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mardi, 12 mars 2013

Le dieu lard

Ma mère aimait beaucoup emm…bêter mon père.
Elle ne ratait pas une occasion de le faire. Son angle d’attaque favori était la nourriture et elle disposait d’un stock de munitions quasiment inépuisable.
Mon père, il me semble vous l’avoir dit, était un homme du sud. Du sud profond. Du supersud. Bref, mon père est né et a grandi de l’autre côté de la Méditerranée.
C’était un homme habitué aux légumes et aux viandes plutôt légères, comme l’agneau et le poulet.
Ma mère, Berrichonne affirmée, ne concevait la « bonne nourriture » qu’en application de dictons aussi faux que longtemps serinés dans son enfance, du genre « c’est la viande qui nourrit la viande » ou, les –nombreux- jours de disette  « pour grandir, rien de tel que les pommes de terre ». Nous avons eu la chance d’échapper au « mou », grâce sans doute à une expérience gustative dont elle gardait un mauvais souvenir.
Cela dit, elle se rabattait libéralement sur des abats dont je ne suis pas sûr qu’un chat les aurait volés.
Et c’est là-dessus qu’elle comptait pour punir mon père d’on ne sait quels péchés qui lui semblaient inexpiables.
Parmi les rares occasions qui auraient pu plaire à mon père, il y avait la soupe de légumes. Eh bien, que croyez vous qu’elle arrivait à concocter ?
Je vais vous décrire la chose, pas trop par le menu mais tout de même.
Elle épluchait les carottes et les poireaux et un oignon vers six heures, heure vers laquelle mon père rentrait du travail.
Une fois les poireaux et les carottes en dés et l’oignon émincé, l’eau était frémissante.
Elle y jetait les légumes et assaisonnait le tout.
A ce moment car ma mère avait un sens aigu du « timing », mon père frappait à la porte. Et disait « Hmmm, ça sent bon, ma poule ».
Et là, une fois quelques nouvelles de la journée échangées, ma mère savourait le dépit paternel. Il se figeait quand il la voyait jeter des « alphabets » dans l’eau de cuisson.
Immuablement, il lui disait « mais enfin chérie, tu sais bien que les pâtes dans la soupe, ça la gâche ! ».
Pour elle, une vraie soupe devait pouvoir faire tenir une pelle de terrassier debout, aussi, sans dévier de son but réel –je l’ai su plus tard- elle affirmait avec véhémence « une bonne soupe, faut que ça tienne au corps ! »
Quant aux abats, il fallait voir la tête paternelle quand ma mère préparait de la « tétine », un abat qu’on ne trouve plus aujourd’hui sauf peut-être dans les boîtes pour chats, mais qui nourrissait la classe ouvrière au moins deux fois par semaine à partir du vingt du mois. Ce truc n’était mangeable qu’en tranches très minces et sérieusement « revenu » avec de l’ail et du persil. Et tout l’intérêt de la chose était que mon père détestait la « tétine ». Le foie aurait pu faire l’affaire pour le même prix mais non, il fallait absolument faire quelque chose qui lui déplaise sous couvert de lui apporter de l’énergie.
Il aimait assez les omelettes, que ma mère réussissait plutôt très bien. Il y avait juste un détail. Je la soupçonnais de le faire exprès, elle ne pouvait s’empêcher d’y ajouter du lard…
J’ai su plus tard qu’il y avait effectivement matière à vengeance mais normalement, la vengeance, c’est « one shot » comme disent les gamins et les journalistes, ce n’est pas perpétuité, non ?

Commentaires

Je suis plus jeune mais moi aussi , j'ai mangé de la tétine , des rognons , du mou et jamais de café au lait le soir , c'était pour les pauvres , c'était semoule au lait !

Écrit par : Brigitte | mardi, 12 mars 2013

elle n'avait pas le choix ou c'était vraiment pensé méchant ?? J'ai du mal à l'imaginer !

Écrit par : emiliacelina | mardi, 12 mars 2013

Mon père est breton. Et chez les bretons, il y a cette blague :
- Dis-moi, Ifig (Yves), c'est qui que tu préfères, ton père ou ta mère ?
- Moi, je préfère le lard !

Écrit par : Berthoise | mardi, 12 mars 2013

L'alphabet certes, mais juste dans un bouillon et juste pour le fun, ça marche encore!

Écrit par : livfourmi | mardi, 12 mars 2013

jamais mangé ces choses là mais maman me racontait que pendant la période "elle fait ses dents" elle me donnait une couenne de lard, lard dont je ne raffole pas mainteant

Écrit par : mab | mercredi, 13 mars 2013

Ta maman donne des cours de vengeance? Parce que j'ai des leçons à prendre......

Écrit par : Mme Farfa | mercredi, 13 mars 2013

Sympa, l'ambiance! Si je voulais embêter l'Homme, je lui mettrai du vermicelle dans la soupe; il a de la chance, avec une température toujours au-dessus de 25°, on n'en mange pas! Et puis, je n'ai pas envie de l'embêter...

Écrit par : muse | mercredi, 13 mars 2013

bon j'ai plus faim!!!

Écrit par : mialjo | mercredi, 13 mars 2013

Dieu lare ou pas, il faut bien titiller son compagnon ou sa compagne de jeux, non?

Écrit par : livfourmi | vendredi, 15 mars 2013

Les commentaires sont fermés.