dimanche, 27 janvier 2013
Plaquée par SMS…
Depuis deux jours, lectrices chéries, mes amours, je me demandais ce que j’allais bien pouvoir vous raconter.
Tricard de mes histoires d’amour anciennes et restantes, les seules qui semblent vous tirer quelque émotion, mais dont la relation m'est interdite, je me voyais de plus en plus contraint au silence.
Oui, Heure-Bleue a parfois de ces accès de mauvaiseté qui me font craindre une mort lente et douloureuse.
Heureusement, l’œil ouvert sur le monde qui m’entoure m’apporte toujours des éclaircissements sur le fonctionnement du genre humain.
C’était le cas hier.
Eh oui ! Nouvelle aussi importante que rare, Heure-Bleue et moi avons emmené Merveille faire un tour.
Il était question d’une chose que je déteste, un tour, voire deux tours de manège.
Or, le tour de manège, c’est bien pour Merveille, elle tourne, fière sur son destrier de bois, l’énergie de la promenade équestre étant fournie par EDF, ça lui va très bien.
En revanche, la mienne n’étant fournie que par les repas, s’évanouit rapidement dans un air gelé et humide, un air dont vous savez, lectrices chéries, combien je l’aborrhe…
La récompense était tout de même au bout de l’épreuve.
Un « petit quatre heures » était prévu au McDo. Merveille allait entamer son quatrième repas de la journée. Un « Happy Meal » vers cinq heures de l’après midi ne l’effrayait pas.
D’ailleurs, comme Papy, rien ne l’effraie si ce n’est l’ombre d’un effort…
La consolation de la journée, un peu comme le chocolat après le café, quand le chocolat et le café sont bons, est survenue à ce moment.
Nous étions tous trois absorbés par, plus exactement en train d’absorber, notre« petit quatre heures » quand j’eus l’attention attirée par une conversation passionnante tenue derrière moi par deux voix entre enfantines et féminines, ce timbre qui peut être aussi délicieux qu’agaçant ou drôle.
Ça dépend de ce qui est dit.
Ça avait commencé par « tu vois, ces mots, ça m’est rentré dans les yeux, tu peux pas t’imaginer ! » d’une voix mi sérieuse mi piaillante, « j’ai failli pleurer tout de suite ! ».
Et l’autre voix de s’exclamer « Naaaaaaannnn !!!! J’y crois pas !! ».
J’attendais quelque chose de posé, genre « il t’a plaquée ce connard ! » ou « tu souffres ma chérie ? » mais non, « la nounou électronique », dite « éducation Télé réalité » avait déjà commis ses dégâts irréparables.
J’ai aussitôt averti Heure-Bleue du drame en train de se nouer à la table voisine.
Bignoles comme nous sommes tous deux, nos oreilles ont fait comme les spinnakers du Vendée Globe, elles se sont déployées et ont triplé de surface pour le moins.
Nous sommes restés béats d’admiration devant la vacuité de l’échange.
- Tu te rends compte ? Ecoute ça « pour moi, les mots ça veut dire quelque chose, j’te les dis comme ça mais c’est très important pour moi ».
- Naaaannn ! C’est pas vrai ! Il t’a dit ça ? Laisse-moi recopier ton SMS, je dois aussi jeter mon mec…
- J’peux pas, c’trop intime tu vois, il m’a dit aussi « c’est passque c’t’une question de confiance que j’te dis ça, mais faut pas croire, je souffre aussi mais faut que j’te quitte pour pas que j’souffre trop tu vois… »
Cette nunuche ne s’est pas même rendu compte que l’autre zozo avait pompé une bluette de Michel Berger, esquintée de surcroît.
Et ça dura comme ça pendant tout le « petit quatre heures », même Merveille écoutait. Elle croyait peut-être à un cours de rupture…
Cette brillante conversation était émaillée de « Atteeennndss c’est pas possible ! Il t’a vraiment dit ça ? C’est trop top ! Tu vois, y t’aime tellement qu’y préfère te laisser pour pas qu’y souffre ! »
Manifestement, l’autre n’avait pas trop compris non plus.
Mais une trace de l’enseignement sociétal apporté par TF1 avait porté ses fruits, les deux avaient saisi l’aspect utilitaire de ce SMS à la poésie discutable.
« On va le garder, comme ça, si des fois on doit jeter not’mec, eh ben on pourra y’envoyer. »
Nous nous sommes levés, fin du « petit quatre heures ».
Nous avons regardé les deux Messaline éjectées.
Deux gamines, une brune et une blonde. Les deux, la quinzaine grassouillette et la peau encore intacte.
L’œil, quoique mort, était rivé sur l’i-Phone de chacune.
J’ai compris brutalement pourquoi on appelait ça un « smartphone ».
C’était pour être sûr qu’au moins un des deux était intelligent…
A propos de virginité, une chose était sûre, leur cerveau avait gardé la sienne.
Toutes deux, comme dit Giono dans « Regain », avaient « ce doux regard des bœufs ».
Cette profondeur qui faisait penser, non aux écrits de Schöpenhauer mais plutôt à la vision que j’ai depuis la fenêtre de mon cinquième étage du trottoir en bas.
C’est profond, loin, et tout ce vide me fait un peu peur...
09:19 | Commentaires (14)
Commentaires
Nan, mais, j'y crois pas ! C'que tu peux être vache quand même ! J'dis ça à cause du doux regard des boeufs. J't'enverrai bien un SMS !...
Écrit par : lakevio | dimanche, 27 janvier 2013
Merci, je me gondole de bon matin, ça me fait oublier mes **** de voisins et leur machine à laver qui essore bruyamment à 7h le dimanche et qui me donne des envies de meurtres... Ce genre de conversations spirituelles, j'en capte tous les jours dans les couloirs de mon collège et je commence à être blindée. Je préfère nettement quand c'est toi qui les racontes et les commentes, c'est beaucoup plus drôle !!! :-D
Écrit par : Septie | dimanche, 27 janvier 2013
Je ne sais pas envoyer de SMS, dommage, je pourrais en raconter des choses intéressantes.
Écrit par : mab | dimanche, 27 janvier 2013
Tu verras, quand Merveille aura 15 ans, tu riras moins.
Profite, profite.
Mais faire le poireau devant un manège, par le temps qu'il fait, ça force le respect. Chapeau !
Écrit par : Berthoise | dimanche, 27 janvier 2013
Waou pas étonné !! Nous avons un voisin dont le fils à peine 17 ans va déjà être père.. et la copine est déjà là. 15 ans peut-être......
belle journée amicalement
Écrit par : patriarch | dimanche, 27 janvier 2013
c'est sûr!vous n"êtes pas tombé sur deux surdouées!
Mais tu as trouvé là le sujet d'une nouvelle note sinon intéressante du moins amusante !
Merveille ne devait pas en perdreune miette!
Écrit par : emiliacelina | dimanche, 27 janvier 2013
Vous n'avez pas fait une explication de texte à Merveille , elle se serait enrichie au niveau vocabulaire !
Écrit par : Brigitte | dimanche, 27 janvier 2013
De mon côté, c'est surtout dans le métro que j'entends ce genre de conversation regrettable !!!!! A mes 15 ans, nous avions aussi des portable, mais nous n'avions pas encore, l'indélicatesse de se séparer sans scrupule d'un amoureux par sms. Sms étant trop onéreux et contrôlés par les parents. Mais la plus part des lecteurs, il me semble n'ont pas connu les début des téléphone portable dans leurs adolescences. Comment arrêtiez vous une relation, de manière brutale alors ? par lettre ? ;-)
Écrit par : Rivka | dimanche, 27 janvier 2013
Pauvres petites biches, c'est dur l'amour ! Je les ai trouvées tout de même poétique, avec ce merveilleux "ces mots, ça m’est rentré dans les yeux"...
Écrit par : Milky | dimanche, 27 janvier 2013
J'adore, comme souvent, la manière dont tu racontes les choses...
Écrit par : ange-etrange | dimanche, 27 janvier 2013
Rôôooo, ben y'a pas que les ados !
Il y a quelques années, j'ai vécu de genre de rupture par sms... après 6 ans d'une aventure pourtant sympa ! Pourtant, le bonhomme avait une bonne cinquantaine d'années !
Mais le sms est bien pratique pour qui n'a pas le courage de dire les choses en face ! Il évite la discussion !
Sinon... ados comme seniors... je crois que nous sommes tous naïfs en amour :-)
Écrit par : Teb | dimanche, 27 janvier 2013
ma fille s'est faite larguer par sms. Ce n'est pas très élégant ni courageux (mais plus facile) !
Écrit par : liliplume | dimanche, 27 janvier 2013
J'adore la retranscription "goûtienne" de cette conversation philosophique. Au moins il se passe des choses chez Mac do. Un homme presque aussi courageux s'était fendu d'une lettre de rupture à sa dulcinée Sophie Calle. Celle-ci s'en était servie comme objet même d'une très drôle exposition à la BNF. Elle était alleé voir des dizaines de femmes de tout horizon et leur avait demandé une réaction, un commentaire écrit ou artistique. Cela donnait une exposition très originale.
Écrit par : seringat | dimanche, 27 janvier 2013
SMS ou pas, le "faut que j’te quitte pour pas que j’souffre trop" c'est quand même le top des tops comme explication pour une rupture!
Écrit par : livfourmi | lundi, 28 janvier 2013
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