jeudi, 02 avril 2020
Avec le temps, va… Tout s’en va…
Ce matin j’ai ouvert un œil.
Tôt.
Trop tôt.
Sans doute le bruit dans la rue, incongru en ces temps de silence des rues, d’un casier à bouteilles.
D’où venait-il ? Je ne sais.
De la rue, sans autre précision…
C’est là, dans le moment où la réalité n’a pas encore pris le pas sur le sommeil, que « je me souviens » comme écrivit Perec.
Je me souviens, à deux pas de la maison, de ce caviste où j’allais les jours fastes acheter une bouteille de limonade « Dumesnil ».
Je me souviens de ce jour où le caviste découvrit l’adjectif « courbatu ».
Il saoula la moitié de la rue avec ce « courbatu ».
L’époque, lointaine, était au plein emploi ouvrier et nombre d’hommes rentraient le soir fourbus.
Leurs épouses, ergo nos mères, allaient « faire les courses » et se plaignaient les unes aux autres de voir leurs maris, ergo nos pères, « courbaturés ».
Ce caviste, donc, avait lu un livre, je le sais car le fameux jour de la limonade « Dumesnil » il me l’avait dit.
Il avait lu « Terre des hommes » de Saint-Exupéry.
Il y avait appris qu’on ne dit pas « courbaturé » mais « courbatu », je le sais car j’ai retrouvé la phrase.
« Tu étais encombré de ce corps courbatu, que tu tournais et retournais, sans parvenir à le loger dans le sommeil. »
Fort de cette découverte, il a tenu pendant au moins deux semaines à la faire partager au quartier.
C’est à ce moment qu’en petit garçon désobéissant, je suis allé chez un autre caviste.
Dans la rue, en partant dans l’autre sens, peu après la boutique de bonbons, il y avait un charcutier puis, un autre caviste.
C’est chez lui que désormais nous irions acheter la bouteille de « Rosato » pétillant que ma mère achetait pour Noël et la bouteille de « Champlure » qui, additionnée de liqueur de « quinquina » et de sucre, servirait d’apéritif et de « remontant » toute l’année.
C’est là aussi que je vis pour la première fois les énormes réservoir de « vin à la tireuse ».
Il y en avait deux, un pour « le 10° » et un pour « le 11° », celui de luxe.
Ainsi décrits sur l’ardoise au-dessus du dispositif magique qui, dès qu’on y mettait un « litre étoilé » le remplissait, comme si la bouteille tétait directement la citerne.
Ce casier à bouteilles m’a ce matin retiré plus de soixante ans de la cervelle.
J’eus tellement préféré qu’il les retirât de mon genou droit…
10:28 | Commentaires (8)
Commentaires
Jeune mariée 'parisienne', j'ai troqué le 'Sidi Brahim' pour le 'Pelure d' oignon' !!!
Écrit par : Nina | jeudi, 02 avril 2020
Il y avait dans ma rue chic du 16me arrondissement au 26, nous au 28, notre voisin caviste,avec tout comme le tien ces énormes cuves de "jaja",et autres bibines, toute la machinerie, le bruit des casiers traînés sur le carrelage dans cette échoppe petite que trois clients si confinaient dans les vapeurs éthyliques.
Le tenancier aux poils bruns me faisait peur, quelque chose de trop sombre,un jour de printemps revenant de l'école un car de policiers étaient là, dans la boutique, le tenancier arrondissait son chiffre d'affaire en cambriolant les appartements des environs...Sa carrière s’arrêta vers midi, il chuta du cinquième étage.
Ma mère dut reconnaître mon "intuition" sur le personnage.
Écrit par : mume | jeudi, 02 avril 2020
Nouveau masque ;)
https://rigolotes.fr/39340/comment-se-protegent-les-valaisans
Écrit par : Fabie | jeudi, 02 avril 2020
donc ton genou droit ne va pas mieux?
;-(
Écrit par : Coumarine | jeudi, 02 avril 2020
Il n'ira jamais mieux... ;-)
Écrit par : le-gout-des-autres | jeudi, 02 avril 2020
lla limonade ....c'est mon champagne à moi ! les enfants en prévoient toujours une bouteille pour moi lors des fêtes de famille !
Écrit par : emiliacelina | jeudi, 02 avril 2020
tu as quoi au genou ? Et au fait comment va La Tornade ? Ils ne rigolent pas non plus en GB
Écrit par : ang/col | jeudi, 02 avril 2020
J'ai encore en mémoire le regard stupéfait d'une amie américaine du Michigan en découvrant dans mon hypermarché ... des clients qui remplissaient leurs bouteilles de vin à la tireuse ! Comme elle ne buvait que de très bons vins de l'état de Washington, je n'ai pas compris immédiatement qu'elle a pensé que c'était des vins de Bordeaux ou du bourgogne qu'on vendait en France en de telles quantités !
Comme quoi, il ne faut pas se fier aux apparences...
Écrit par : Gwen | vendredi, 03 avril 2020
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