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lundi, 19 novembre 2012

Epîtres selon le-Goût

Voilà de quoi il s’agit.
En fait,  lectrices chéries, je devais avoir dix-neuf ans, ma sœur cadette en avait dix-huit et fréquentait assidûment le garçon qu’elle devait épouser plus tard.
Un peu trop assidûment aux yeux des parents des deux puisqu’on nous invita, à l’automne 1968, à faire connaissance, dans le coin du garçon –vers Saint-Etienne- , avec la famille du garçon.
Ils se fréquentaient même si assidûment qu’un jour, au moment de mettre la clef dans la serrure je fus arrêté net, dès le palier, par un chant que normalement on n’entend pas et que surtout on n’entend pas sortir d’une chambre avant que monsieur le maire n’y ait mis bon ordre.
Si ma mère avait eu idée des connaissances de son oie blanche supposée et préférée, elle aurait traîné le garçon à la mairie sur le champ, un fusil dans le dos.
Je suis donc redescendu boire un café au bistrot en bas de chez nous pour ne pas déranger.
C’est dire si les études dont je vous entretiens depuis cet été sont sérieusement suivies dans la famille…

Quand les parents de nos deux tourtereaux se sont rencontrés, il y eut une petite fête dans le restaurant d’un petit bled du côté de Saint-Etienne.
Il y avait quelques amis des parents du futur mari dont un couple qui avait une fille de dix-huit ans itou.
On lui aurait donné le bon dieu sans confession et j’avais sympathisé avec elle.
Nous avons dansé ensemble tous, absolument tous, les slows de la soirée.
A son détriment –je plaisante- elle était très brune, à son avantage, une peau diaphane et des yeux clairs, de ceux qui justement me chavirent.
Les meilleures choses ayant une fin, nous nous sommes séparés sur un léger baiser sur la joue mais non sans qu’elle ne m’ait donné, à ma demande, une adresse où lui écrire pendant la semaine.
Elle était interne dans une pension de bonnes sœurs du coin.

Nous avons donc commencé à nous écrire –moi le premier, vous savez bien comment je suis- et échanger des lettres régulièrement, à raison d’une tous les deux ou trois jours.
Eh oui, pas de portable, pas de mail, pas de téléphone fixe ne restaient que les lettres...
Ces lettres, de convenues au début devinrent plus affectueuses.
Puis, les semaines passant nous avons commencé à échanger des poèmes.
Enfin des lettres d’amour.
Ça dura plusieurs semaines, puis, comme disent les accroches de PurePeople sur le Web, ça devint de plus en plus « hot ».
Nous étions devenus les champions de l’hexamètre licencieux, de l’alexandrin érotique, de l’octosyllabe leste.
On s’envoyait des sonnets d’enfer, experts que nous étions devenus de l’acrostiche cochon.
On écrivait des poèmes à lire en diagonale, d'autres encore dont la lecture du dernier mot de chaque vers ne laissait aucun doute sur ce que nous ferions si nous nous retrouvions seuls un moment.

J’ai encore souvenir d’une petite suite d’alexandrins plus que lestes - je m'en souviens parfaitement mais ne comptez pas sur moi pour vous les écrire- envoyés par une jeune fille finalement aussi au fait que moi de ce qui pouvait advenir à deux jeunes gens en bonne santé s’ils se retrouvaient dans un lit.

Petit poème qui prouve qu’elle n’était pas aussi ignorante que ses parents l’auraient souhaité.
Inutile de dire que quand je recevais ce genre de lettre, j’étais dans une forme éblouissante pour la journée…
Quand nous avions fini de nous expliquer par courrier tout ce que nous pouvions faire pour pallier notre absence, nous avions vraiment très chaud, surtout quand nous nous écrivions que comme notre mère nous avait fait des doigts, ce n’était pas pour rien et que c’était un excellent moyen de vérifier que ce que nous racontions produisait bien l'effet escompté…
Bref, nous étions devenus  parfaitement libertins dans nos écrits en moins de deux mois.
Tout cela aurait pu se solder par une belle histoire sans la malchance qui fit qu’un jour, crac ! Plus de réponses du tout.
J’envoyais toujours aussi régulièrement des lettres qui restaient sans réponse.
Je finis par abandonner, la mort dans l’âme.
Ma sœur se maria l’année suivante et, lors de la réception, le frère de son mari m’apprit que la fameuse brune (M.) avait été virée de son école de bonnes sœurs avec pertes et fracas parce qu’une de mes lettres et les brouillons des siennes avaient glissé sous son lit et avaient été trouvées bien sûr par une des sœurs…
Elle fut donc jetée « pour mauvais esprit » et « conduite immorale » et mise par ses parents (des bigots terribles, fâchés du coup avec les beaux-parents de ma sœur) dans une « pension-prison » avec censure du courrier.

Tout cela pour dire qu’il n’est pas besoin de contact ou de vue permanente pour être séduit ou pour séduire, il suffit d’évocation.
L’écrit est finalement aussi dangereux que le toucher ou la vue…
Je suis sûr que c'est pour préserver la moralité de la jeunesse qu'on supprime les postes dans l'Education Nationale.
Rien qu'à lire ce que sont capables d'écrire ceux qui ont eu des professeurs, reconnaissez, lectrices chéries, que ça fout la trouille, non ?

Commentaires

Sans oublier que l'évocation est l'idée qu'on se fait, l'imaginaire qu'on met en branle face à certaines situations. Certains ont plus d'imagination que d'autres avec plus ou moins de conséquences.

Mais il est vrai que les mots ont leur force.

Écrit par : Livfourmi | lundi, 19 novembre 2012

Lire les notes du Goût sous un fond de Michael Bublé rajoute du piment !! Ah pauvre demoiselle M. vraiment, ce temps me parait surréaliste , à douze ans je pouvais déjà envoyer des mails à mes amoureux, pas du même ordre bien sur pas à cet âge et les portable existaient aussi .....( ce qui est normal puisque je suis jeune).
Eh bien le Goût j'espère que la jeune fille n'a pas fini avec une étiquette sur la tête toute sa vie pour avoir voulu vivre, imaginer, rêver et .....

Écrit par : Rivka | lundi, 19 novembre 2012

moi je dirais plus...que se sont les pensées qui sont dangeureuses...elles dictaient sa main sur la feuille blanche...idem pour toi, peut être un peu plus imagées...hihihi...ils l'ont enfermé...ok...mais ils n'ont pas pu lui enlever sa liberté de penser...et je suis sure que dans sa tête tu étais souvent présent...mais bon, ils ont été très sévère!!!

Écrit par : mialjo | lundi, 19 novembre 2012

En tant que mère de Poulette, heureusement pour elle que je ne suis pas comme les parents de ta chérie de l'époque.
Ceci, les vers grivois, ça me fait toujours rire.

Écrit par : Berthoise | lundi, 19 novembre 2012

parfois les parents sont des faux-culs!!!!Qu'est-ce qu'ils veulent faire croire à leurs enfants?
Qu'ils n-ont jamais eu de pensées "grivoises"? JE RI GO LE !!!!!!!

Écrit par : emiliacelina | lundi, 19 novembre 2012

Les bonnes soeurs ont peut-être savouré les écrits en cachette ! Hi! Hi !

Écrit par : Brigitte | lundi, 19 novembre 2012

même pas une bonne soeur bénévole s'est dévouée pour continuer ce courrier si bien emmanché ???????????? le monde est foutu depuis bien longtemps ..............

Écrit par : maevina | lundi, 19 novembre 2012

C'est quand même bizarre que les jeunes filles pour lesquelles le Goût en pinçait à l'époque se faisaient toujours choper et devaient abandonner en cours de route sans explications...
Heureusement, la malédiction a été rompue par Heure Bleue ;o)

Écrit par : Frédérique | lundi, 19 novembre 2012

Il faut dire que j'étais majeure et que je vivais seule, ça simplifie les choses...

Écrit par : heure-bleue | lundi, 19 novembre 2012

aimer ce suborneur de LE Gout était décidément dangereux !

Écrit par : liliplume | lundi, 19 novembre 2012

Hier au Grand Palais je lisais le manuscrit du poème de Rimbaud 'Ma bohème, quel talent on peut avoir à 16 ans!

Écrit par : mab | mardi, 20 novembre 2012

Quelle époque merveilleuse que celle sans iphone, tweets, mails. La plume rendait lyrique, l'éloignement audacieux ; la lecture de telles oeuvres apportait rougeurs diffuses et ... jouissance !

Écrit par : lakevio | mardi, 20 novembre 2012

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