mercredi, 31 octobre 2018
Exit
Que je vous dise, lectrices chéries.
Il y a plus triste que regarder partir dans le four un cercueil.
Il y a bien plus triste que jeter une poignée de terre sur la boîte dans le caveau.
Ce qui, à mon sens, m’a semblé le plus définitif, c’est le scellement dans la petite niche du vase contenant les cendres de ma cousine préférée et hélas morte.
Déjà, l’homme qui partageait sa vie avait amené quelques babioles comme des coquillages et des choses que je n’avais pas vues, de façon que chacun pût mettre dans la niche un petit quelque chose.
Un peu comme on met un petit caillou sur une sépulture juive.
Comme l’homme en question est un Parisien donc comme votre serviteur et sa comparse un type un peu snob, il avait amené ces babioles dans le sac « orange Hermès » bien connu et qu’on reconnaît entre mille : Le sac « Le Bon Marché ».
Parce que quand même, ce n’est pas parce qu’on est dans la peine, les yeux pleins de larmes et la voix chevrotante qu’il faut abandonner ce qui fait notre essence.
Que dis-je ! Notre être.
Oui, parce que c’est bien connu, « l’existence précède l’essence. »
Et hélas, il en ressort que quand cesse l’existence, il ne reste que l’essence…
J’ai donc plongé une main tremblante au hasard dans le petit sac orange que F. m’a tendu d’un bras mal assuré.
J’en ai ressorti une carapace de homard nettoyée et séchée, d’un rose tendre.
Oui, Süzel et moi avions les mêmes goûts dispendieux.
Comme moi elle aimait le homard et la fibre artistique qui a guidé sa vie s’était attachée à la beauté de la carapace du crustacé qu’elle mangea, décortiqua, nettoya et enfin sécha pour la garder.
J’ai glissé cette ultime communauté de goût dans la niche puis me suis reculé prudemment à l’arrière des personnes présentes afin que personne ne soupçonne les larmes.
Puis, à côté de la lumière de mes jours, qui avait la mine aussi sombre car elle aimait beaucoup ma cousine, j’ai attendu.
C’est là que le côté définitif de la chose m’est apparu dans toute sa cruauté.
Un homme s’est approché, en tenue de travail.
Il a ajusté la petite plaque de pierre qui allait clore la niche puis, un outil de plombier à la main il a posé un joint sur le pourtour de la dernière demeure de ma cousine.
Comme on le fait sur le tour d’une baignoire ou d’un évier, avec le même produit.
Le « plombier » n’a pas là siffloté comme font les plombiers.
Quand le tour de la petite plaque de pierre a été bouclé, le cœur s’est serré.
Cet instant a été un des pires de mon existence.
À part quand j’ai cru qu’Heure-Bleue ne se réveillerait plus jamais après la naissance de l’Ours.
Il y eut bien ce moment aussi quand j’ai cru que Malika ne voulait pas prendre ma main pour entrer en classe à l’école maternelle (alors que non, elle l’a prise quand même, je me rappelle pas pourquoi j’ai cru ça un instant).
Mais ce moment de lundi fut un instant atroce.
09:48 | Commentaires (22)
Commentaires
Mais ce moment de lundi fut un instant atroce.
A lire ton billet, j'ai la gorge serrée.
Dans toute cette tristesse, tu as un petit recours (secours), celui de savoir mettre les mots sur ta peine.
Que je partage.
Écrit par : Sophie | mercredi, 31 octobre 2018
Je comprends que ça n'aille pas fort à vous lire...
J'espère que mettre des mots fait un peu de bien.
Essayer de dormir et d'avoir chaud ?
Des bises.
Écrit par : Pivoine | mercredi, 31 octobre 2018
Les murs élevés pour des urnes ou des cercueils (ex Espagne) sont redoutables. Il faut une échelle !! pour accéder et y mettre 3 fleurs (si le cas est prévu). Pratique pour se recueillir, à condition d' avoir bien repéré l'endroit.
Écrit par : Nina | mercredi, 31 octobre 2018
Tu sais tellement bien raconter que lire ton article d'aujourd'hui ne me fait pas prendre mes jambes à mon cou. Tu sais trouver les mots pour faire passer même l'indicible.
puis me suis reculé prudemment à l’arrière des personnes présentes afin que personne ne soupçonne les larmes.
Oui, un homme n'aime pas montrer ses larmes..Et oui, un homme se doit d'être fort, de ne pas montrer sa sensibilité. C'est l'éducation de nos mères qui veut ça.
La crémation me terrifie. Finir dans une petite boite quand, quelques minutes avant, tu es entier, ça doit être terrible pour les proches...Peu d'ailleurs acceptent d'accompagner les proches dans ces cas là... Ma mère n'arrêtait pas de nous dire "j'espère que vous ne me ferez pas brûler" et que vous me ferez un caveau. Elle avait tellement peur qu'on n'accomplisse pas ses derniers volontés (comme si on aurait été capables de ça) qu'elle en avait fait part aux pompes funèbres et que, malgré ses faibles revenus, elle avait pris une convention obsèques qui couvrait une partie des frais..
Bon, ce n'est pas gai, gai tout ça. Je vais aller m'atteler au plat de résistance pour emporter demain dans la maison froide de ma mère. A 91 ans, elle allumait encore ses 2 ou 3 poêles, transportait son bois sur une brouette quand elle n'avait personne sous la main pour le faire.. Comme elle savait que j'étais frileuse, elle mettait le tirage à fond. Il va certainement y faire très froid demain..Et, comme ni moi, ni ma sœur ne voulons les allumer, ni mon mari qui dit ne pas savoir allumer un poêle à mazout, il va nous falloir attendre que notre frère arrive de Dijon pour s'en occuper.
Bon, je suis encore hors sujet une fois de plus, mais, impossible de ne pas penser au feu après t'avoir lu...D'autant plus que je viens de m'occuper du mien, mon mari ayant la flemme de s'y coller, je veux parler de mon...P O E L E....à granulés, pas à mazout..
Écrit par : julie | mercredi, 31 octobre 2018
Ton billet est remarquable, respect.
Bleck
Écrit par : Bleck | mercredi, 31 octobre 2018
Toujours aussi bien exprimés ces douloureux moments que vous traversez. Je compatis, sincèrement.
Récemment j'ai vécu cela, le scellement définitif de l'urne contenant les restes d'un être très cher et j'ai trouvé que c'était pire que la pose d'un couvercle sur un cercueil...Mais sans avoir pu regarder la terre s'abattre sur celui-ci avant qu'on scelle (encore) une lourde pierre tombale ! Brrr !
J'ai choisi pour moi ce qui me semble plus "aérien" : Jeter mes cendres dans mon Fleuve Rpyal que j'aime et les laisser filer jusqu'à la mer... En souhaitant que ce será moins lourd également pour mes proches.
Courage à tous les deux, du sommeil, du repos et bien vite des balades parisiennes.
Écrit par : mimazhan | mercredi, 31 octobre 2018
Je ris facilement et je pleure facilement... sauf que là, y a vraiment matière à... ce lundi fut atroce, je le comprends tellement...
Évacuer tout cela ne sera pas facile mais je sais que vous y arriverez, on arrive toujours à reprendre goût, à rire de nouveau... d'ailleurs j'ai souri à l'évocation de Malika.
Bises et amitiés.
Écrit par : Praline | mercredi, 31 octobre 2018
Toujours et jamais prennent tout leur sens dans ces moments là.
Je ne savais pas qu'ils scellaient les plaques avec des joints d’étanchéité. Drôles de moments en effet (drôle dans le sens de curieux, naturellement).
Écrit par : delia | mercredi, 31 octobre 2018
En effet, ce n'est pas ce qu'on espère avec une crémation : se retrouver au caveau ou dans une petite niche. Pour ma part, c'est la liberté de s'envoler donc, de préférence ne pas m'enfermer mais répandre mes cendres...
Je n'étais pas là pour ma nièce mais j'aime à savoir qu'elle est devenue naïade dans l'Océan...
Bises
Écrit par : lakevio | mercredi, 31 octobre 2018
Douces pensées...
Écrit par : Manoudanslaforet | mercredi, 31 octobre 2018
Vous avez le cœur lourd ... je vous comprends ... cette année est éprouvante. Amicales pensées.
Écrit par : Francelyne | mercredi, 31 octobre 2018
Je viens aussi de me retrouver à regarder un maçon jointer la plaque du caveau familial dans lequel nous venions de déposer l'urne contenant les cendres de ma mère. Et J'ai ressenti un décalage étrange entre mon chagrin, mon recueillement et ce geste professionnel, tellement matériel.
Je me permet de suivre vos blogs respectfs, car j'apprécie vos traits d'esprit et votre couple "blogeste"
Je ne commente habituellement pas mais votre post m'a sincèrement émue. Ma peine a trouvé des mots...
Écrit par : Danielle | mercredi, 31 octobre 2018
...Le Goût...... Je t'embrasse ...tout comme j'embrasse HB .... cest la seule façon que je conaisse pour exprimer ma compassion pour les moments difficiles que vous venez de vivre!
Écrit par : emiliacelina | mercredi, 31 octobre 2018
Il est des temps où pleurer soulage …. vous avez été bien secoués tous les deux, je te souhaite du courage ….
Écrit par : Colette | mercredi, 31 octobre 2018
Je vous embrasse.
Écrit par : Anita | jeudi, 01 novembre 2018
Sublime et déchirant.
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Écrit par : celestine | jeudi, 01 novembre 2018
Récit poignant sur l'implacable conscience du définitif, le temps qui passe et ne reviendra plus. Jamais plus.
"Tu étais à tout jamais immobile, j’étais pour un temps encore en mouvement. La mort nous séparait pour l’éternité." (A. Philipe)
Mes très sincères condoléances.
Écrit par : La Baladine | jeudi, 01 novembre 2018
certains prétendent que c'est indispensable au travail de deuil, mais j'ai de gros doutes.
tout cela est si finement écrit que chacun ici ne peut que repenser à ses propres disparus... toute ma sympathie à vous deux
Écrit par : Adrienne | jeudi, 01 novembre 2018
vous passez par une triste période, bon courage à tous les deux
Écrit par : ang/col | jeudi, 01 novembre 2018
Un billet déchirant de tristesse mêlé au réalisme de la vie qui mène forcément inéluctablement à la mort et qui correspond à l'atmosphère de la Toussaint et du mois de novembre. Réaliste mais l'espoir est là derrière les gris nuages annonçant malgré le deuil à faire, un renouveau lumineux nécessaire...
Écrit par : Jerry OX | vendredi, 02 novembre 2018
Lamartine a donc raison
C'est la saison où tout tombe
Aux coups redoublés des vents ;
Un vent qui vient de la tombe
Moissonne aussi les vivants.
J'espère que le vent sera plus clément à présent.
Je vous embrasse tous les deux.
Écrit par : Berthoise | samedi, 03 novembre 2018
Comme disait son concurrent contemporain :
Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,
Et quand octobre souffle, émondeur des vieux arbres,
Son vent mélancolique à l'entour de leurs marbres,
Certes, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,
A dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps,
Tandis que, dévorés de noires songeries,
Sans compagnon de lit, sans bonnes causeries
Ça me semble si vrai...
Bref, tout ça ne nous ramène pas vers la jeunesse...
Écrit par : le-gout-des-autres | samedi, 03 novembre 2018
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