mardi, 25 mars 2014
Allo maman, bobo…
Je lis et entends souvent depuis quelque temps quelque chose qui me déplaît profondément.
Me hérissait déjà le racisme à base ethnique, qui consiste à trouver que le Noir court mieux que le Gaulois mais devrait se contenter de bananes selon une interprétation étrange des Evangiles répandue par certains bigots. Il semblait prouvé aussi, selon des sources voisines, que le Maghrébin vole mieux, plus vite et surtout plus souvent que notre Rafale.
Je ne perdrai pas mon temps, lectrices chéries, à vous parler de « la fourberie du Jaune », de la fainéantise congénitale de l’Africain ou de la cruauté de l’Extrême-Oriental.
Non, je ne vous parlerai pas de toutes ces preuves de la stupidité, de la peur et de l’ignorance qui submergent la cervelle du pilier de café du commerce. Celui qui trouve que « l’autre », même s’il est né ici, « eh ben il est v’nu que pour les allocs et le RSA, heureusement qu’Marine elle va virer tout ça ! »
Il y avait jusqu’à une époque récente, quelques inimitiés, souvent solides, entre divers représentants des classes de notre beau pays. Le riche y méprise souvent le pauvre qui, à l’en croire est si dépourvu de sens commun qu’il pense que le monde est mal fait. Le pauvre déteste souvent le riche, le riche étant simplement celui qui gagne plus que lui, ce qui étend considérablement la zone de détestation.
Le dirigeant était fier de ne plus faire partie des dirigés, oubliant dans l’enthousiasme qu'il a de nouveaux patrons, son banquier et son percepteur...
Bref, tout allait pour le mieux dans ce monde où la rancœur, pour des motifs parfois sérieux, parfois futiles était monnaie courante et semblait justifier quelques discriminations pourtant illégales.
Non, je vous parlerai aujourd’hui d’un nouveau racisme, un racisme social.
La droite, d’abord extrême puis plus récemment dite « droite forte », c'est-à-dire la même mais sans bandeau sur l’œil ni patrimoine familial lourd à porter, a trouvé un nouvel ennemi, une classe indéterminée dont votre Goût adoré s’honore de faire partie.
« L’horrible bobo » ! Voilà à quoi ces conservateurs bornés me réduisent.
Ça justifie l’appellation USienne de « neocons », si savoureuse et si juste avec l’accent français.
Dès que quelqu’un les invite à y aller doucement, remarque que la vie n’est pas drôle mais qu’elle est courte et qu’il faut en profiter, qu’il faut vivre et laisser vivre, que la fin ne justifie pas tous les moyens, qu’il y a des choses qu’on ne fait pas, surtout si ce n’est que pour l’argent, eh bien le type qui dit des choses comme ça est un « bobo ».
Vous n’êtes pas dans la misère et vous trouvez que le trader est beaucoup trop payé compte tenu de son apport à la société ?
Vous êtes un bobo.
Vous vivez dans un appartement plutôt sympa et vous trouvez à la fois que La Lanterne est une chouette maison qui vous plairait bien ?
Vous êtes un bobo.
En plus vous trouvez que la façon de traiter les Roms est scandaleuse et indigne ?
Là vous devenez un affreux bobo.
Vous trouvez débile et indigne d’aller distribuer des horions à des femmes aux seins nus qui manifestent pour le mariage homo ?
Là, ça s’aggrave, vous êtes alors un de ces « horribles bobos ».
Bref, être bobo est apparemment avoir l’esprit large et ouvert.
Pour paraphraser Courteline et son plaisir de fin gourmet, j’en viens à me dire que passer pour un bobo aux yeux de crétins fascisants est plutôt flatteur.
Pour ces gens, être bobo est une maladie grave alors qu’elle consiste surtout à s’apercevoir que si la vie n’est pas drôle tous les jours, en aucun cas c’est quelque chose de sérieux.
10:30 | Commentaires (7)
Commentaires
Un peu de philosophie à l'école dès le primaire ne nuirait pas à l'élargissement de notre tolérance et au développement du cerveau de nos futurs votants , rien n'est fait pour augmenter nos connaissances , hélas , les jugements à l'emporte pièce sont entendus tous les jours .
Écrit par : Brigitte | mardi, 25 mars 2014
Oh que cela est juste, bien écrit, bien décrit. Moi qui, habitant dans le 18ème, au pied de Montmartre, me fais traiter de vilaine bobo plus souvent qu'à mon tour:-)
Et comme pour aggraver mon cas, je travaille dans le 17ème.....dans ce que l'on nomme maintenant "le village des Batignolles".
Écrit par : imaginer | mardi, 25 mars 2014
Bobo! bien sûr , je connaissais l'expression, mais tu viens de me l'expliquer de façon parfaite et complète !Alors? On serait tous des Bobos finalement ?
Écrit par : emiliacelina | mardi, 25 mars 2014
au départ les bourgeois bohème étaient des modérés mais il me semble que les vilaines opinions les ont doublés et se sont enflammées, du coup ils se retrouvent les survivants de la bonne pensée et non plus les garants de la pensée unique .............
Écrit par : maevina | mardi, 25 mars 2014
C'est bizarre, c'est un nom qu'on m'a déjà attribué pourtant je ne suis pas parisienne. Mais si c'est avoir l’esprit large et ouvert, je le prends pour un compliment.
Écrit par : berthoise | mardi, 25 mars 2014
Je ne fréquente pas le café du commerce...
Écrit par : Allye | mercredi, 26 mars 2014
Je suis bobo et fière de l'être ! C'est très bien les bobos
Écrit par : Fauvette | jeudi, 27 mars 2014
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