « le nouveau qui arrive en cours de trimestre », ma mère, Jézabel, devant eux s’est montrée, comme disait Jeannot. Elle ouvrit ma valise, en sortit une blouse…

Bleue ! La blouse était bleue !
Pas le bleu marine foncé discret, non. Bleu roi !
Sans les larges revers habituels des blouses grises « normales », non, une espèce de liseré montant rouge.

Oui, rouge vermillon le liseré !
Avec une fermeture comme celle des blouses de dentiste, sur le col. Un Mao avant l’heure !
L’accueil de mes codétenus camarades s’annonçait risqué.
Le frère économe, lui, se passa la main sur le visage, l’air presqu’aussi désespéré que moi.
« Euh, un peu trop voyant, non, Madame ? »
« C’est ce que j’ai trouvé dans mes moyens, mon père » rétorqua ma mère d’une voix qui n’est pas sans rappeler celle de Lara Fabian quand elle dit qu’elle aime.
Voilà ce que ma mère avait fait.
Moi qui –à l’époque du moins- ne rêvais que me noyer dans la masse enfantine, et sans faire de vagues, j’étais effondré.
Pour ce qui est de ne pas se distinguer de ses camarades, c’était une réussite toute relative.

Je crois bien que c’est à ce moment que je me suis enquis de ce que pouvait être la psychanalyse.
Plus tard, j’ai lu sur le sujet.
Et c’est pourquoi aujourd’hui je peux vous l’affirmer haut et fort.

Sigmund Freud s’est lamentablement vautré.
Ce n’est pas son père qu’il faut tuer.

C’est sa mère !

Je vous parlerai des pull-over (je n’ai jamais su mettre ce foutu mot étranger au pluriel…) dans un prochain billet…

Commentaires

morte de rire! excellent, j'imagine! pour une réussite c'est une réussite! je rigole mais moi j'ai eu droit au rose avec noeuds noeuds, alors !

Écrit par : maevina | samedi, 12 juin 2010

Ainsi en est-il des mères ! Toujours désavouées alors qu'elles n'ont fait que de leur mieux, mieux, mieux !!!!!!
J'espère que mon fils ne te lit pas !!!!!!
bon week end

Écrit par : Moune | samedi, 12 juin 2010

Dois je te parler de ma blouse rouge, qui ne m'allait pas au teint, avec mon nom brodé au point de chainette...

Écrit par : heure-bleue | samedi, 12 juin 2010

Et depuis ce jour-là... You've got the blouse !

Écrit par : Karmara | samedi, 12 juin 2010

Moi ça ne me fait pas rire et je compatis, pas drôle d'être gamin ! (Heure bleue, moi c'était un anorak rouge et je brodais également mon nom au point de chaînette sur le trousseau de la colo...)

Écrit par : saperli | samedi, 12 juin 2010

Je subodorais que tu avais eu une enfance douloureuse, en voici la preuve par l'humour!

Écrit par : mab | dimanche, 13 juin 2010

ha!!! j'espère que tu l'as gardée en souvenir!
ya pas de raison! je me suis coltiné des blouses roses et bleues, en alternance pour que les pensionnaires soient toutes pareilles et changent assurément de blouses! garre à celle qui se trompait de couleur!
et ma mère en avait fait confectionner par la couturière du coin qui affectionnait les cols claudine! j'ai horreur des cols claudine! et le tissu etait d'un coton de piètre qualité qui eu vite fait de s'user, je passais donc une bonne partie de mes études du soir à les repriser, ce qui était du plus bel effet! :)))

Écrit par : tarmine | dimanche, 13 juin 2010

Rouge, bien sûr ton pull-over!Il t'a fait voir rouge?
Quel talent, Totor même ne t'arrive pas aux chevilles qui auraient le droit d'enfler. La grosse tête aussi, tu peux la prendre avec un tel style...d'autant que j'imagine que ton pull, si tu ne peux plus l'enfiler, ce ne sera pas grave, hein?J'espère que tu as aussi une histoire, (non deux,forcément!) de chaussettes, et si ce n'est le cas, tant pis, invente-les.Tricote, brode, dévide plein d'autres jolis mots. J'attends toute ta garde-robe, si si, TOUTE!!!

Écrit par : Beloubelette | dimanche, 13 juin 2010

Doisneau t'a fait chanter avec cette photo...où on voit que tu copies...?

Écrit par : Beloubelette | dimanche, 13 juin 2010

Mais qui te dit que c'est la couleur des cheveux qui m'a fait choisir? ;)
J'avais le choix cornélien entre un bosseur et un malin, rêveur et espiègle...Qui aurais-tu choisi au vu du style pétillant de ton billet?

Écrit par : Beloubelette | lundi, 14 juin 2010

On sent le gros traumatisme... Y a pas eu de cellule de crise psychologique pour t'accueillir après ?

Écrit par : Milky | mardi, 15 juin 2010

j'imagine l'embarras du petit garçon... aie...

Écrit par : liliplume | mardi, 15 juin 2010

j'imagine l'embarras (et l'inquiétude) du petit garçon...

Écrit par : liliplume | mardi, 15 juin 2010

Les commentaires sont fermés.