mercredi, 06 novembre 2013
Et dieu dans tout ca ?
La récré prit fin, psys gratos chéries, « en un combat douteux », l’autre ruminait les raisons de sa colère pendant que nous nous mettions en rang par deux...
Je repenserai à cet instant quand je lirai de Pascal, qui n’était pas un super humoriste, « Si tous les hommes savaient ce qu'ils disent les uns des autres, il n'y aurait pas quatre amis dans le monde. »
Pour vérifier cette assertion sans doute, « on » me chuchota, et c’est là que je compris que la soumission est un sentiment fragile, en rentrant en classe qu’il avait eu un peu peur parce que d’habitude, quand l’écharpe s’abattait sur un contestataire, elle le frappait en pleine figure et laissait le gamin pleurant et souvent saignant du nez.
Pire, que celui qui saignait du nez était puni pour s’être battu et était seul parce qu’il n’était pas question, sous peine de représailles, de dénoncer celui qui vous avait battu. Je pus vérifier cette injustice dès la fin de la récré. Le Frère, quand il me vit la lèvre ensanglantée m’attrapa au passage par les petits cheveux qu’on a sur les tempes.
Oui, ces petits cheveux qui prouvent que Newton avait tort avec son affaire de pesanteur car on s’envole pour les suivre.
Le Frère me tira et m’enjoignis de me mettre à genoux à côté de la porte. Je fus rejoint quelques instants plus tard par mon agresseur qui commença par me jeter un regard noir et me montrer un poing menaçant.
- T’as encore du sang sous le nez. Lui dis-je à voix pas assez basse hélas, ce qui me valut une tape sur la tête de la part du Frère, agrémentée d’un sauvage « Et ce sera une heure ».
J’accueillis la sanction d’un « mais enfin ! C’est pas juste ! » et fus illico remercié d’un coup de règle sur les fesses et une rallonge d’une heure.
Mon agresseur me regarda désormais avec le respect dû à celui qui se rebiffait contre l’Autorité.
Le fait qu’il put rater son coup avec un nouveau et que celui-ci, après l’avoir insulté lui avait tenu tête et s’en était sorti quasiment sans combattre le poussait si ce n’est au respect de l’adversaire au moins à la méfiance. Je n’avais pas encore sapé son autorité mais d’être puni avec lui m’avait au moins assuré une paix relative pendant les récrés.
Il allait me falloir néanmoins gagner la neutralité des autres fauves qui hantaient cette cour…
L’occasion m’en serait donnée dès le prochain cours d’instruction religieuse, donné le mercredi, histoire de nous donner matière à réflexion le jeudi, jour de la promenade.
Ce qui suit vous a déjà été relaté, lectrices chéries, mais c’est à ce moment que c’est arrivé.
Alors, hein...
C’est donc ce mercredi-là que j’ai découvert que ma mère aurait dû éviter de m’envoyer dans une école religieuse.
Mes parents auraient dû se méfier d’un gamin qui, regardant le réveil, ne demandait pas « pourquoi les aiguilles tournent ?» mais « qu’est-ce qui fait tourner les aiguilles ?».
Ils auraient dû d’autant y réfléchir qu’il y avait déjà eu quelques explications orageuses, suite à des démontages intempestifs de réveil...
Ce n’est que bien plus tard que j’ai appris que quand quelqu’un demande « comment ça marche » plutôt que « pourquoi ça marche », c’est une âme perdue…
Ce n’est pas que j’étais ce qu’on appelle « un esprit fort », non, c’est que j’étais curieux et peu apte à croire sans demander d’explications un peu plus convaincantes que « c’est comme ça ! ».
Non que je fusse déjà l’anticlérical forcené ou le ricaneur adepte du « croa croa » au passage d’un curé. Ma mère m’aurait d’ailleurs collé une taloche si j’avais osé…
Je ne savais rien encore de ces querelles qui divisaient les Français depuis près de deux cents ans et ne pouvais donc pas avoir d’avis bien tranché…
Du coup, je connus ce mercredi-là, pour la première fois et de façon aiguë, la sensation particulièrement désagréable du sentiment d’injustice.
Ça commença avec ma première leçon « d’Histoire Sainte ».
Je suppose que comme tout bon chrétien vous vous souvenez de ce début de la Genèse qui nous dit « Au commencement était le Chaos » et un peu plus loin, « Que la lumière soit, et la lumière fut », « Et dieu vit que la lumière était bonne ».
Bref, après avoir séparé la terre de l’eau, le jour de la nuit, etc. « l’Eternel » arrangea son petit métier et tout désormais irait pour le mieux.
Le Frère termina sur l’affirmation péremptoire qu’après avoir « Créé le Ciel et la Terre », le septième jour l’Eternel alla se reposer. J’en déduisis que c’était pour ça qu’il y avait le dimanche.
La cloche retentit. L’histoire était intéressante mais l’idée d’aller dans la cour l’était plus encore.
Dès que la cloche retentit de nouveau, l’injonction « en rang par deux » du Frère-instituteur placé à l’entrée de la classe « et en silence s’il vous plaît messieurs ! », le cours reprit.
Le Frère, continua un instant à nous raconter la Genèse et nous demanda « vous avez bien compris, messieurs ? », il reprit un souffle qu’il avait court et ajouta « si quelque chose vous a échappé de la Création du Monde, c’est le moment de le dire ! »
Je levai timidement le doigt.
« Oui monsieur S. ? Que n’avez-vous pas compris mon fils ?»
« Mais alors, qui a créé Dieu ? ».
La classe était déjà silencieuse –parler en classe valait une heure à genoux- mais là le silence devint si profond que j’eus l’impression d’être devenu sourd.
Comment avais-je osé ! Il y a des choses qu’on ne remet pas en question.
« Dieu a toujours existé et existera toujours, il a créé l’univers qui nous entoure ! »
Et là, la phrase suivante fit s’envoler mon dimanche à la maison.
« Mais alors, dans quoi il est l’univers ? ».
Sans tenir compte de mon ingénuité, bien réelle, le jugement du Frère, quasiment une ordalie, tomba.
C’est là que je fus injustement convié à rester le dimanche à méditer sur le sort funeste qui attend le gamin qui pose des questions malvenues. D’autant plus malvenues que le Frère ne peut y apporter de réponse…
06:50 | Commentaires (7)
Commentaires
Et tu es devenu le cauchemar des pauvres frères chargé de te dresser.
Écrit par : mab | mercredi, 06 novembre 2013
Tu parles...
Écrit par : le-gout-des-autres | mercredi, 06 novembre 2013
oh! pétard, et ils n'avaient même pas de réponses, les nuls !!!!!!
Écrit par : maevina | mercredi, 06 novembre 2013
Cette question "qui a créé dieu, c'était pourtant une bonne question"...On sait que c'est dieu qui a créé Adam et Eve en prenant une côte d'Adam, mais, comment dieu a-t-il été créé, c'est the big question invérifiable...
Moi, j'aimerais bien savoir quel est le 1er homme qui a commencé à mettre ces sornettes dans nos petites têtes de croyants (j'essaie d'y croire, je m'y efforce tous les jours, je pousse mon petit cerveau à y croire de plus en plus, malgré son septicisme)..
Les croyants que nous sommes aimeraient croire qu'il y a quelque chose après la mort, tout simplement, car savoir que nous servirons de repas aux vers de terre ou transformés en cendre, notre petit cerveau d'être humain ne peut concevoir cette chose abominable, nous sommes tellement fiers de notre petite personne, c'est tellement plus beau de croire que nous irons tous au paradis, qu'il y a une autre vie après la mort, une vie où les impôts, les taxes, les guerres, les assassins en tous genres, les escros, les hommes politiques véreux, etc, etc, n'existeraient pas, où les prairies ne seraient que vertes de fruits de la passion, où les allées seraient pavées de roses, où les hommes seraient éternellement beaux, jeunes, gentils, les femmes, sans langue de vipère, seraient parées de couronnes de fleurs sur leurs belles poitrines éternellement rebondies...
Rêvons, rêvons, ce que ne savaient pas faire les vilains frères dans ton école..
Finalement, le petit goût, il en avait déjà dans le cerveau, il devait déjà avoir un QI très élevé...Hi, hi...
Écrit par : juliette | mercredi, 06 novembre 2013
Tiens, une petite blague sur dieu et les menteurs..
Un homme meurt et monte au paradis. Lorsqu'il arrive devant st-Pierre, il aperçoit un grand mur couvert d'horloges, intrigué, il demande :
- À quoi servent toutes ces horloges ?
- Ce sont les horloges du mensonge, chaque être humain en a une, chaque fois que vous mentez, les aiguilles avancent.
- ah bon, à qui appartient celle-la ?
- C'est celle de mère Térésa, les aiguilles n'ont jamais bougé, car elle n'a jamais menti de sa vie.
- Incroyable ! Et celle là ?
- Celle-ci, c'est celle de Dominique Strauss-Kahn, les aiguilles n'arrêtent pas de bouger, car il a beaucoup menti durant sa vie.
- Je peux voir celle de François Hollande ?
- Ah non ! Elle est dans le bureau de Jésus, il s'en sert de ventilateur !
Écrit par : juliette | mercredi, 06 novembre 2013
peut-être que ta mère t'avais placé chez les frères pour qu'il répondent à toutes les questions que tu posais et dont elle ne connaissait pas la réponse!!!
Tu y es resté combien d'années ?
Mon beau-père était "libre penseur" les curés n'étaient pas ses copains, mais les bonnes-soeurs , Ça allait! Il faut dire que justement le curée de la paroisse n'était pas correct avec les enfants! Ceci explique celà!
Écrit par : emiliacelina | mercredi, 06 novembre 2013
Comment ça marche, hein?
Écrit par : livfourmi | jeudi, 07 novembre 2013
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