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mercredi, 16 octobre 2013

T'as d'beaux yeux tu sais...

Comme je ne savais pas quoi faire en attendant que les cartons s’ouvrent tous seuls et que leur contenu aille de ses petits pieds se ranger de lui-même là où ça va bien, je me suis mis à rêvasser.
Le chat des voisins intéressait Heure-Bleue.
Il a fait comme moi chez Heure-Bleue.
Il s'est installé sans prévenir, mine de rien, comme s'il était chez lui...
J’ai engagé la conversation avec la maîtresse du greffier  dotée, elle d’yeux moins clairs que ceux du greffier mais d’une nuance de bleu assez intéressante. Des « zyeuxbleus », quoi...
En regardant « la pluie d’hiver, sur les carreaux », frapper ses gouttes d’eau -De rien, Mab, ça va te trotter par la tête toute la journée...- je me suis rappelé ma première rencontre avec des yeux qui n’étaient pas bruns.
C'est en octobre 1952 que je suis entré à l'école pour la première fois de ma vie...  
Le nouveau logement dans lequel mes parents, après des mois d’errance d’hôtels en « garnis », avaient réussi à emménager début 1949 était situé au quatrième étage d’un immeuble assez lépreux proche de la Porte de Clignancourt. Ma mère avait du mal à accepter la population environnante et d’ailleurs ne l’accepta jamais. Mon père, quant à lui, étant né et ayant grandi en Algérie, une forte densité « d’Arabes », comme on disait à l’époque, dans les rues avoisinantes ne le gênait pas outre mesure.
Trois ans s’écoulèrent ainsi, calmement, du moins pour moi. Au cours de ces trois ans, j’avais vu arriver deux sœurs.
D’autres épisodes cauchemardesques à consoler, sans doute…
Suite aux conséquences de ces consolations, le logement passa du statut déjà peu enviable d’exigu et habité à celui désolant de minuscule et surpeuplé.
C’est pourquoi je vis arriver avec ravissement le moment d’entrer à l’école maternelle, moment auquel ma mère m’avait préparé depuis au moins un an. Il faut dire qu’elle était intéressée à la chose, toute place libérée dans le logement était bonne à prendre, tout comme l’occasion de se libérer de l’obligation permanente d’avoir des yeux dans le dos. Surveiller trois enfants en bas âge mais assez grands pour se faufiler partout, que ce soit en marchant ou en rampant, n’est pas de tout repos. Avec cette rentrée à l’école maternelle, j’arrivais enfin en un lieu où j’avais un peu plus de place qu’à la maison.
Et surtout, oui surtout, il y avait d’autres enfants que ma grande sœur qui me martyrisait car c’est le travail des aînés de martyriser leurs cadets et mes deux petites sœurs qui me cassaient les oreilles en piaillant le jour et la nuit.
Mes parents, ma grande sœur et mes deux petites sœurs, l’une était très brune, l’autre très blonde et la grande châtaine avaient, comme moi, des yeux très sombres et une peau mate.
J’ignorais totalement que la couleur des yeux pouvait être différente du marron que je voyais tous les jours, tant dehors qu’à la maison car dans la rue où nous habitions, près de la Porte de Clignancourt –qui sera un repoussoir et dont la population restera  l’exemple de ce qu’il ne faut surtout pas devenir selon mes parents- il n’y avait pratiquement que des Algériens arabes, pas de Kabyles.
Dès mon arrivée à l’école je me vis assigner par la maîtresse une place à côté d’une petite fille. Elle s’appelait Malika et je ne pouvais détacher mon regard de son visage.
C’était la première fois que je voyais des yeux autres que des yeux bruns et les siens me semblaient extraordinaires. Ils étaient bleus ! Je les trouvais magnifiques et les regardais à la moindre occasion tant ils me semblaient beaux. Bien plus beaux que ceux de mes sœurs ou les miens. Ils me paraissaient même plus beaux que ceux de ma mère ! C’est dire à quel point j’étais impressionné.
Ce qui me paraissait une particularité aussi rare que merveilleuse entraîna chez moi un bouleversement qui me plongea dans un abîme de perplexité. C’était la première fois que je me surprenais à aimer quelqu’un qui n’était pas de mes proches. Cette affection pour une petite fille qui n’était pas une de mes sœurs était une bizarrerie qui n’avait pas fini de m’étonner.

Me voici donc assis à côté d’une petite fille aux cheveux aussi noirs que les miens mais frisés et aux yeux bleus. Ces yeux qui me feront me cogner dans les portes.
J’adorais grâce à elle, entrer en classe après la récréation, ce qui aura un effet bénéfique pour la suite de mes études.
Nous devions, à la fin de la récréation et dès l’appel de la maîtresse, nous mettre en rang par deux et, ô joie pour moi, donner la main à notre camarade pendant que nous rentrions.
J’étais toujours à côté de Malika pour entrer en classe et j'adorais lui tenir la main. En classe j'étais encore assis à côté d'elle à une de ces petites tables à deux places avec un petit banc attaché et je détestais lui lâcher la main. Heureusement pour moi, elle aussi.
Cette « romance » ne dura hélas qu’un peu plus de deux ans. L’enseignement de l’époque, qu’il soit public ou privé, avait l’habitude d’instaurer une sévère ségrégation entre les filles et les garçons dès le CP.
Cette pratique a mis fin brutalement, j’en suis sûr, à nombre d’amourettes qui avaient pris naissance sur les bancs de l’école maternelle.

Commentaires

A l'époque tu étais déjà *kéké* alors comme on dit ici ^^

Écrit par : pucca | mercredi, 16 octobre 2013

deux ans quand-même! amoureux de la même! pauvre petit bout de choux!!!!!

Écrit par : emiliacelina | mercredi, 16 octobre 2013

Des yeux bleue...je comprends maintenat pourquoi tu aimes les yeux verts, les yeux clairs on sur toi un effet qui te sortais de ton milieu naturel...en fait tu as commencé très jeune à courir après la gente féminine...hihihi...voila pourquoi HB se méfie 24/24...kiss

Écrit par : mialjo | mercredi, 16 octobre 2013

C'est drôle , je me noie dans les yeux très foncés tellement j'en cottoie peu chez moi , ceux de ma belle-fille par exemple!

Écrit par : Brigitte | mercredi, 16 octobre 2013

Déjà tendre, le séducteur ! Cette histoire est bien jolie...

Écrit par : MG | jeudi, 17 octobre 2013

Moi aussi, je rêve plus facilement dans des yeux clairs que sous un regard noir ! Remarque quelqu'un aux yeux bleus peut avoir un regard noir ; c'est rarement bon signe !

Écrit par : lakevio | jeudi, 17 octobre 2013

ah ! oui ! on séparait les filles et les garçons, je ne me souvenais plus !!! c'est pour ça que je n'ai aucun souvenir de copains de primaire !!!!!!!!!!! je me disais aussi .......

Écrit par : maevina | vendredi, 18 octobre 2013

Ici, il n'y a que des yeux clairs.
Je me souviens de Pascal P., mon amoureux de maternelle, mais je ne me rappelle plus de ses yeux.

Écrit par : Berthoise | vendredi, 18 octobre 2013

Il devait avoir les yeux clairs, quand on a l'habitude on ne remarque pas.

Écrit par : le-gout-des-autres | vendredi, 18 octobre 2013

2 ans! Si ce n'est pas de la fidélité ça!

Écrit par : mab | vendredi, 18 octobre 2013

et si l'école avait été mixte, même en primaire .... tu nous aurais conté de nombreuses histoires !!!!!

Écrit par : Rivka | mardi, 22 octobre 2013

Les commentaires sont fermés.