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lundi, 25 novembre 2019

Devoir de Lakevio du Goût No 17

devoir de Lakevio du Goût_17.jpg

Quelque chose m’est suggéré en regardant cette toile.
Mais vous ? Que vous dit cette toile ?
Si voulez bien faire ce « devoir de Lakevio du Goût », vous le commencerez par cette phrase « J’ai arpenté pendant plusieurs jours le XVIème arrondissement, car la rue silencieuse bordée d’arbres que je revoyais dans mon souvenir correspondait aux rues de ce quartier. »
Et le clorez par « Ce fut un chagrin désordonné. »

J’ai arpenté pendant plusieurs jours le XVIème arrondissement, car la rue bordée d’arbres que je revoyais dans mon souvenir correspondait aux rues de ce quartier.
J’en descendais certaines vers « l’Île aux cygnes » car je pensais que je la croiserais de nouveau.
Depuis des années je passais et repassais dans ces rues.
J’étais sûr que je la reverrais et qu’on s’aimerait de nouveau.
Je la revoyais, partir d’un pas rapide, fâchée. Je devinais son dos contracté par la peine et la colère au travers de ce manteau garance qu’elle affectionnait par-dessus tout.
Ce dos… Ce dos que j’avais caressé tant et tant, si doux, si chaud…
Bon sang, quel imbécile je fus !
J’avais encore dû sortir une de ces réflexions idiotes et cruelles dont j’avais le secret quand j’étais fâché pour une broutille.
J’aurais dû savoir que c’était grave pourtant rien qu’à la sentir se figer.
Pour elle, depuis ce jour où nous avions fait… Où nous fîmes plus ample connaissance, j’avais toujours été « mon chéri » et sauf dans quelques moments graves et sérieux ou en présence d’inconnus, elle ne m’appelait jamais par mon prénom.
Quand je lui avais dit cette méchanceté, elle s’était arrêtée net, s’était tournée vers moi et là,  à ma grande surprise m’avait dit « C’est trop. » et avait clos par mon prénom.
Elle s’était éloignée de ce pas rapide des gens en colère puis, apparemment délivrée de moi avait repris ce pas dansant qui m’avait séduit.
Depuis ?
Je l’attendais.
Je la cherchais.
Je déambulais le jour et parfois la nuit dans ce quartier où je l’avais vue la première fois.
Je marchais pendant des heures et, bien qu’il y eût maintenant plusieurs années que je la cherchais, je ne pouvais m’empêcher de sursauter à chaque manteau rouge que j’apercevais au loin.
J’en eus bien quelques nouvelles par hasard de gens que nous avions rencontrés mais ces nouvelles s’étaient raréfiées avec les années.
Pourtant, chaque fois que je passais devant telle statue, sur tel pont, devant tel autre monument où nous nous étions arrêtés, mon cœur battait plus fort et je m’immobilisais un instant, faisait du regard le tour de l’endroit.
Au cas où…
Un matin, je croisai X.
Il savait tout de mon obsession et la supportait avec le courage étrange qu’ont parfois les amis.
X. me dit, l’air triste « Tu sais, j’ai appris qu’elle est morte… Il y a longtemps… Un cancer. »
Je l’ai traité de salaud, de traître et j’ai voulu lui donner un coup de poing.
Il aurait pu me dire où elle était ! Il savait ! On aurait pu s’aimer de nouveau ! Comme avant !
Il a seulement soupiré, a retenu mon bras et m’a pris dans les siens tandis que je sanglotais autant de chagrin que de colère, contre moi, contre le monde, contre la maladie.
Comme a dit Flaubert dans « Un cœur simple » ce fut un chagrin désordonné…