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mercredi, 12 février 2014

Luscus sed non caecus...

Deux semaines passèrent, Jean-Pierre avait gagné une paire de « boules à thé », histoire de le faire tenir tranquille en attendant d’être opéré.
Quelques jours après lui, j’en gagnai une paire aussi pour les mêmes raisons.
Tous les deux dans le noir nous parlions de tout et de rien.
Surtout de rien parce qu’il était plus grand que moi, il avait douze ans et n’était intéressé que par le foot. Pas du tout par la conquête de l’espace.
La Lune devait lui sembler bien trop démunie de terrains de foot pour l’intéresser…
Nous finissions par dormir beaucoup et, à écouter les parents, nous maigrissions dangereusement. Faute d’exercice, je l’ai su après.
Au bout de cette quinzaine de jours, à une semaine à peine de février, on emmena Jean-Pierre, mort de trouille, se faire « rescotcher » la rétine.
Il était si apeuré qu’il jura de ne plus jamais jouer au foot !
Il revint dans le pâté, avec ses « boules à thé » soigneusement attachées.
Il me réveilla le lendemain avec son envie de vomir terrible qu’il satisfit dans ses draps…
Geneviève se précipita, râla pour la forme, le plaignit, changea les draps et en profita pour m’annoncer
- Toi, mon garçon, c’est après-demain que le professeur t’opèrera !
- Alors jusque là on ne me fait rien ?
- Si, je te fais tes piqûres, comme tous les jours.
- Pfff…
- Tu croyais y échapper ? Mais, mon garçon, tu n’aurais pas oublié que tu saignais ? Et que quand on saigne, il y a plaie, alors hop ! Pas de microbes ! Ici on les tue !
- J’ai faim…
- Je reviens avec les petits déjeuners ! Et toi, mon garçon ? Tu peux manger ?
Jean-Pierre dit d’un ton pas trop gai « Oui madame. » 
Elle alla chercher les petits déjeuners, nous les donna à la becquée et repartit, je ne la reverrais qu’à l’heure des visites.
Lors de cette visite, le professeur confirma « Mon garçon, jeudi je t’opère, je profite, le jeudi tu es libre… Je vais essayer de réparer tes bêtises. Prie pour que ça marche. »
Le soir, mes parents vinrent, tentèrent de se rassurer plus que rassurer un petit garçon qui n’avait pas peur tant il avait confiance dans « le professeur » et demandèrent à l’infirmière-chef un rendez-vous avec lui pour en savoir plus.
Je sus plus tard qu’il les avait avertis que la rétine pouvait ne pas se recoller ou se redécoller à la moindre occasion et surtout que je risquais de développer une « cataracte traumatique » qui était à l’époque irréversible.
On me réopéra donc le surlendemain.
Je gardai mes « boules à thé » sagement le temps nécessaire. Ce que j’aurais dû faire avant…
Chaque visite, le professeur Blancard semblait de plus en plus songeur et réticent à me parler.
Vers la fin février il vint pour la première fois dans la soirée, pendant les visites, ce qu’il ne faisait jamais.
Mes parents étaient là.
Il annonça la nouvelle. La mauvaise nouvelle.
La rétine s’était recollée mais l’adhésion restait fragile, il restait aussi des traces de sang qui à la longue se résorberaient.
Il s’arrêta un instant, le temps que mes parents digèrent la nouvelle.
Puis reprit « le problème c’est le cristallin qui s’opacifie de façon irréversible, la cataracte traumatique tant redoutée se développe, il est à craindre que l’état de la médecine aujourd’hui ne permette pas à cet œil de recouvrer sa fonction. Je suis désolé mon garçon, il est très probable que ton œil ne marche plus jamais… »
Ma mère se mit à pleurer, mon père ne dit rien mais j’étais sûr qu’il faisait une sale tête.
De façon assez surprenante, je ne fis rien de tout ça. Je n’étais pas content bien sûr mais les choses étant arrivées, il n’était pas question de pleurer dessus.
Eh non, Mab, l’expérience ne m’avait pas rendu plus sage.
Je pensais seulement à être à l’avenir plus précautionneux…

Je resterais à l’hôpital jusqu’à disparition complète des traces de l’expérience et n’en sortirai qu’une semaines avant Pâques, un matin de printemps absolument délicieux.
L’air du dehors me fit tourner la tête, près de trois mois sans sortir m’avaient fait fondre. Prends en de la graine, Coumarine, si tu veux fondre, reste couchée trois mois sans sortir au régime hospitalier. Je t’assure, ça marche.
 Je sortais juste pour être en vacances, sans une cicatrice et maigre comme un chat errant.
A part une divergence dans le regard qui s’est accentuée puis stabilisée l’année suivante, il n'y eut comme conséquences que le redoublement de la cinquième et cette « borgnitude ».
 « Borgnitude » gênante surtout pour draguer et jouer au tennis.
Je me suis tiré quand même de tout ça.
Oui, ce n'était pas bien grave car je ne joue jamais au tennis…

Commentaires

ça me remet en mémoire les longs séjours à l'hôpital de Sister

Écrit par : mab | mercredi, 12 février 2014

et dire que je me suis faite recoller la rétine en 2min d'un coup de lazer .....................

Écrit par : maevina | mercredi, 12 février 2014

Il y a des séquelles qu'ont ne peut balayer mais on apprend à les dépasser. Tu as su brillamment faire avec.
J'ai mes deux yeux mais j'ai un pb d’accommodation : je ne peux jouer aux jeux de visée,tir, tennis et autre.
Bises

Écrit par : lakevio | mercredi, 12 février 2014

Prends soin de ton bon oeil !

Écrit par : Brigitte | mercredi, 12 février 2014

bien sûr c'est ta dernière phrase que je préfère...lol je suis sûre que tu aurais bien aimé jouer au tennis...tu te rends compte...que si tu n'avais pas voulu monter ton train!!!!!!!!!!garnement!mais tu as en apparence bien accepté la chose, je précise en apparence! kiss.

Écrit par : mialjo | mercredi, 12 février 2014

Donc pour draguer, tout n'était pas perdu.

Écrit par : berthoise | mercredi, 12 février 2014

aujourd'hui ils t'auraient probablement sauvé ton oeil.

Écrit par : liliplume | mercredi, 12 février 2014

sans aucun doute, entre le tennis et la drague , si tu avais dû choisir, je suis persuadée que tu n'aurais pas choisi le tennis!!!! Celà a quand-même été une aventure douloureuse pour un gamin, mais tu l'as surmontée courageusement !

Écrit par : emiliacelina | mercredi, 12 février 2014

Les commentaires sont fermés.