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lundi, 18 juin 2018

Un café olé !

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« Que peut-elle bien faire encore au-dehors, dans ce noir ? »
C’est la première question qui m’est venue à l’esprit quand je l’ai vue. Je n’ai pas osé lui dire « mais qu’est-ce que vous faites, là, l’air hagard, à marcher dans la nuit ? »
J’étais sûr qu’elle était affolée. Par quoi ? Mystère, la route était vide qui longeait le bois.
J’ai allongé le pas et l’ai rattrapée. En passant à côté d’elle j’ai demandé « Vous fuyez ? Vous avez besoin d’aide ? »
Elle s’est arrêtée et a secoué la tête puis, après avoir repris une respiration plus calme, souffla « Non, ça va maintenant, j’ai seulement eu peur en passant devant un buisson, j’ai eu l’impression que quelqu’un s’y cachait… »
Je l’ai regardée un peu plus attentivement, elle était menue, assez bien faite et ses grands yeux craintifs lui donnaient le genre de charme qui attire les hommes brutaux.
Sa bouche aux lèvres charnues en revanche attirait le baiser mais comme je suis bien élevé…
Je lui ai dit « Alors allons y… » et ait tendu mon coude à la femme.
La bride de ses escarpins changea de main et elle glissa son bras sous le mien. Je la sentis se calmer au fur et à mesure que nous avancions. J’entamai une conversation à bâtons rompus, assez légère pour la rassurer espérais-je.
Quand nous sommes arrivés dans les faubourgs, j’ai regardé autour de nous. Pas un café ouvert. Pas un volet éclairé. Rien qui put indiquer la vie, pas même un chat sous un réverbère.
Je fus d’un seul coup gêné.
J’ai demandé « Vous êtes fatiguée ? »
Son bras s’est mis à trembler légèrement sous le mien, elle commençait à ressentir une certaine crainte.
Je me suis arrêté et ai dit doucement
- Vous avez peur ? Je ne vous ferai rien vous savez…
- Oui, un peu. 
- J’habite un peu plus loin, je peux vous faire du café.
- Je veux bien… Juste du café hein ? Parce que…
- C’est assez grand pour que nous ne nous croisions pas jusqu’à demain.
- J’ai peur quand même.
- Que voulez vous que je fasse ? Je ne sais même pas où est le commissariat !
- Bon… Mais attention hein !
Quand nous sommes arrivés chez moi, je l’ai fait asseoir dans le séjour et je suis allé à la cuisine.
J’ai sorti les dosettes en demandant à haute voix « Normal ou déca ? »
Elle a répondu derrière moi, tout près « Normal, serré s’il vous plaît… »
Je ne l’avais pas entendue arriver sur ses pieds nus.
Elle a repassé sa main sous mon coude et nous avons attendu que les cafés soient prêts.
Je lui en ai tendu un et ai pris l’autre. Alors seulement elle a souri.
Nous avons posé nos cafés sur la table basse.
Elle était vraiment petite. Elle a continué à sourire quand je me suis penché sur elle.
Quand le jour s’est levé, j’ai demandé :
- Mais comment t’appelles-tu ?
- Madame Desqueyroux.
Alors j’ai eu peur en repensant au café que j’avais bu. Et si…
Elle s’est levée, je l’ai suivie à la salle de bains et admirée encore une fois.
Elle farda ses joues et ses lèvres, avec minutie; puis, ayant gagné la rue, marcha au hasard. »

Commentaires

Bizarre cette femme, non ?

Écrit par : Délia | lundi, 18 juin 2018

Plus que bizarre, je devrais le relire encore une fois.

Écrit par : heure-bleue | lundi, 18 juin 2018

Un rêve étrange et doux... qui m'a fait penser à Verlaine :

"Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend."

plus qu'à Athalie :

"C'était pendant l'horreur d'une profonde nuit.
Ma mère Jézabel devant moi s'est montrée,
Comme au jour de sa mort pompeusement parée.
Ses malheurs n'avaient point abattu sa fierté ;
Même elle avait encor cet éclat emprunté
Dont elle eut soin de peindre et d'orner son visage,
Pour réparer des ans l'irréparable outrage."

Merci pour ce moment littéraire !

Écrit par : lakevio | lundi, 18 juin 2018

C'est la troisième fois que je le lis et vraiment, comme dit HB, c'est bizarre.

Preux chevalier ? femme à l'esprit pervers ?
Que se passe-t-il entre le moment où tu te penches sur elle et le jour qui se lève, ça c'est à nous de remplir les blancs.

Etrange tableau
Etrange femme

Écrit par : Sophie | lundi, 18 juin 2018

est-ce une femme qui a peur?
ou une femme qui fait peur?

Écrit par : Coumarine | lundi, 18 juin 2018

Thérèse Desqueyroux peut faire peur, mais c'est aussi une victime... (Je crois qu'on rediffuse le téléfilm récent cette semaine, ou qu'on vient de le diffuser). Sais-tu qu'il y a des suites (deux nouvelles, dont Thérèse à l'hôtel) et une fin "La fin de la nuit" (où sa fille revient).

Bon, je ne pense pas que ton héros doive avoir vraiment peur, elle n'a jamais changé la posologie des médicaments que pour son mari ........ Et elle n'a pas tué Jean Azévédo. Mais c'est vrai que la finale, ça vient un peu comme un cheveu dans la soupe, (je parle de la consigne), mais chez toi, ça va, tu t'en sors...

Écrit par : Pivoine | lundi, 18 juin 2018

pauvre Thérèse, c'est bien la peine d'avoir bénéficié d'un non-lieu si on continue à voir en elle une criminelle ;-)
bien joué! il fallait bien qu'elle passe la nuit, sinon comment placer la phrase finale, n'est-ce pas :-)

Écrit par : Adrienne | lundi, 18 juin 2018

Eh bien c'est ce soir qu'on rediffuse le téléfilm, sur France 3.

Écrit par : Pivoine | lundi, 18 juin 2018

J'aime mieux lire Mauriac que voir ce qu'on en fait à l'écran.
(je trouve qu'il exprimait mieux la chose avec sa plume que d'autres avec une caméra, mais ce n'est que mon opinion, ce n'est qu'une opinion)

Écrit par : le-gout-des-autres | lundi, 18 juin 2018

Thérèse en vadrouille...
Bénie soit-elle...
Il y a quand même un "blanc" dans leur emploi du temps !

Écrit par : Gwen | lundi, 18 juin 2018

Ah la chute ! je me demandais où on allait atterrir. Bien imaginé. Les livres sont toujours plus intéressants, plus étoffés que les films.
Qu'avez-vous fait entre 23h et 6h le lendemain ? :-)

Écrit par : Praline | lundi, 18 juin 2018

bon! En fait...vous avez ....bien dormi ....puis elle est partie!!!!!!!! enfin...tu l'as laissée partir !

Écrit par : emiliacelina | lundi, 18 juin 2018

C'est toujours la même question. La lecture permet de construire sa propre vision...
(Le gémissement des pins d'Argelouse) d'imaginer...
Tandis que le cinéma donne à voir.
J'aimais quand même bien Philippe Noiret et Emmanuelle Riva.

Écrit par : Pivoine | mardi, 19 juin 2018

Les commentaires sont fermés.