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mardi, 07 août 2012

C’est là que…

C’est au début du mois d'août 1964 que je croisai pour la première fois Danièle S.

J’étais sur le chemin du Sacré-Cœur, cette église dont je me demande encore aujourd’hui laquelle, de la basilique Sainte Thérèse à Lisieux ou du Sacré-Cœur à Paris, est l’archétype du mauvais goût.
Cet énorme gâteau de crème Chantilly posé au sommet de la colline de Montmartre était un lieu de rendez-vous pratique pour tous les adolescents des IXème, Xème et XVIIIème arrondissements.

Le vaste jardin du Sacré-Cœur était largement pourvu de bancs, chaises et points de repère pour qu’on s’y puisse donner rendez-vous aisément.
En réalité ce square s’appelait square Willette jusqu’à ce qu’on s’avise que l’engagement antisémite du sieur Willette faisait tache et qu’on renomme le square « Louise Michel ».
Probablement en attendant que quelqu’un trouve du plus mauvais effet d’honorer une anarchiste dans notre pays assez jacobin…

Je montai d’un pas alerte la rue Saint Vincent –oui, celle de la chanson-, j’avais un rendez-vous avec une fille, qui semblait sensible à mon charme ou peut-être s’ennuyait ferme, rencontrée il y a peu.
Distrait et rêvassant –comme d’habitude-  à la façon dont pouvait tourner cet après-midi.
Je fus sorti brutalement de mes supputations par un choc.
J’avais si brutalement heurté quelqu’un que je l’avais fichu par terre.
Ma première pensée fus « m… ! », la seconde fut tout de même d’aider ma victime.
Je revins donc rapidement sur terre et vis une jeune fille que j’aidai à se relever.
Je l’avais sérieusement aidée à s’écorcher une main et elle avait encore trop mal pour songer à m’agonir d’injures.
Mon rendez-vous était mal parti et l’après-midi s’annonçait sous les pires auspices qui soient.

Je sortis de ma poche un mouchoir miraculeusement propre et tentai de nettoyer la plaie.
Elle hurla…
Puis pleura…
En la voyant les larmes aux yeux, je me dis égoïstement que j’avais de la chance, je n’étais pas tombé sur une bête féroce prête à m’étriper pour ma distraction.
Je tenais toujours sa main. Pour la détendre, la consoler et m’excuser, j’osai timidement « vous voulez un café ? ».
D’autant plus timidement que les deux francs qui devaient constituer toute ma fortune seraient terriblement écornés dans l’affaire.
J’attendis un moment sa réponse.
Un timide « oui, merci » arriva, ruinant tous mes espoirs de conserver mes francs.
Je n’étais pas radin, juste pauvre.
Je tenais toujours sa main. Elle se secoua en hochant la tête et la dégagea.
Elle se tint la main tout au long du chemin qui menait à un café.
Nous descendîmes jusqu’à la rue Caulaincourt –vous ne me la ferez pas, c’était mon quartier et je le connais sur le bout du doigt…-.

Elle connaissait aussi bien le quartier que moi et entra dans un café de la rue Caulaincourt où le café coûtait, dans mon souvenir, autour de trente centimes ce qui attirait un tas d’adolescents.
Le mastroquet se rappelait sans doute sa jeunesse et avait astucieusement disposé ses banquettes de façon à former des boxes, d’où l’affluence.
Notre rencontre augurait mal de nos relations et nous ne soupçonnions pas plus l’un que l’autre que ce café serait le premier de nos nombreux cafés…
En attendant, je repris sa main –oui, cette fois-ci c’est moi qui prit la main- et après avoir humecté mon mouchoir, j’entrepris de réparer les dégâts causés à la plus jolie paume qui soit.
Après des minutes de « aïe ! », de « sshhh » et de soupirs divers, dont des « mmmmfff ! », sa main ressemblait à une main.
J’avais été fort occupé pendant la demi-heure écoulée et n’avais prêté attention qu’à la main de ma victime.
J’avais d’ailleurs du mal à la lâcher et je me rappelle avoir gardé cette main dans la mienne plus longtemps que réellement nécessaire mais du moment que sa propriétaire ne disait rien...
J’enveloppai cette main de mon mouchoir –ma mère me reprocherait longtemps ce mouchoir perdu.- et commandai deux cafés.
Je prêtai alors attention à tout ce qu’il y avait d’attaché à cette jolie main…

Commentaires

Quel chevalier servant ! Dis donc ! Elle n'avait pas peur de te suivre !

Écrit par : Brigitte | mardi, 07 août 2012

La chose se précise.

Écrit par : mab | mercredi, 08 août 2012

une rencontre un peu brutale mais qui semble s'adoucir peu à peu..

Écrit par : liliplume | mercredi, 08 août 2012

quel choc! C'était un coup de foudre? Et celle qui t'attendait, elle a eu droit à un lapin?

Écrit par : emiliacelina | mercredi, 08 août 2012

Hé bien ça commence fort ! La suite fût à l'avenant ?

Écrit par : Frédérique | mercredi, 08 août 2012

sacré full contact! il y a des rencontres qui frappent l'esprit ou le coeur !

Écrit par : maevina | jeudi, 09 août 2012

Je file tout de suite lire la suite...

Écrit par : ange-etrange | dimanche, 12 août 2012

Tu racontes bien.

Écrit par : Berthoise | samedi, 12 janvier 2013

Les commentaires sont fermés.