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mercredi, 24 octobre 2012

Elle est malaaaadeeee, complètement malaaaadeee...

Elle était, à son avis, un peu  siphonnée et avait une tendance à la gaffe assez marquée. Il souffrait quant à lui d’une tare qui lui avait déjà causé quelques problèmes. Il était si persuadé d’être laid qu’il avait une vie sentimentale agitée, usant, et surtout abusant, des quelques atouts dont il disposait malgré tout pour se prouver que sa laideur ne l’empêchait pas « d’emballer ». Comme finalement il arrivait à ses fins sans plus de difficultés que n’importe qui, il aurait pu se calmer mais non. Si la réalité objective pouvait débarrasser aisément de ce genre de complexe, les psys et les voyantes y perdraient la moitié de leur chiffre d’affaires.
Là, c’était autre chose. Et c’est justement ce qui l’inquiétait avec cette fille. Ça ne se passait pas comme d’habitude.
Elle, tout au long du chemin, n’avait cessé de babiller. Elle était intarissable. Il ne savait pas du tout de quoi elle parlait. Il le savait d’autant moins qu’il avait de grandes jambes et marchait par moments plusieurs pas devant elle. En fait il se demandait surtout ce qui lui valait ce surcroît d’amabilité et pourquoi elle était si diserte sur des sujets aussi bizarres que les fringues. Alors que pour lui, les vêtements servaient à protéger de la nudité et du froid, ils semblaient avoir pour elle des vertus insoupçonnées.  Pour le peu qu’il savait, elle était en fac de lettres, rien à voir donc avec l’habillement. Cette Odile commençait à l’inquiéter sérieusement.
Ils arrivèrent au café, celui qui est devenu aujourd’hui « L’Institut », il était alors modeste et surtout abordable. Ils choisirent une place au fond, tables plutôt grandes et peu de monde à cette heure. Elle semblait avoir ses entrées ici et il lui suffit de jeter au comptoir « deux cafés dont un serré, s’il vous plaît ». Elle était sûre de voir arriver ce qu’elle avait demandé. Le même service que celui auquel il avait droit rue Cujas…
Ils s’assirent face à face. Elle n’arrêtait pas de parler. On aurait dit que sa vie en dépendait, le silence ne devait pas s’installer une minute sinon il se passerait quelque chose de grave semblait-il. Au bout de quelques minutes à l’écouter il se décida enfin.
- Mais de quoi me parlez-vous ? Vous n’avez pas cessé de jacasser une minute depuis que j’ai quitté le banc où j’étais assis.
- J’ai peur…
- De moi ? !!
- Mais non, pas de vous, c’est juste que je vais chercher mes résultats et j’ai peur.
- Et de quoi ? Vous passez des examens depuis la sixième, depuis le temps ça ne devrait pas vous affoler à ce point !
- Il s’agit d’analyse de sang, pas de texte. J’ai peur d’avoir un truc grave. Venez avec moi. S’il vous plaît, venez…
Non seulement elle était folle mais en plus elle était paniquée, ça ne s’arrangeait pas… Elle l’agaçait, bien sûr, mais il n’allait quand même pas la laisser comme ça.
- D’accord, je viens avec vous. Mais pour quoi faire ?  Je ne sais pas plus que vous interpréter les résultats.
-  Ce n’est pas si compliqué, c’est juste que je ne veux pas ouvrir l’enveloppe, et encore moins toute seule. Vous n’aurez qu’à me dire juste si c’est dans les limites ou non, la norme est indiquée.
- Mais qu’est-ce qui vous est arrivé ? Si on vous a donné ces analyses à faire, ce n’est pas pour rien.
- J’étais fatiguée, ma tante m’a envoyée chez le médecin et voilà.
Il avala son café, ajoutant « je me dépêche avant de le voir arriver sur mon pantalon …»
Elle haussa les épaules, souffla « pfff …» mais parut contente d’avoir trouvé quelqu’un pour l’accompagner.
- Alors, miss, on y va ?
Elle but son café et le suivit.
Quand elle avait dit « vers l’île Saint Louis » elle avait salement « euphémisé », c’était presque à la Bastille.
- Et si j’avais une leucémie ? Ou un cancer ?
- Pourquoi pas les deux ? Un seul, ça fait mesquin…
Ça n’eut pas l’air de l’amuser du tout. Elle était prête à recommencer à paniquer. Il lui tendit le bras. Elle s’y accrocha.
Après une bonne demi-heure de marche ils arrivèrent enfin devant le laboratoire, y entrèrent et, après qu’elle eût donné sa carte de Sécurité Sociale, il attendit près d’elle qu’on lui donnât l’enveloppe censée la condamner à une mort prochaine. Enveloppe qu’elle lui tendit sur le champ.
Il lui prit le bras, l’emmena dans un café proche et commanda deux cafés.
Il s’assit face à elle, ouvrit l’enveloppe et eut la chance de tomber sur un compte-rendu typographié. Il aurait été bien en peine de déchiffrer une écriture de médecin… Toujours plein de tact, il prit un air catastrophé puis souffla « oh, m… ! Fschhh… ! Eh ben dis donc… Aïe aïe aïe…»
Elle croisa les bras sur la table et y enfouit sa tête.  Plus qu’embêté, il passa de son côté et passa son bras autour de ses épaules, « mais non, tout va bien, tes résultats son normaux, tu es juste fatiguée parce que vous avez changé de ville, vous n’êtes plus avec vos parents, finalement vous avez changé de vie en peu de temps, tout ça … ».  Elle se calma, le mélange de tutoiement spontané suivi du voussoiement habituel l’amusa un instant et elle reprit courage. Pour ne rien arranger, elle posa sa main sur la sienne et renifla tandis qu’il se sentait de plus en plus troublé en la serrant contre lui. Il aimait troubler. En fait il adorait ça. Être troublé, en revanche était, et il le savait, beaucoup plus risqué.
Il se sentait mal parti… 

 

Commentaires

Je suis bien trop jeune pour en avoir un souvenir, la carte de sécu c'est l’ancêtre de la carte vitale ?

Écrit par : berthoise | mercredi, 24 octobre 2012

J'espère seulement qu'elle ne va pas se reconnaitre, ça deviendrait d'un banal...

Écrit par : heure-bleue | mercredi, 24 octobre 2012

On a presque eu peur que ça termine mal.

Écrit par : seringat | mercredi, 24 octobre 2012

bon ca commence bien, elle est saine c'est déjà un bon point !

Écrit par : maevina | mercredi, 24 octobre 2012

si je comprends bien : siphonnée mais néanmoins troublante !!!
Ca y est ! le Goût! tu nous tiens sous ta coupe, je suis accro et j'attends la suite! !!

Écrit par : emiliacelina | mercredi, 24 octobre 2012

c'est vrai dis...ça aurait pu être grave!!! je voyais déjà Love Story...bon, elle était maligne quand même pour draguer...pas banal pour l'époque...allez...continue...

Écrit par : mialjo | mercredi, 24 octobre 2012

MDR la réflexion de Maevina !!!!

Écrit par : liliplume | mercredi, 24 octobre 2012

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