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vendredi, 26 octobre 2012

Le Jardin des Délices.

Une dizaine de jours passèrent. Lui, vaguement malheureux mais surtout vexé de s’être fait jeter, retomba rapidement dans le travers du badinage tous azimuts. Ce fut assez efficace pour qu’au bout de quelques jours, une petite rousse se laissât convaincre que flirter avec lui était une affaire hors du commun. Il put donc rapidement se promener dans les allées du Jardin des Plantes ou s’asseoir au café de la rue Cujas avec, à son bras, le genre de fille qu’on y voyait accroché quand il n’était pas seul.
Quant à elle, blessée d’avoir été plaquée, d’autant plus gravement par manque d’habitude, son célibat n’avait pas duré une semaine. Faite comme elle l’était, il était logique qu’un « beau ténébreux » la remarquât dans l’instant.
Elle fut donc ravie de voir qu’elle pouvait intéresser quelqu’un dans des délais raisonnables.
Au début de l’hiver, un jeudi de fin de matinée, peu après la fin de son cours, elle passait avec le type accroché à ses basques dans les allées du Jardin des Plantes.
Comme d’habitude, elle avait entraîné son « beau ténébreux » où elle voulait. Elle préférait le Jardin des Plantes à n’importe quel bistrot.
Lui, ce jeudi en fin de matinée flânait dans les allées du même Jardin des Plantes, sa nouvelle rousse accrochée au bras.
Seulement voilà. Les manuels montrent régulièrement que l’Histoire ne se déroule pas aussi calmement qu’on l’espère. La guerre de Cent Ans en est la preuve éclatante.
Tout aurait pu se passer comme chacun l’avait prévu. La promenade câline et hivernale servant d’abord et avant tout à se réchauffer mutuellement de façon aussi agréable que possible. L’idée de se voir apprécier pour sa douceur, sa patience et sa verve était  pour lui un réconfort certain.
Ce jour là, le sort, facétieux comme chacun sait, ficha en l’air en un instant le cours calme du temps et des vies de nos étudiants.
Il la reconnut d’assez loin et ne dit rien. Même, il fit semblant de ne rien remarquer.
Elle, myope comme une taupe, mit plus de temps mais finit par le reconnaître.
Ils se saluèrent plus que fraîchement.
 « Pfff… déjà avec une autre…Vraiment… » dit l’une.
« Tu peux dire, si tu es esseulée ça ne saute pas aux yeux ! » dit l’autre.
Le calme ne dura pas. Elle entama les hostilités.
- Tu as beau jeu de faire du cinéma mais dès que j’ai le dos tourné, je n’existe plus ! Je suis remplacée dans l’instant !
- Tu n’as pas l’impression d’exagérer, là ? A peine je te croise, tu es avec un mec !
L’ambiance s’assombrissait lourdement…
- Tu oublies que tu m’as plaqué !
- Tu oublies que tu m’as plaquée !
Ils réussirent à le hurler parfaitement à l’unisson.
Les deux autres témoins avaient un air gêné et ne savaient quoi faire.
Sauf l’autre rouquine qui, pour faire quelque chose, le gifla de confiance et s’éloigna à grands pas.
Le type, lui, se contenta de dire « Bon, ça va, j’ai compris » et tourna les talons.
La querelle n’était hélas pas terminée…
Elle attaqua d’entrée.
- N’empêche, je te lâche des yeux et j’ai juste à regarder aux alentours ! Si je vois une rouquine dans la foule, je sais que tu n’es pas loin !
- Oh ! Tu peux dire ! Si je te cherche, dès que je vois un type brun, bronzé et mal rasé, je sais que tu es accrochée à son bras !
Tout aurait pu s’arrêter là s’il n’avait cru bon d’ajouter méchamment « Enfin… Je dis à son bras… »
Là, il était allé trop loin.
Sa lèvre inférieure se mit à trembler, ses yeux bleus se remplirent d’eau. Elle prit son élan et lui donna une gifle qui le laissa abasourdi et lui fit tinter l’oreille gauche plusieurs secondes.
Elle le regarda, effarée, regrettant déjà son geste, s’assit sur un banc et fondit en larmes.
Totalement désarmé, les deux joues de couleur différente, il s’assit à son côté et la prit dans ses bras. Elle, encombrée par son araignée. Lui, empêtré avec la sienne. Ne trouvant rien  de mieux à lui dire, il lui chuchota « 
tu es vraiment prête à tout pour détremper mes feuilles… ». Elle le traita d’idiot. Il la traita de bécasse. Elle renifla. Il l’embrassa. Elle l’embrassa. Ils s’embrassèrent. Puis se jurèrent tous deux que d’abord ils s’aimaient, évidemment pour toujours,  puis se jurèrent prudemment que leur amour allait durer un peu plus de deux heures…

Commentaires

C'est du vaudeville, il ne manque que les portes qui claquent mais à mon avis ça ne saurait tarder.

Écrit par : mab | vendredi, 26 octobre 2012

WAAAOOUUUHHHH!!!!!!!

Écrit par : emiliacelina | vendredi, 26 octobre 2012

Pffffff....A te croire, j'ai épousé un moine.....

Écrit par : heure-bleue | vendredi, 26 octobre 2012

Un moine....Faut croire H.B. prendre deux gifles de suite et rester stoïque!!!!j'en connais qui auraient laissé de côté la galanterie !! Ç'aurait été un réflexe irréfléchi je pense que le retour aurait été immédiat!!quitte à regretter ensuite!!

Écrit par : emiliacelina | vendredi, 26 octobre 2012

Sourires... ah ces jeunes...... Belle soirée à vous deux....

Écrit par : patriarch | vendredi, 26 octobre 2012

C'est bien quand les amoureux s'embrassent. J'aime bien.

Écrit par : Berthoise | vendredi, 26 octobre 2012

c'est Richard Burton et Elizabeth Taylor !!!

Écrit par : liliplume | vendredi, 26 octobre 2012

c'est beau...j'aime...

Écrit par : mialjo | samedi, 27 octobre 2012

quel note délicieuse, et les commentaire d'HB font sourires .... !!!

Écrit par : rivka17 | jeudi, 01 novembre 2012

Les commentaires sont fermés.