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lundi, 16 juillet 2012

Le royaume des cieux ne m’est pas ouvert…

Et c’est aussi bien.
Lakevio, tandis que nous parlions de « notre époque » et de nos souvenirs de pension m’a incité à raconter cet épisode, que je n’ai jamais oublié et qui me pince toujours le coeur.

Pour revenir un instant sur mes années chez les Frères, mes parents auraient dû éviter de m’envoyer dans une école religieuse.
Ils auraient dû se méfier d’un gamin qui, regardant le réveil, demandait non pas « pourquoi les aiguilles tournent ?» mais « comment les aiguilles tournent ?».
Ce qui m'a valu assez tôt quelques explications orageuses, suite à des démontages intempestifs de réveil...

Ce n’est que bien plus tard que j’ai appris que quand quelqu’un demande « comment ça marche » plutôt que « pourquoi ça marche », c’est une âme perdue…
Ce n’est pas que j’étais ce qu’on appelle « un esprit fort », non, c’est que j’étais curieux et peu apte à croire sans demander d’explications un peu plus convaincantes que « c’est comme ça ! ».

Non que je fusse déjà le ricaneur adepte du « croa croa » au passage d’un curé –d’ailleurs ma mère m’aurait collé une taloche si j’avais osé…- ou l’anticlérical suiviste.
Je ne connaissais rien encore de ces querelles qui divisaient les Français depuis près de deux cents ans et n’avais pas d’avis bien tranché…
Du coup, je connus assez jeune cette sensation particulièrement désagréable qu’est le sentiment d’injustice.
Ça commença dès la première leçon « d’Histoire Sainte ».
Je suppose que comme tout bon chrétien vous vous souvenez de ce début de la Genèse qui nous dit « Au commencement était le Chaos » et un peu plus loin,  « Que la lumière soit, et la lumière fut », « Et dieu vit que la lumière était bonne ».
Bref, après avoir séparé la terre de l’eau, le jour de la nuit, on nous dit que « l’Eternel » arrangea son petit métier et que tout désormais irait pour le mieux.
Et que donc, après avoir « Créé le Ciel et la Terre » il alla se reposer.
La cloche retentit. Youpee ! La récré !
Dès que la cloche reretentit, « en rang par deux » devant la porte de la classe « et en silence s’il vous plaît messieurs ! », le cours reprit.
Le Frère, continua un instant à nous raconter la Genèse et nous demanda « vous avez bien compris, mes enfants ? », il reprit un souffle qu’il avait court, « si quelque chose vous a échappé de la Création du Monde, c’est le moment de le dire ».
Je levai timidement le doigt.
« Oui monsieur Le-Goût ? Que n’as-tu pas compris mon fils ?»
«  Mais alors, qui à créé Dieu ? ».
La classe était déjà silencieuse –parler en classe valait une heure à genoux- mais là le silence devint si profond que j’eus l’impression d’être devenu sourd.
Comment avais-je osé ! Il y a des choses qu’on ne remet pas en question.
« Dieu a toujours existé et existera toujours, il a créé l’univers qui nous entoure ! »
Et là, la phrase suivante fit s’envoler mon dimanche à la maison
« Mais alors, dans quoi il est l’univers ? ».

Sans tenir compte de mon ingénuité, bien réelle, le jugement du Frère, quasiment une ordalie, tomba.
C’est là que je fus injustement convié à rester le dimanche à méditer sur le sort funeste qui attend le gamin qui pose des questions taboues.
La seconde injustice dont je fus victime fut du même type et tomba dans le même trimestre.
Apparemment, il est malvenu dans certaines communautés de faire preuve d’un minimum de réflexion et de tirer des enseignements des faits exposés.
Surtout quand ça va à l’encontre de ce qu’on veut faire admettre.
Il était question d’un petit cordonnier, très pauvre, très marié, plein d’enfants –croissez et multipliez vous- et très généreux et d’un notable très méchant, très riche, très cupide, affecté d’une morale élastique et interprétant abusivement les lois qui régissent les relations commerciales dans une société civilisée.
La question à méditer après la lecture était « pourquoi le petit cordonnier restait-il toujours pauvre ?»
L'écoute assidue du Frère m’avait amené à une conclusion incontestable et solidement argumentée.
Il commença à interroger au hasard mes compagnons de géhenne.
Les réponses débiles et gnan-gnan de mes camarades me tirèrent des soupirs aussi silencieux que désolés.
Ils n’avaient rien compris à l’histoire.
 Mon tour arriva assez tard. Le sourire béat affiché par le Frère à l’écoute des réponses aurait dû me mettre la puce à l’oreille.
« Monsieur Le-Goût, si vous nous faisiez part de ce que vous avez tiré comme enseignement de cette histoire ? Pourquoi ce cordonnier reste-t-il désespérément pauvre, malgré tout le travail fait ? »
« Mais parce qu’il était honnête, mon Père ! ».
Et paf ! Le deuxième dimanche du trimestre à s'envola , précédé de deux heures à genoux pour mauvais esprit et de cent lignes sur la charité qui m’apprirent que désormais,  il me faudrait répondre comme attendu et n’en penser pas moins…
Amen…

Commentaires

toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire! tu l'as appris bien jeune!!!

Écrit par : emiliacelina | lundi, 16 juillet 2012

Mais alors, c'était quoi la bonne réponse, pour l'histoire du cordonnier ?

Écrit par : Milky | lundi, 16 juillet 2012

mauvais esprit et ergoteur!

Écrit par : mab | mardi, 17 juillet 2012

Et dire que ces (braves ?) hommes pensaient former l'esprit de la jeunesse... Mais si, c'est ça, bien sûr ! C'est bien grâce à eux que tu as autant d'esprit ! On reconnaît là les esprits forts : à leur résistance au formatage !

Écrit par : lakevio | mardi, 17 juillet 2012

Excellent!!!!comme quoi des fois il vaut mieux passer pour un imbécile, ça évite les sanctions, ils en ont perdu des brebis avec leur comportement débile...bien sur ils navaient pas de réponses plausibles à donner...après on me disait un truc dans le genre...ça s'appelle la foi...lol...moi je répondais, je suis comme St Thomas, je ne crois que ce que je vois!!!!et paf...tu me copieras 10 fois l'acte de foi...ça n'a rien changé les QQ....pff....ha les années 50....

Écrit par : mialjo | mardi, 17 juillet 2012

mon mari est aussi allé dans un séminaire-collège, le premier mois il n'en est pas sorti : collé quatre dimanches de suite !

Écrit par : liliplume | mardi, 17 juillet 2012

Je me faisais le même genre de réfléxion au cathéchisme mais je les gardaient pour moi et dès que j'ai pu j'ai abandonné toute pratique religieuse...

Écrit par : ange-etrange | lundi, 06 août 2012

Les commentaires sont fermés.